Le Conseil d'Etat vient de rendre une décision (21 mars 2011 n° 306225) selon laquelle il est possible de mettre en cause l'Etat s'il commet une faute simple et sous certaines réserves.
Auparavant, il était très difficile de mettre en cause la responsabilité de l'Etat car il était exigé, dans la plupart des cas concrets, la commission d'une faute lourde.
En pratique, l'Etat était très rarement condamné en matière fiscale, en fait presque jamais : deux fois dans les 20 dernières années. Chiffre incroyable quand on connait la propension des services fiscaux à faire des rappels délirants et à commettre des erreurs dans les procédures de recouvrement.
Cette nouvelle jurisprudence ouvre de nouvelles possibilités d'action pour tous les contribuables victimes des comportements abusifs de certains agents des services fiscaux.
Mais ne nous emballons pas, ce ne sera pas facile pour autant.
Il faudra démontrer l'existence d'une faute et un préjudice provoqué par la faute.
L'existence d'une faute des services fiscaux
Il faut d'abord une faute. En pratique, toute décision illégale des services fiscaux constitue une faute. Donc le fait de mettre en recouvrement un impôt illégal constitue une faute. De même, l'utilisation d'une procédure de recouvrement illicite constitue une faute.
Donc en pratique la faute sera facile à prouver.
La faute du contribuable
Le contribuable ne pourra demander réparation intégrale de son préjudice s'il a eu lui-même un comportement fautif qui explique en partie les difficultés qu'il a connu suite au rappel. La réparation du préjudice sera réduite à proportion des propres fautes commises par le contribuable.
L'existence d'un préjudice provoqué par la faute
Il ne suffit pas de démontrer l'existence d'une faute de l'Etat pour l'attaquer en justice, il faut aussi démontrer l'existence d'un préjudice causé par la faute. C'est beaucoup moins facile.
Le montant de l'impôt illicite ne peut donner lieu à indemnisation puisque de toute façon il sera annulé, et éventuellement remboursé, si l'imposition est jugée illicite, dans le cadre du contentieux fiscal classique.
Autrement dit, il ne faut pas confondre l'action en justice pour obtenir l'annulation d'un rappel et l'action en justice pour obtenir la réparation du préjudice supplémentaire provoqué par le rappel. Ce qui est en question ici ce sont toutes les conséquences néfastes supplémentaires subies par le contribuable du fait de la procédure de rappel et surtout du fait de la mise en recouvrement de l'imposition illicite.
Ensuite, même si l'imposition est annulée, cela n'entraîne pas nécessairement le droit d'être indemnisé et même si cette imposition a provoqué des dommages collatéraux.
En particulier, le contribuable ne subit pas de préjudice si l'impôt aurait dû en principe être versé et que l'illégalité invoquée provient de la commission d'un vice de procédure.
L'imposition annulée pour un vice de procédure
Par exemple, si l'administration se trompe dans la procédure de vérification de comptabilité et oublie d'accorder un recours hiérarchique, cela constitue un vice de procédure incontestable qui permettra au contribuable d'obtenir l'annulation du rappel. Mais il ne pourra pas obtenir la réparation du préjudice résultant du rappel si le rappel était au fond justifié et que seul un vice de procédure a permis au contribuable d'échapper au rappel.
En pratique, il peut arriver qu'une imposition soit illicite à la fois pour des raisons de droit et pour des raisons de procédure. Dans ce cas l'indemnisation du préjudice sera possible.
Le préjudice
Par ailleurs, il faut démontrer l'existence d'un préjudice réel évident directement causé par la faute de l'Etat. Il sera difficile d'engager une action en justice pour indemniser le contribuable des nuits d'angoisse résultant du contrôle fiscal.
Les préjudices doivent être manifestes pour être facilement démontrés et pour faire valoir le lien de cause à effet entre la faute de l'Etat et le préjudice subi.
En pratique, la faute de l'Etat sera surtout causée par les effets du recouvrement de l'impôt illicite. Par exemple, le chef d'entreprise qui fait faillite à cause du rappel, le particulier qui est obligé de vendre sa résidence principale pour payer les redressements. Il est possible d'imaginer toutefois des effets secondaires moins radicaux comme par exemple le préjudice de réputation provoqué par un avis à tiers détenteurs ou par l'inscription du privilège du Trésor sur le registre du commerce.
La prescription
Attention à la prescription : il faut engager la procédure dans le délai de 4 ans maximum à compter du préjudice subi.
S'agissant des impositions illicites, il sera souvent judicieux de ne pas attendre le résultat de la procédure de contestation de l'impôt pour engager une deuxième procédure visant la réparation du préjudice subi du fait de cette imposition.