En France, les usages comptables, admis fiscalement, considèrent qu'il faut amortir les constructions, quelle qu'elles soient. Dans de nombreux cas c'est artificiel car la plupart des constructions ne perdent pas de la valeur, même si des travaux de réparation sont régulièrement nécessaires.
Mais il y a une plus grosse anomalie : la valeur du terrain retenue est très souvent fortement minorée.
En principe, il faudrait décomposer la valeur du bien sur la base de la valeur vénale du terrain seul et la valeur vénale de la construction seule. Le problème, c'est que les actes notariés ne font que très rarement la distinction entre les deux.
La plupart du temps, les experts-comptables retiennent une valeur forfaitaire du terrain, entre 10 % et 20 % de la valeur totale du bien.
Une telle approche est trop approximative et ne tient pas compte du fait que, dans certaines villes, la valeur d'un bien est très fortement lié à la valeur du terrain. Si par exemple un appartement à Paris peut être évalué en moyenne à 8 000 € le m² alors qu'il est évalué à 2 000 m² à Dijon, il est facile de conclure que la valeur de l'appartement parisien est au moins, à hauteur de 6 000 €, celle de ses droits sur le terrain, ce qui représente 75 % du prix total.
En cas de contrôle fiscal, les services fiscaux pourraient selon moi faire un rappel égal à la totalité des amortissements excessifs, même ceux pratiqués avant le début de la période normale du délai de reprise.
En pratique, les services fiscaux contestent rarement la répartition du prix entre le terrain et la construction. Mais cela pourrait changer.
Dans un rappel basé sur ce motif, les services fiscaux ont la charge de la preuve et en principe il leur appartient de démontrer la valeur du terrain sur la base d'une comparaison avec la vente de terrains à bâtir intervenus à proximité du bien.
Cette question a donné lieu très récemment à la première décision de principe du Conseil d'Etat (CE 15 février 2016 n° 380400, Sté LG Services et CE 15 février 2016 n° 367467, SARL Daves Place des Etats-Unis, RJF 5/16 n° 398 . Dans cette décision, le Conseil d'Etat impose à l'administration une méthode pour contester la valeur d'un terrain, en fixant trois techniques successives :
- d'abord la comparaison avec des ventes de terrain similaires,
- à défaut, le coût de construction,
- et sinon d'après les pratiques comptables constatées dans un échantillon d'autres contribuables.
"Pour remettre en cause la répartition de la valeur d'un ensemble immobilier qu'un contribuable a réalisée entre le terrain et les constructions édifiées sur ledit terrain, l'administration doit se fonder prioritairement sur des transactions intervenues dans la même zone géographique à des dates proches de l'acquisition faite par la requérante. A défaut, la valeur de la construction peut être évaluée d'après son coût de reconstruction à la date d'entrée de l'immeuble au bilan de l'entreprise en opérant les abattements nécessaires à la prise en compte de sa vétusté.
En cas d'impossibilité d'appliquer l'une ou l'autre de ces méthodes, l'administration peut appliquer à la valeur de l'immeuble en litige les taux moyens relatifs à la valeur du terrain et des constructions issus des données comptables d'autres contribuables, sous réserve que ces taux soient calculés d'après un échantillon pertinent d'immeubles présentant des caractéristiques comparables en ce qui concerne la localisation, le type de construction, l'état d'entretien et les possibilités éventuelles d'agrandissement. Il importe que cet échantillon soit composé d'immeubles acquis à des dates proches de la transaction réalisée par la requérante.
Le contribuable conserve la faculté de critiquer les éléments retenus par l'administration ou de justifier son évaluation en se référant à d'autres données (…)"
Dans sa doctrine l'administration indique pour la location meublée :
"En principe, la ventilation entre le terrain et la construction doit être portée dans les actes notariés de vente. Le bulletin CNCC n° 140 de décembre 2005 préconise, dans les zones tendues, de déterminer la part du foncier par différence entre le prix de marché de l'ensemble terrain/immeuble et le coût complet de la construction (y compris frais annexes). Dans les autres zones, le bulletin CNCC précité relève que le prix de l'ensemble immobilier est généralement fixé en additionnant le coût de la construction et celui du terrain.
Par ailleurs, le Conseil d’État a précisé les méthodes que l'administration pouvait retenir afin de déterminer la valeur du terrain de celle des constructions qui y sont édifiées.
En priorité, il convient de se fonder sur des comparaisons reposant sur des transactions réalisées à des dates proches de celle de l'entrée du bien au bilan sur des terrains nus situés dans la même zone géographique et présentant des droits à construire similaires.
A défaut, la valeur de la construction peut être évaluée à partir de son coût de reconstruction à la date de son entrée au bilan en lui appliquant les abattements nécessaires pour prendre en compte sa vétusté et son état d'entretien.
Si ces deux méthodes ne sont pas applicables, l'administration peut, à partir d'un échantillon pertinent reposant sur un nombre de données significatif, s'appuyer sur les données comptables issues du bilan d'autres contribuables (CE, arrêt du 15 février 2016, n° 367467, ECLI:FR:XX:2016:367467.20160215 )."
Selon moi, les services auront beaucoup de difficultés à mettre en pratique cette méthode de contestation, ce qui garantit une certaine marge de manœuvre pour les contribuables. Attention à ne pas en abuser toutefois.