Les conclusions du rapporteur public permettent de comprendre la décision :
"Le pourvoi soutient que la cour a fait une mauvaise lecture de l’article 1649 A du CGI. C’est l’article qui définit l’obligation déclarative des comptes à l’étranger dont l’amende prévue à l’article 1736 sanctionne la méconnaissance. Il impose aux personnes physiques, associations et sociétés n’ayant pas la forme commerciale, domiciliées ou établies en France, de déclarer, en même temps que leur déclaration de revenus ou de résultats, les références des comptes ouverts, utilisés ou clos à l’étranger. L’article 344 A de l’annexe III du même Code précise qu’« Un compte est réputé avoir été utilisé par l’une des personnes visées [par l’obligation déclarative] dès lors que celle-ci a effectué au moins une opération de crédit ou de débit pendant la période visée par la déclaration, qu’elle soit titulaire du compte ou qu’elle ait agi par procuration, soit pour elle-même, soit au profit d’une personne ayant la qualité de résident ». (...)
"L’objectif de la disposition tel qu’il ressort de ces travaux préparatoires était de lutter contre la fraude fiscale, dont les comptes bancaires ouverts à l’étranger étaient un vecteur privilégié, en permettant à l’administration d’identifier l’existence de comptes par la déclaration au moment de leur ouverture, puis les sommes qui seraient déposées sur ces comptes par la déclaration de l’utilisation en cours d’année.
Or à cet égard, la déclaration d’un compte « dormant » n’est d’aucune utilité pour la lutte contre la fraude fiscale, puisqu’il ne reçoit aucune somme au cours de l’année en cause tandis que son existence est en principe connue de l’administration par la déclaration souscrite à son ouverture."
Il faut toutefois comprendre que le compte passif devait quand même être déclaré l'année de son ouverture, mais plus après.
Mais attention : la loi 2018-898 du 23 octobre 2018 relative à la lutte contre la fraude fiscale a étendu l'obligation de déclaration aux comptes inactifs ou dormants.
Il s'agit notamment des comptes sur lesquels aucune opération de crédit ou de débit n'a été effectuée pendant la période visée par la déclaration.
Cette décision favorable du Conseil d'Etat ne vaut donc que pour les obligations déclaratives antérieures à 2019.
Les contribuables qui ont omis de déclarer des comptes passifs dans le passé peuvent ainsi éviter l'application de l'amende, mais aussi et surtout le délai de reprise allongé à 10 ans.
De plus, s'il y a plusieurs comptes, dont un seul actif, l'amende ne sera due que pour un compte.
Cette décision pourrait peut-être aussi être reprise pour s'opposer à l'application de l'amende pour les frontaliers qui ont dû ouvrir un compte pour recevoir leur salaire.
Certes, un tel compte de frontalier n’est pas passif, stricto sensu, mais si les salaires reçus sur ce compte ont toujours été correctement déclarés, il pourrait être invoqué le fait que la non-déclaration du compte ne pouvait entraîner le moindre risque de fraude fiscale et que, dès lors, sanctionner cette non-déclaration par une amende n'est pas conforme à l'esprit du texte.
Le cas des comptes de co-titulaires et des personnes ayant une procuration
Il arrive souvent que des enfants soient co-titulaires d'un compte de leur parent. Ils peuvent aussi seulement détenir une procuration. La question est de savoir s'ils doivent eux-mêmes déclarer le compte.
A mon avis, pour le passé, un co-titulaire ou le bénéficiaire d'une procuration n'avait pas l'obligation de déclarer le compte s'il n'avait fait lui-même aucune opération. En effet, dans cette situation, sa situation était celle d'un détenteur passif, non concerné pas l'obligation de déclaration, sauf à la création du compte.
Mais pour l'avenir, le régime change, et tous les co-titutlaires doit déclarer le compte à leur nom, à la création et chaque année.
S'agissant des personnes qui détiennent seulement une procuration, selon moi, même dans la nouvelle réglementation applicable depuis 2019, c'est seulement s'ils font eux-mêmes des opérations qu'ils ont l'obligation de déclarer le compte car c'est seulement dans ce cas qu'ils utilisent le compte, que, par ailleurs, ils ne détiennent pas.
Ancienne version du texte de l'article 1649 A du CGI :
"Les personnes physiques, les associations, les sociétés n'ayant pas la forme commerciale, domiciliées ou établies en France, sont tenues de déclarer, en même temps que leur déclaration de revenus ou de résultats, les références des comptes ouverts, utilisés ou clos à l'étranger. Les modalités d'application du présent alinéa sont fixées par décret (2)."
Nouvelle version du texte de l'article 1649 A du CGI :
"Les personnes physiques, les associations, les sociétés n'ayant pas la forme commerciale, domiciliées ou établies en France, sont tenues de déclarer, en même temps que leur déclaration de revenus ou de résultats, les références des comptes ouverts, détenus, utilisés ou clos à l'étranger. Les modalités d'application du présent alinéa sont fixées par décret (2)."
Nouvelle version de l'article 344 A annexe III
Modifié par Décret n°2018-1267 du 26 décembre 2018 - art. 1
"I. Les comptes à déclarer en application du deuxième alinéa de l'article 1649 A du code général des impôts sont ceux ouverts auprès de toute personne de droit privé ou public qui reçoit habituellement en dépôt des valeurs mobilières, titres ou espèces.
II. Les personnes physiques joignent la déclaration de compte à la déclaration annuelle de leurs revenus. Chaque compte à usage privé, professionnel ou à usage privé et professionnel doit être mentionné distinctement.
Les associations et sociétés n'ayant pas la forme commerciale joignent leur déclaration de compte à la déclaration annuelle de leur revenu ou de leur résultat.
III. La déclaration de compte mentionnée au II porte sur le ou les comptes ouverts, détenus, utilisés ou clos, au cours de l'année ou de l'exercice par le déclarant, l'un des membres de son foyer fiscal ou une personne rattachée à ce foyer.
Un compte est réputé être détenu par l'une des personnes visées au premier alinéa dès lors que celle-ci en est titulaire, co-titulaire, bénéficiaire économique ou ayant droit économique.
Un compte est réputé avoir été utilisé par l'une des personnes visées au premier alinéa dès lors que celle-ci a effectué au moins une opération de crédit ou de débit pendant la période visée par la déclaration, qu'elle soit titulaire du compte ou qu'elle ait agi par procuration, soit pour elle-même, soit au profit d'une personne ayant la qualité de résident."