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Contrôle fiscal

Démêlez les noeuds de la fiscalité
mercredi, 26 septembre 2018 09:50

Le poker et l'impôt (j'avais raison)

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Sur ce site, j'avais fait une note en 2011 pour expliquer que l'imposition des joueurs professionnels de poker était conforme au droit fiscal, mais que l'application de la pénalité du régime de l'activité occulte était contestable.

Certaines personnes ont cru bon de faire croire aux joueurs qu'il est était possible d'éviter l'imposition.

Le Conseil d'Etat a pris position pour vadider le principe de l'imposition dans un arrêt du 21 juin 2018 n° 412 124. Son argumentaire correspond à celui que j'avais évoqué.

Toutefois, le même jour (arrêt du 21 juin 2018 n° 411 195) le Conseil d'Etat a considéré que le régime de l'activité occulte (prescription allongée de 10 ans mais aussi de facto pénalité de 80 %) n'avait pas lieu de s'appliquer car le joueur peut prouver l'existence d'une erreur légitime.

 C'est ce que j'avais prévu (ou presque). De là à croire que le Conseil d'Etat s'inspire de mes notes....

Je joins les extraits des deux arrêts :

 

 Décision 412 124

2. Aux termes du 1 de l'article 92 du code général des impôts : " Sont considérés comme provenant de l'exercice d'une profession non commerciale ou comme revenus assimilés aux bénéfices non commerciaux, les bénéfices des professions libérales, des charges et offices dont les titulaires n'ont pas la qualité de commerçants et de toutes occupations, exploitations lucratives et sources de profits ne se rattachant pas à une autre catégorie de bénéfices ou de revenus ". Si la pratique, même habituelle, de jeux de hasard ne constitue pas une occupation lucrative ou une source de profits, au sens des dispositions précitées de l'article 92 du code général des impôts, en raison de l'aléa qui pèse sur les perspectives de gains du joueur, il en va différemment de la pratique habituelle d'un jeu d'argent opposant un joueur à des adversaires lorsqu'elle permet à ce dernier de maîtriser de façon significative l'aléa inhérent à ce jeu, par les qualités et le savoir-faire qu'il développe, et lui procure des revenus significatifs. Les gains qui en résultent sont alors imposables, en application de l'article 92, dans la catégorie des bénéfices non commerciaux, alors même que le contribuable exercerait aussi par ailleurs une activité professionnelle.

3. En premier lieu, il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que la cour a relevé, par une appréciation souveraine qui n'est pas entachée de dénaturation, que si le jeu de poker, et plus particulièrement la version de ce jeu dénommé " Texas Hold'em Poker " pratiquée par M.A..., fait intervenir des distributions aléatoires de cartes communes et de cartes propres à chaque joueur, un joueur peut parvenir, grâce à l'expérience, la compétence et l'analyse de la psychologie de ses adversaires, à maîtriser le caractère aléatoire du résultat et à accroître de façon sensible sa probabilité de percevoir des gains importants. D'une part, en déduisant de telles caractéristiques de la pratique du poker que les gains en résultant devaient être regardés comme tirés d'une occupation lucrative ou d'une source de profits constituant des revenus assimilés aux bénéfices non commerciaux, au sens des dispositions de l'article 92 du code général des impôts cité au point 2, la cour n'a pas commis d'erreur de qualification juridique des faits. D'autre part, en se fondant sur la pratique habituelle de ce jeu et le caractère significatif des revenus qui en étaient tirés pour juger que ces gains étaient imposables dans la catégorie des bénéfices non commerciaux, sans se prononcer sur le caractère professionnel de l'activité en cause, la cour n'a pas commis d'erreur de droit. 

4. En deuxième lieu, il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que la cour a relevé que M. A...avait abandonné, au début de l'année 2010, son emploi d'ingénieur pour se consacrer à la pratique du poker, qu'il avait participé à vingt-quatre compétitions de poker au cours de cette année, qu'il figurait, en 2010, parmi les meilleurs joueurs français et que ses gains au poker étaient largement supérieurs à ses autres revenus au titre de cette même année. En en déduisant que M. A...avait exercé, au cours de l'année 2010, une activité lucrative de joueur de poker, la cour n'a pas, dès lors, commis d'erreur de qualification juridique des faits. A supposer même que la cour ait commis une erreur sur la date à laquelle il a été mis fin à l'activité salariée du requérant au début de l'année 2010, cette erreur, qui au demeurant porte sur un motif surabondant de l'arrêt attaqué, était sans incidence sur l'appréciation par la cour du caractère lucratif de l'activité de joueur de poker du requérant dès lors que cette dernière pouvait s'exercer parallèlement à une activité professionnelle. 

5. En troisième lieu, contrairement à ce que soutient le requérant, la cour n'a pas commis d'erreur de droit en jugeant que la qualification de jeu de hasard que peut revêtir la pratique du poker pour l'application des différents textes portant réglementation de la police des jeux et l'interprétation qu'en a donnée la Cour de cassation, ainsi que des dispositions de l'article 126 de l'annexe IV au code général des impôts, relatives à l'impôt sur les spectacles, jeux et divertissements, était sans incidence sur l'application par le juge de l'impôt des règles relatives à l'imposition des revenus. 

6. En dernier lieu, aux termes de l'interprétation donnée par l'administration fiscale au paragraphe n° 118 de la documentation de base 5 G 116, à jour au 15 septembre 2000, dont M. A...s'est prévalu devant les juges du fond : " La pratique, même habituelle, de jeux de hasard tels que loteries, tombolas ou jeux divers, ne constitue pas une occupation lucrative ou une source de profits devant donner lieu à imposition au nom des personnes participant à ces jeux ". En jugeant que cette instruction, qui ne concerne pas la pratique de jeux d'argent dans les conditions indiquées au point 2 et ne mentionne pas qu'elle concernerait, dans tous les cas, le jeu de poker, ne contenait aucune interprétation formelle du texte fiscal dont M. A...pouvait se prévaloir, la cour n'a commis ni erreur de droit ni dénaturation des pièces du dossier qui lui étaient soumis. 

7. Il résulte de tout ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque. Ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées par voie de conséquence. 

 

Décision 411 185

3. Il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que l'administration fiscale a fait usage du délai de reprise applicable aux activités occultes pour imposer à l'impôt sur le revenu les gains réalisés, au titre de l'année 2009, par M. B...à raison de son activité de joueur de poker. En jugeant que ce délai n'était pas applicable au motif que le contribuable établissait que l'absence de souscription de déclaration devait être regardée comme une erreur justifiant qu'il ne se soit pas acquitté de ses obligations, dès lors que ce n'est que postérieurement à l'année d'imposition en litige que la jurisprudence et l'administration fiscale ont expressément estimé que de tels gains étaient, dans certaines conditions, imposables à l'impôt sur le revenu, la cour n'a pas commis d'erreur de droit. Le ministre de l'action et des comptes publics n'est, par suite, pas fondé à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque. 

 

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