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Contrôle fiscal

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jeudi, 01 septembre 2016 10:55

Comptes étrangers : les effets des décisions du Conseil Constitutionnel

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Le Conseil Constitutionnel a rendu cet été des décisions spectaculaires et inattendues. Elles viennent notamment bouleverser la situation des français qui détiennent des comptes étrangers non déclarés.

La première décision est celle du 24 juin 2016 selon laquelle, notamment, il n'est possible d'engager des poursuites pénales que dans les cas des fraudes les plus graves, cette gravité pouvant résulter du montant des droits éludés, de la nature des agissements du contribuable ou des circonstances dans lesquelles ceux-ci sont intervenus.

La deuxième décision est celle du 22 juillet 2016 selon laquelle l'amende proportionnelle applicable aux personnes ayant omis de déclarer leurs comptes étrangers est inconstitutionnelle.

Je note que ces deux décisions sont très importantes et la deuxième va coûter des milliards d'euros à l'Etat, mais bizarrement la presse grand public n'en a presque pas parlé.

 

Position du STDR sur la décision du 22 juillet 2016

Le STDR a expliqué dans un courrier à l'Institut des Avocats Conseils Fiscaux (IACF) comment il comptait appliquer la décision du 22 juillet 2016 :

"1. L'amende proportionnelle de 5 % pour défaut de déclaration de comptes bancaires détenus à l'étranger, codifiée au 2ème alinéa du 2 du IV de l'article 1736 du code général des impôts, n'est plus appliquée pour les dossiers traités à compter de cette décision. En revanche, l'amende fixe codifiée au premier alinéa du 2 du IV de l'article 1736 du code général des impôts reste applicable.

2. Les transactions signées par les contribuables ou leur mandant avant la décision du Conseil Constitutionnel sont définitives, conformément aux dispositions de l'article L. 251 du livre des procédures fiscales.

3. S'agissant des transactions non signées par les contribuables ou leur mandant avant  la décision du Conseil Constitutionnel, elles donneront lieu à l'envoi d'une nouvelle proposition de transaction afin de tenir compte de la décision évoquée.

4. L'amende pour défaut de déclaration des trusts, prévue au IV bis de l'article 1736 du code général des impôts,  et l'amende pour défaut de déclaration des contrats d'assurance-vie, prévue à l'article 1766 du code général des impôts, restent applicables."

Remarque personnelle : le maintien de l'amende pour non-déclaration des trusts et des contrats d'assurance-vie est purement dilatoire. Ces amendes vont très probablement être annulées également par le Conseil Constitutionnel dans les prochains mois.

Il y lieu d'espérer que le STDR continuera de plafonner l'amende fixe au montant maximal de l'amende proportionnelle (même devenue inapplicable) car, dans certains cas où les comptes sont très nombreux mais faibles, l'addition des amendes fixes aboutit à des montants délirants et injustes.

 

Le risque réduit de poursuites pénales pour les titulaires de comptes étrangers non déclarés

Compte tenu de la décision du 24 juin 2016, les titulaires de comptes étrangers non déclarés ne risquent plus de poursuites pénales si les fraudes commises ne sont pas dans les cas "les plus graves".

Evidemment, la difficulté est de définir cette notion.

En pratique, selon moi, il est possible d'exclure le risque de poursuites pénales pour les titulaires de comptes étrangers seulement s'ils sont passifs et s'ils n'ont pas donné lieu à des omissions fiscales importantes.

Autrement dit, même si le compte est passif, s'il m'a permis d'éluder un impôt de façon significative dans le délai de reprise (droits de succession, ISF et impôt sur le revenu), il n'est pas possible de considérer que je ne risque pas de poursuites pénales.

Mais les comptes passifs "bénins" ne risquent pas des poursuites pénales.

Par exemple le cas d'une personne qui a créé le compte quand elle était résidente étrangère et qui a omis de le déclarer quand elle est devenue française, qui n'était pas assujetti à l'ISF et qui n'a pas réalisé des revenus significatifs non déclarés sur ce compte.

De même, une personne qui a hérité de ce compte avant 2007, qui n'est pas assujetti à l'ISF et qui n'a pas eu de revenus significatifs sur ce compte, pourrait se considérer, selon moi, comme à l'abri de poursuites pénales.

 

Faut-il contester la transaction pour obtenir le remboursement de l'amende proportionnelle ?

Comme prévu, le STDR n'a pas prévu de rembourser l'amende proportionnelle à ceux qui auraient déjà signé une transaction.

La question pourrait se poser de savoir si les contribuables qui ont déjà signé la transaction n'auraient pas intérêt à demander en justice la restitution de l'amende.

Il n'y a pas de réponse évidente à cette question.

Selon moi, une transaction étant définitive, il n'est pas possible de la contester en justice, même en invoquant le fait qu'elle a été calculée en prenant en compte une amende devenue depuis inconstitutionnelle. Une transaction met fin à un litige. Une décision de justice a posteriori, même sur un principe constitutionnel, ne peut pas justifier sa remise en cause.

Cela étant, quand le contribuable est dans un cas où, précisément, l'amende proportionnelle est grossièrement hors de proportion avec les impôts éludés, il pourrait faire valoir que l'Etat a abusivement utilisé la menace de l'application de l'amende pour lui faire conclure la transaction.

La décision d'inconstitutionnalité de l'amende est certes sans nuance parce que le Conseil Constitutionnel n'a pas le choix. Il doit se prononcer sur le texte de loi et l'annuler ou pas. Il peut difficilement annuler une loi que pour certains cas et pas les autres.

Il n'en demeure pas moins que le caractère inconstitutionnel a été jugé parce que l'amende était trop générale. Elle n'aurait pas été déclarée inconstitutionnelle s'il avait été prévu par exemple qu'elle ne pouvait s'appliquer qu'au cas où la non-déclaration du compte avait permis une omission importante des impôts ou dans ce but. D'ailleurs une nouvelle version de cette amende risque d'être instituée avec ces limitations dans la prochaine loi de finances, mais elle ne s'appliquera que pour l'avenir.

En conclusion sur ce point et à ce stade, il me paraît légitime et raisonnable, d'envisager une action en restitution de l'amende pour ceux qui ont signé une transaction mais seulement dans les cas où l'application de l'amende était très contestable, c'est-à-dire pour les contribuables passifs qui n'ont pas pu utiliser leur compte non déclaré pour réduire leur impôt. Autrement dit, c'est un peu la même définition que celle que je propose pour désigner les contribuables qui ne risquent plus de poursuites pénales. 

C'est ainsi que ceux qui réclameront l'annulation de la transaction sont aussi ceux qui ne risquent pas de poursuites pénales.

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