Observations personnelles générales
Je ferais d'abord quelques observations générales. Désolé, je ne peux pas m'en empêcher.
D'abord, le régime de la procédure de régularisation est globalement extrêmement complexe et difficile à comprendre, même pour les avocats fiscalistes et pour les agents de l'administration chargés de sa mise en oeuvre.
Cette complexité provient principalement du fait que le ministre a imposé un principe : celui selon lequel toute régularisation devait strictement respecter les règles de droit, seules les pénalités pouvant faire l'objet d'une remise partielle.
Or, le droit applicable aux régularisations est extrêmement complexe et incertain, ce qui est souvent le cas du droit fiscal.
En l'espèce, le droit applicable est complexe pour différentes raisons.
D'abord parce que les règles à appliquer sont parfois naturellement complexes, c'est le cas du régime des donations.
Ensuite parce que certains régimes sont devenus délirants du fait des évolutions récentes et désordonnées : c'est le cas du régime des prescriptions en matière de compte étranger non déclaré.
Enfin, c'est le cas parce que certaines règles ont été mises en place en vue de permettre le contrôle fiscal et non dans une logique de gestion courante, c'est le cas du régime de l'article 123 bis (société offshore) ou celui de l'obligation déclarative des trusts étrangers.
Il aurait été préférable d'admettre une simplification des règles de droit applicable pour faciliter la compréhension de la procédure par tout le monde : avocats, agents des impôts et surtout contribuables concernés. Cela étant justement, le STDR a admis certaines simplifications (mais il ne faut pas trop le dire car cela contredit les consignes du ministre).
D'une manière générale, il serait judicieux que le ministre (et les autres politiciens) prenne conscience de la nécessité d'éviter, d'une part, les empilements de mesures fiscales nouvelles et, d'autre part, les mesures de répression fiscale excessivement sévères, inadaptées à la lutte contre la fraude fiscale, notamment parce qu'elles ne sont pas assez ciblées contre les vrais fraudeurs. Vaste sujet.
Mais revenons au sujet et admettons qu'il existe un effet positif à la position du ministre, celui d'obliger l'administration fiscale à répondre à des nombreuses questions sur les règles de droit à appliquer, et donc de faire progresser la connaissance du droit fiscal.
La procédure engagée oblige en effet l'administration à répondre à de très nombreuses questions sur le droit applicable et à proposer un corps de règles à appliquer uniformément à tous.
A ce sujet, il y a lieu de regretter que l'administration n'ait pas mis en ligne une circulaire bis détaillant les règles applicables et répondant à toutes les questions possibles, quitte à la compléter au fur et à mesure.
Cela éviterait aux agents de la nouvelle cellule d'être dérangés par les avocats fiscalistes et les contribuables qui réclament des explications. Cela aurait surtout pour mérite de rassurer les contribuables qui envisagent de régulariser.
En effet, dans ce contexte d'incertitude et d'incompréhension, de nombreuses personnes s'angoissent, souvent à tort, et renoncent à régulariser.
Aspect pénal et autres risques de poursuites
En théorie, tout agent de l'Etat doit signaler au procureur toute infraction pénale dont il a connaissance. En pratique, évidemment, les agents de l'Etat se limitent aux cas les plus graves. C'est notamment le cas des agents des impôts et c'est heureusement le cas des agents des impôts travaillant au STDR.
Sur ce point, il ne peut y avoir de prise de position officielle générale.
Le seul point officiel c'est qu'il n'y aura pas de poursuites pour fraude fiscale pour ceux qui régularisent et qui signent des transactions, ce qui serait d'ailleurs prévu expressément dans la nouvelle loi.
Par ailleurs, selon moi, (simple opinion personnelle) l'administration fiscale n'a pas l'intention de procéder à des dénonciations pour des faits anciens non significatifs.
Par exemple, le dirigeant associé unique d'une SARL qui a détourné les fonds de sa société pour constituer un compte bancaire en Suisse : en théorie c'est un abus de bien social ; en pratique tout le monde s'en moque, du moins si aucun tiers n'a été lésé par ces détournements.
En revanche, un abus de bien social récent sera nécessairement signalé au procureur et, s'il a causé préjudice à des tiers, par exemple d'autres associés, il pourrait donner lieu à des poursuites pénales. Mais il n'empêche pas la régularisation avec application du régime de la circulaire.
D'une manière générale, selon moi, le STDR n'est pas dans une logique de chasse aux sorcières, son rôle n'est pas de lancer des poursuites, ni d'engager des enquêtes approfondies sur l'origine des fonds. C'est vrai jusqu'à un certain point. Par exemple, le STDR ne va pas vérifier que le droit des successions a été strictement respecté lorsqu'une donation lui est révélée. Mais si une personne bénéficie d'une donation en violation flagrante des droits des autres héritiers, le STDR peut exiger une régularisation juridique préalable. Autre exemple : si un dossier de régularisation révèle une omission fiscale au détriment d'une administration fiscale étrangère, le STDR ne va pas dénoncer le contribuable à l'Etat étranger. Mais si une demande d'information est faite par cet Etat étranger, les services fiscaux français fourniront l'information. Pas d'excès de zèle mais pas non plus d'impunité totale.
Cas d'exclusion de la circulaire
La circulaire ne s'applique pas à tous les cas de régularisation.
Dans certains cas, les avantages de la circulaire ne peuvent pas s'appliquer car le ministre les a exclut.
Cela ne veut pas dire que les contribuables concernés ne peuvent pas régulariser car rien ne peut interdire à un contribuable de régulariser sa situation fiscale. Cela veut dire que, dans ces cas, les contribuables ne pourront pas bénéficier du cadre de réduction automatique des pénalités prévu par la circulaire. Ils peuvent toujours régulariser, et même bénéficier d'une remise partielle des pénalités, mais ce sera du cas par cas, en fonction de l'appréciation du dossier.
L'activité occulte est exclue, sauf si elle a pris fin avant le début de la période non prescrite (2003 car la prescription est de 10 ans pour les activités occultes). Mêmes les activités occultes faites à l'étranger sont concernées. Une opération unique (encaissement d'une commission) n'est sans doute pas une activité occulte (point à vérifier selon moi).
Il ne faut pas confondre l'activité occulte et l'omission de recettes. L'omission de recettes c'est quand une personne a une activité déclarée mais cache certaines recettes. L'omission de recettes permet de bénéficier du régime de la circulaire. Si les omissions datent de la période de reprise (depuis 2006 pour un compte étranger situé dans un pays non coopératif), il faut ajouter ces omissions dans ses revenus imposables directement dans la catégorie revenu professionnel. Le cas échéant, il faut rectifier la TVA (à mon avis au titre des trois dernières années).
Une question reste en suspens : quelle est la prescription qui s'applique aux revenus professionnels omis ? Faut-il appliquer le délai de reprise de droit commun de 3 ans (actuellement à partir de 2010) ou celui propre aux comptes bancaires non déclarés ? Sur ce point, la réponse de l'administration est encore en attente.
La circulaire ne s'applique pas non plus si le contribuable a fait l'objet ou faire en l'objet d'un ESFP (contrôle fiscal personnel approfondi) au titre des années non prescrites. A contrario, un ESFP portant sur une période prescrite n'empêche pas de bénéficier de la circulaire.
La circulaire ne s'applique pas si des opérations de contrôle sont déjà engagées sur les comptes étrangers.
L'administration refuse également l'application de la circulaire aux contribuables qui auraient fait l'objet d'un simple signalement par les douanes. Cela peut arriver à l'occasion d'un simple contrôle douanier même si le contribuable n'a pas commis d'infraction. Cette position de l'administration est excessivement sévère.
Origine des fonds
Dans la procédure de régularisation, selon la circulaire, il faut démontrer l'origine des fonds.
Cette origine doit être démontrée d'abord pour démontrer qu'il ne s'agit pas d'une activité occulte ou d'une activité illégale susceptible d'être signalée au procureur. Ensuite cette origine doit être démontrée pour vérifier si le compte est actif ou passif. Enfin, cette origine doit être démontrée pour connaître le régime fiscal applicable, par exemple pour éviter l'application éventuelle des droits de mutation à titre gratuit, par exemple si l'origine des fonds est une donation d'une personne encore en vie.
En pratique, comment démontrer l'origine des fonds ? Dans certains cas cela peut être assez difficile. En pratique, l'administration n'exige pas de preuve absolue. Il peut s'agir de simples indices de vraisemblance venant corroborer l'attestation sur l'honneur du contribuable.
Mon conseil : éviter de mentir sur l'origine des fonds car cela risque de faire annuler ensuite l'application du régime de faveur de la circulaire. La validité de la transaction suppose en effet que le contribuable ait dit toute la vérité du dossier dans la transaction.
Un problème concret peut se poser quand il y a eu une transmission d'un compte à plusieurs enfants : si un enfant régularise doit-il dénoncer ces frères et soeurs ? A mon avis, il n'y a aucune obligation de dénonciation mais, dans certains cas, il est impossible de ne pas l'évoquer dans l'attestation. Idéalement, il est préférable de convaincre tout le monde de régulariser. Dans cette situation, rien n'oblige à prendre le même avocat mais, pour des raisons pratiques, il est indispensable que les différents avocats concernés se concertent, notamment pour grouper le dépôt des différents dossiers ou au minimum pour informer l'administration du lien entre les dossiers.
Distinction actifs/passifs
Selon l'administration, un compte reste passif même s'il y a eu des retraits, du moment qu'ils restent peu importants.
La question peut se poser ensuite si les retraits deviennent importants. L'administration n'exclut pas que les comptes puissent être considérés comme actifs s'il y a des retraits importants non justifiés.
A mon avis, en pratique, les cas visés sont ceux où l'administration soupçonne des retraits alimentant des tiers, c'est une manière implicite de sanctionner des dons manuels non déclarés. Il faudra alors démontrer que les retraits ne cachent pas de tels dons.
Si une personne hérite d'un compte de son conjoint et qu'il ignorait l'existence du compte, il peut bénéficier du régime du compte passif.
Si un compte est passif et que le contribuable crée un deuxième compte à partir des sommes du compte passif, les deux comptes sont traités comme étant passifs.
Si un compte est passif et que le contribuable crée un deuxième compte à partir de l'argent qu'il apporte lui-même, les deux comptes sont traités comme étant actifs. Autrement dit, pour un même contribuable, il n'est pas possible d'avoir deux types de compte.
Remarque personnelle : si l'administration impose un seul régime actif ou passif pour tous les comptes étrangers non déclarés, il peut y avoir au contraire une application distributive de la réglementation pour l'application du régime de prescription. Les comptes à Jersey (pays non coopératif) doivent être régularisés en matière d'impôt sur le revenu depuis 2006 alors que les comptes à Londres doivent être régularisés depuis 2009. Mais pour l'ISF, la régularisation commence nécessairement en 2007 pour tous les comptes.
Les comptes ouverts à l'étranger imposés par l'employeur (cas notamment des frontaliers) sont admis comme des comptes passifs.
Le régime des structures interposées
Dans de nombreux cas, les banques et leurs conseils ont cru intelligent de conseiller à leurs clients de constituer des sociétés offshore pour mieux camoufler l'existence des comptes. Cela complique fortement le processus de régularisation car les services fiscaux appliquent les dispositions dérogatoires prévues à l'article 123 bis du CGI.
Remarque personnelle : il faut éviter les schémas délirants conseillés encore aujourd'hui pour échapper à l'impôt et à la régularisation.
Je ne vais pas reprendre l'ensemble des précisions apportées par l'administration sur ce point car c'est particulièrement complexe mais je vais indiquer les informations principales.
Rappelons que les associés de ces structures sont taxés sur les revenus annuels de ces structures et sur leurs distributions effectives.
Mais l'administration n'exige pas la dissolution de ces structures interposées. Il peut être judicieux dans certains cas de les conserver compte tenu du coût de leur liquidation.
En effet, la dissolution de ces structures peut être très coûteuse car les associés sont imposés sur le boni de liquidation, c'est-à-dire, pour simplifier, la prise de valeur des parts depuis la création de la structure ou l'obtention des parts par les associés. La dissolution n'est pas coûteuse si les parts de ces structures viennent d'être transmises à des enfants. Une solution peut être de donner les parts à ses enfants avant de la liquider.
En tout état de cause, sur ce sujet (revenus et liquidation), c'est la prescription de droit commun qui s'applique. En conséquence les liquidations intervenues avant 2010 sont prescrites.
Les droits de mutation à titre gratuit
La révélation de l'existence de comptes peut aboutir à la révélation de l'existence de donation ou de succession. La question principale est de savoir si ces transmissions doivent être taxées.
Dans la presque totalité des cas, les transmissions intervenues sont des dons manuels ou des transmissions pour cause de décès.
Les transmissions pour cause de décès sont prescrites si le décès est intervenu avant le 1er janvier 2007. Sinon, il faut les assujettir aux droits de succession.
La régularisation entraîne de facto selon l'administration la révélation du don manuel et donc en principe son imposition.
S'agissant des dons manuels à un successible, il faut distinguer trois cas selon l'administration.
Soit le donateur est encore en vie, le don manuel est taxable mais il est toujours possible d'opter pour le report de l'imposition à la date du décès du donateur.
Soit le donateur est décédé avant le 1er janvier 2007, la donation est prescrite. Aucun droit n'est dû. C'est la meilleure situation.
Soit le donateur est décédé après le 1er janvier 2007, la donation est taxable par rapport à la succession.
Si le don manuel est taxable, s'il date d'avant le 31 juillet 2011, la base taxable est la valeur du don au jour de l'exigibilité des droits, sinon, la base taxable est la valeur la plus élevée entre la valeur au jour du don ou la valeur au jour de l'exigibilité des droits. En pratique, si j'ai reçu un compte titre de mon père encore vivant le 10 mai 2012, la régularisation rend le don taxable et je dois payer les droits calculés sur la valeur du compte au jour du don, ou sa valeur actuelle (majorée des retraits) si le compte a pris de la valeur depuis.
Remarque personnelle : les règles ainsi énoncées concernent les dons manuels à des successibles, par exemple les enfants. C'est le cas le plus fréquent. Mais le régime des dons manuels à des non-successibles reste incertain. Il semble que les services fiscaux appliquent les mêmes règles que pour les dons à des successibles.
L'administration a admis que si un compte a été ouvert au nom d'un seul enfant, à charge pour lui d'en transmettre une partie à son frère, ce transfert ne soit pas considéré comme un deuxième don manuel taxable.
Autres précisions
Pour le calcul de l'ISF rectifié, l'administration admet la prise en compte au passif des montants dus (droits, intérêts de retard et pénalité). En revanche, les amendes annuelles ne sont pas imputables au passif.
L'administration ne demande pas la correction des demandes de boucliers, ce qu'elle serait en droit de faire pour tenir compte des rectifications de revenus résultant de la régularisation.
Pour la régularisation de l'ISF, la majoration est plafonnée à 10 % (au lieu de 15 % ou 30 %) lorsque le contribuable est un primo-déclarant, autrement dit quand il n'a jamais été assujetti à l'ISF, car la loi ne prévoit pas d'application de la majoration pour manquement délibéré de 40 %.
S'agissant de l'amende, le simple fait qu'il y ait eu des écritures de frais ou de commission sur le compte entraîne la mise en oeuvre des amendes. En pratique, seuls les comptes complètement dormants et sans frais peuvent permettre d'éviter l'application de l'amende (très rare en pratique).
En cas de compte détenu par plusieurs titulaires, l'amende proportionnelle est répartie au prorata mais l'amende fixe n'est pas répartie au prorata.
Si un compte est détenu par l'intermédiaire d'une structure interposée, l'amende est due, sauf à démontrer l'impossibilité d'utiliser le compte. Commentaire personnel : en pratique, l'amende est donc presque toujours due car cette preuve négative est impossible à apporter.
Lorsque le compte est détenu par un trust, l'amende pour non-déclaration du trust n'est pas appliquée et seule l'amende pour non-déclaration du compte est due.
Remarque personnelle : cette précision est très favorable et très importante pour ceux qui ont omis de déclarer un trust. De très nombreux américains vivant en France ont omis de faire la déclaration annuelle de l'existence de leur trust. Pour éviter des sanctions très lourdes, ils doivent en profiter pour régulariser.
L'amende annuelle de non-déclaration d'un trust passera à 12,5 % en 2014, ce qui est complètement délirant quand elle s'applique à des étrangers de bonne foi. Il serait judicieux que l'administration fiscale admette de ne pas appliquer cette amende aux étrangers qui ont créé leurs trusts quand ils étaient résidents étrangers. Mais c'est un autre sujet.