Dans une précédente décision de principe qui portait sur un régime Malraux (civ. 1ère 13 décembre 2005, n° 03-11443, publiée au Bulletin), la cour avait déjà considéré que le"notaire est tenu d'informer les acquéreurs d'un bien immobilier acquis en vue de la réalisation d'une opération de défiscalisation des risques de redressement éventuellement encourus lorsqu'il a connaissance de la motivation essentiellement fiscale de l'opération".
Deux conditions à l'engagement de la responsabilité du notaire était donc retenues :
1. L'existence d'un motif fiscal à l'opération
2. La connaissance, par le notaire, de cette motivation.
Il est acquis que la mission du notaire ne se borne pas seulement à donner une forme authentique aux actes qu'il rédige. Le notaire est également soumis à un devoir de conseil envers ses clients.
Dans les produits de défiscalisation immobilière, le motif fiscal est nécessairement déterminant et, par ailleurs, le plus souvent, le notaire connaît l'existence de ce motif, tout simplement parce qu'il est le notaire du promoteur et qu'il a réalisé toutes les ventes du programme (ce qui était le cas précisément dans la décision du 13 décembre 2005, voir aussi Cass. civ. 30 décembre 2008; n° 06-21.183).
Par ailleurs, l'existence d'un conseil au côté de l'acheteur, ni même la compétence de l'acheteur ne peuvent décharger le notaire de son obligation de conseil.
Le notaire doit informer du risque de rappel. Autrement dit, le notaire est responsable, même si le rappel est seulement incertain et donc même si, au bout du compte, après une procédure fiscale, l'opération est jugée fiscalement valide, par exemple par le juge fiscal. Evidemment, dans ce dernier cas, le préjudice sera limité au coût de la procédure.
Selon moi, un notaire qui participe à la vente d'un produit de défiscalisation immobilière doit se couvrir en mentionnant directement dans l'acte qu'il existe un motif de défiscalisation et que la défiscalisation recherchée nécessite de respecter certaines conditions (à détailler dans l'acte).
Evidemment l'acheteur d'un produit de défiscalisation immobilière doit exiger que l'acte notarié mentionne le motif de défiscalisation. Si le notaire refuse de le faire, il ne doit pas acheter le bien, du moins avec un tel notaire.
Par ailleurs le notaire doit procéder à un examen de l'opération, et vérifier, en fonction des éléments portés à sa connaissance ou qu'il peut facilement se procurer, si l'opération de défiscalisation présente des risques. Si c'est le cas, il doit en informer le client par un document écrit en conservant la preuve de la réception.
En pratique, les opérations de défiscalisation immobilière présentent de nombreux risques de remises en cause et elles font d'ailleurs souvent l'objet de rappels. La responsabilité des notaires risque en conséquence d'être souvent engagée s'ils n'ont pas pris la peine d'avertir les acheteurs.
Ci-après, la décision du 26 janvier 2012 :
"Attendu, selon l'arrêt attaqué, que les époux X..., Y..., Z..., A... et B... ont acquis par actes reçus par M. C..., notaire, des appartements vendus, en 2001 en l'état futur d'achèvement et présentés comme pouvant bénéficier des avantages de la loi de défiscalisation dite "loi Besson" ; que l'administration fiscale estimant que les travaux réalisés ne pouvaient être assimilés à une opération de construction, que la mutation ne constituait pas une vente en état futur d'achèvement et que l'opération n'était pas éligible aux avantages de la loi Besson, les acquéreurs ont dû payer le montant d'un redressement ; qu'ils ont en conséquence recherché la responsabilité du notaire et sollicité sa condamnation à les indemniser de leur préjudice ;
Attendu que, pour débouter ces derniers de leurs demandes, l'arrêt retient qu'il ne saurait être utilement reproché à M. C... d'avoir légitimement retenu, au moment de dresser les actes de vente pour cette opération, le régime fiscal le mieux adapté à la spécificité de la promotion immobilière d'un immeuble à usage de logements en cours de construction et le plus favorable aux futurs acquéreurs ;
Qu'en statuant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si M. C... n'avait pas manqué à son devoir de conseil envers les acquéreurs en ne les avertissant pas de l'incertitude affectant le régime fiscal applicable à cette opération et du risque de perte des avantages fiscaux recherchés par ces derniers, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision."