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Défiscalisation

Démêlez les noeuds de la fiscalité
lundi, 25 mars 2013 11:01

La simulation et la plaquette trop positive engagent la responsabilité du vendeur de défiscalisation

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Dans une très récente décision de la cour de cassation (com. 8 janvier 2013, n° 11-19387), une banque a été condamnée car elle avait conseillé à ses clients un produit de défiscalisation (monument historique).

La banque est condamnée pour défaut de conseil : elle n'avait pas attiré l'attention de ses clients sur les risques du placement. Sur ce point, la décision n'est pas originale. Le vendeur d'un produit de placement, et notamment une banque, doit informer correctement son client.

Ce qui est intéressant dans cette décision, c'est la confirmation du rôle juridique des plaquettes et simulations présentées aux clients. Ces documents publicitaires sont révélateurs des informations données aux clients au moment de leur achat. Il importe peu qu'ils comportent la mention "document non contractuel". D'une certaine façon, cette mention est même un facteur aggravant démontrant la volonté de désinformation, alors que tout professionnel à une obligation d'information.

Dans ce dossier, les simulations étaient bien trop optimistes par rapport aux risques encourus.

Les professionnels qui vendent des produits de placement sont tenus d'informer honnêtement leurs clients sur la réalité des risques. Contrairement à ce que certains pensent, il n'y a pas de droit au mensonge commercial.

AFEDIM est une société du groupe CREDIT MUTUEL qui est très impliquée dans le financement de schémas de défiscalisation au minimum douteux. Il est significatif de relever le comportement de cette banque qui n'hésite pas à aller jusqu'en cassation dans un dossier où elle n'avait pas le beau rôle.

D'une manière générale, le comportement de certaines banques est souvent indigne car elles jouent un rôle déterminant dans ces schémas en les finançant mais elles se présentent ensuite comme des victimes des défiscaliseurs (voir l'affaire APOLLONIA). En pratique, il serait facile pour elles d'éviter le développement de ces schémas en refusant tout financement aux schémas vendus par des opérateurs douteux. De fait, certains établissements bancaires sont plus sélectifs et ne sont presque jamais cités dans ce type d'opération. Ensuite ces banques devraient privilégier des solutions amiables raisonnables.

Dans certains dossiers j'ai été frappé par le fait que les banques n'envisagent même pas la moindre négociation pour trouver un compromis, obligeant les investisseurs à engager des actions judiciaires.

 

"Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 24 mars 2011), que M. et Mme X... sont entrés en relation, en janvier 2004, avec la Banque régionale de l'Ouest aux droits de laquelle vient le Crédit industriel de l'Ouest-Cio (la banque) et avec la société CM-Cic-Afedim, agence immobilière du même groupe financier (la société Afedim), dans le but d'effectuer un investissement leur permettant la défiscalisation de leurs revenus ; qu'après leur avoir fourni la plaquette relative au projet de rénovation d'un monument historique, présentant l'immeuble, le statut fiscal attaché à son classement, les plans des futurs appartements, le prix des différents lots et le coût prévisible des travaux répartis par lot, la société Afedim a réalisé deux études personnalisées mettant en évidence un gain à terme d'un certain montant et une économie d'impôts significative; qu'à la suite de ces études, M. et Mme X... ont acquis deux appartements en juillet 2004, en empruntant à la banque la totalité de la somme correspondant au montant de l'investissement; qu'ayant dû faire face à une majoration sensible des coûts de construction ainsi qu'à un avis de redressement fiscal, ils ont recherché la responsabilité de la banque et de la société Afedim pour manquement à leur obligation d'information et de conseil ;

Attendu que la banque et la société Afedim font grief à l'arrêt de les avoir condamnées in solidum à verser à M. et Mme X... la somme de 120 000 euros en réparation de leur préjudice, outre une indemnité de 6 000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel, alors, selon le moyen, que l'obligation de conseil ne s'applique pas aux faits qui ne pouvaient être connus lors de la conclusion du contrat ; qu'en l'espèce, il résulte des propres constatations de l'arrêt qu'en raison de leur activité professionnelle et de leur niveau de responsabilité, M. et Mme X... étaient aptes à comprendre l'équilibre financier et le fonctionnement de l'opération de défiscalisation litigieuse et qu'ils ne pouvaient se méprendre sur le fait que l'étude personnalisée présentée par la société Afedim en janvier 2004 constituait une simple estimation sans valeur contractuelle, ce qu'elle précisait, établie à partir de données sans caractère définitif, puisqu'il n'était pas fait état dans la plaquette annonçant l'opération de rénovation d'une date de livraison ou d'un montant définitif des travaux à réaliser ; que l'arrêt énonce également que le risque de surcoût des travaux estimatifs habituellement admis et connu dans ce type d'opération est de 10 %, mais qu'il avait atteint plus de 37 % en l'espèce ; qu'il était en outre constant que le surcoût ainsi atteint par les travaux par rapport aux estimations prévisionnelles initiales était essentiellement dû à l'importance des travaux exigés par l'architecte des bâtiments de France en 2006, soit deux ans après la vente, et votés le 30 mai 2006 par assemblée générale de l'Association syndicale libre « Hôtel Toutin », à l'unanimité des sociétaires (dont M. et Mme X...) décidant d'un budget supplémentaire de 800 000 euros à ce titre ; qu'il en résultait que le surcoût en définitive supporté par les acquéreurs, due à l'évolution exceptionnelle, postérieurement à la conclusion des contrats de vente et de prêt, de la masse des travaux à réaliser, ne pouvait être connu ou prévu par les exposants lors de la conclusion de ces contrats ; que dès lors, en imputant à faute aux exposants de ne pas avoir attiré l'attention M. et Mme X... sur le risque de voir évoluer le coût des travaux estimatifs dans des proportions très au-delà de la marge de 10 % habituellement admise et connue, en raison d'hypothétiques exigences de l'architecte des bâtiments de France dans le futur qu'ils ne pouvaient connaître, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil ;

Mais attendu qu'après avoir relevé qu'intervenant pour proposer et personnaliser un investissement relevant de législations complexes, il appartenait à la banque et à la société Afedim d'informer M. et Mme X..., en corollaire des avantages annoncés par l'étude, des aspects moins favorables et des risques inhérents à l'acquisition de ce type de produit immobilier, l'arrêt retient que cette information aurait dû être délivrée avant que les investisseurs ne s'engagent, de sorte que le comportement et les votes de M. et Mme X... lors des différentes assemblées générales de l'association syndicale libre sont indifférents ; qu'il retient encore qu'aucun élément n'établit qu'ils disposaient de connaissances solides leur permettant d'appréhender les aléas constructifs et fiscaux pouvant résulter de l'opération proposée et qu'aucune information contenue dans le projet de rénovation qui leur a été présenté ne leur permettait d'envisager que le coût des travaux énoncé à titre estimatif pouvait évoluer dans des proportions très au delà de la marge de 10 % habituellement admise et connue même de non spécialistes, pour atteindre plus de 37 %; qu'il retient enfin qu'il appartenait à la banque et à la société Afedim au fait de ce type d'investissement et des contraintes posées par ce secteur immobilier d'attirer l'attention des clients sur ce point, d'autant plus que la plaquette réalisée était muette sur les conditions dans lesquelles avait été défini le coût prévisionnel des travaux et leur validation par l'architecte des bâtiments de France; que, de ces constatations et appréciations faisant ressortir que les renseignements sur le coût des travaux fournis par la banque et la société Afedim, lors de la conclusion de l'opération d'investissement par M. et Mme X..., n'avaient pas permis à ces derniers de mesurer l'importance du risque en découlant, la cour d ‘appel a pu déduire que la banque et la société avaient manqué à leur devoir d'information et de conseil, en les privant de la possibilité d'évaluer, en toute connaissance de cause, l'adéquation de l'opération proposée à leur situation et à leur attente; que le moyen n'est pas fondé ;

Et attendu que le moyen, pris en ses deuxième, troisième et quatrième branches, ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la Banque CIC Ouest et la société CM-CIC Afedim aux dépens ;"

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