theme1

Contrôle fiscal

Démêlez les noeuds de la fiscalité
vendredi, 10 juin 2011 12:59

La valeur des mails de l'administration fiscale

Évaluer cet élément
(1 Vote)

Il est très facile aujourd'hui via internet de poser des questions aux services fiscaux.

Il est possible de contacter un agent des impôts sur le site impots.gouv.fr et il répond systématiquement.

Il est aussi possible de poser une question directe par mail à un agent des impôts de son centre des finances publiques et d'obtenir une réponse.

La question est de savoir quelle est la valeur de ces réponses données par courriel.

 

1 Principes généraux sur l'opposabilité des réponses des services fiscaux

 

En principe, lorsque l'administration a pris position sur un sujet, le contribuable peut se baser sur cette position sans risquer un rappel.

Le contribuable peut, pour se défendre lors d'un contrôle de l'administration, lui opposer sa prise de position donnée par un rescrit, une réponse ministérielle ou une instruction, ou dans un courrier personnel. L'inverse n'est pas vrai. L'administration ne peut pas opposer au contribuable sa doctrine. Seule la loi fiscale est opposable au contribuable.

Il peut arriver qu'une doctrine soit illégale. Si cette doctrine est illégale parce qu'elle est trop favorable au contribuable, le contribuable peut s'en prévaloir contre l'administration et l'obliger à l'appliquer. Si une doctrine est illégale parce qu'elle est trop défavorable au contribuable, le contribuable peut s'y opposer.

Deux textes prévoient ce principe d'opposabilité de la doctrine.

L'article L 80 A du LPF (livre des procédures fiscales) porte sur les prises de position de l'administration dans un document de portée générale.

L'article L 80 B du LPF porte sur les décisions individuelles de l'administration.

Les documents dans lesquels l'administration prend formellement position sur une question fiscale concernant un contribuable lui sont opposables au même titre que les documents de portée générale. Il faut cependant que la réponse de l'administration exprime formellement l'interprétation d'un texte. La décision individuelle ne doit pas être équivoque. Le contribuable ne peut pas, par exemple, déduire la position de l'administration d'un simple oubli ou d'un silence.

 

2 Application aux réponses données par mail

 

Dans une instruction 13 L 11 10, du 4 octobre 2010, l'administration s'est prononcée sur la valeur des courriels échangés entre un contribuable et les agents des services fiscaux.

Le principe énoncé par l'administration fiscale dans l'instruction est qu'une prise de position d'un agent des services fiscaux par courriel lui est opposable.

L'administration considère que, pour qu'il puisse constituer une garantie pour le contribuable, le courriel doit correspondre à différents critères qu'il convient d'examiner et de critiquer point par point:

- Le contribuable doit établir la preuve de l'existence du courriel et de son contenu;

- Le document produit doit être complet et daté;

- La réponse contenue dans le courriel ne doit pas être équivoque;

- La réalité et le contenu du courriel ne doivent pas être contestés par l'administration.

 

2.1 Le contribuable établit la preuve de l'existence de la position formelle prise par courrier électronique

Le risque est que les services fiscaux contestent l'existence du mail.

Pour contrer cette difficulté et s'assurer l'opposabilité du contenu du mail envoyé et de la réponse produite par l'administration, il peut être conseillé d'envoyer une copie du mail par la lettre recommandée avec accusé de réception.

Le contribuable émetteur du mail peut adresser à l'auteur de la réponse une lettre avec accusé de réception dans laquelle sont produits le mail envoyé et la réponse reçue.

Le contribuable peut ainsi demander à l'administration de confirmer qu'elle ne conteste ni la réception du mail ni l'envoi de la réponse, ce qui aura pour effet de valider l'existence de cette réponse.

Le contribuable peut aussi demander à l'administration de confirmer l'interprétation de celle-ci établie dans le mail. Cette demande est plus risquée pour le contribuable car l'absence de réponse pourrait s'interpréter comme un refus de confirmer. Par ailleurs, les services fiscaux peuvent changer d'avis.

 

2.2 Le document produit doit être complet et permet d'établir avec certitude le point de départ et l'expiration du délai de réponse

Il faut que, dans la réponse de l'administration, il soit fait mention du nom, des coordonnées ainsi que de la qualité de l'auteur du mail.

Enfin, le mail doit être daté.

 

2.3 La réponse ainsi faite satisfait l'ensemble des conditions permettant de caractériser sans équivoque une prise de position formelle

Cette condition est difficile à satisfaire car elle laisse place à plus de subjectivité. La réponse de l'administration doit être non équivoque, c'est-à-dire non ambigüe.

Une prise de position non équivoque se traduit généralement par un rappel des faits et du droit applicable par l'auteur de la réponse.

La prise de position doit être explicite, précise et sans ambiguïté.

Le contribuable doit s'assurer que l'auteur de la réponse effectue bien un rappel des faits, un rappel du droit applicable et prend position de manière claire sur l'interprétation de la règle de droit applicable.

 

2.4 La réalité et le contenu de celle-ci ne doivent pas être contestés par l'administration

Cette dernière condition est surprenante. Elle présente un caractère absurde : la réponse serait opposable seulement si l'administration est d'accord pour qu'elle soit opposable. Autant dire qu'elle n'est pas opposable.

Cette condition me paraît donc illégale car elle est en contradiction avec les principes généraux concernant l'opposabilité des documents produits par l'administration fiscale, énoncés aux articles L 80 A et L 80 B du LPF.

 

Je reproduis ci-après le texte exact extrait de l'instruction évoquant la question :

"41. Les courriers électroniques (courriels) de l'administration en réponse aux questions d'un contribuable ne peuvent pas, en principe, être invoqués par ce dernier sur le fondement des articles L 80 A et L 80 B.
D'une part, si la messagerie électronique offre une grande souplesse et permet des échanges rapides, elle n'offre pas les mêmes garanties que les courriers sur support papier adressés par la voie postale, notamment en termes d'identification de l'émetteur ou du récepteur des messages.
D'autre part, après l'envoi électronique de la demande par le contribuable ou de la réponse de l'administration fiscale, les courriers électroniques peuvent aisément être modifiés de sorte qu'il ne soit pas possible de garantir la sincérité, l'exactitude et l'exhaustivité des informations transmises à l'administration fiscale sur lesquelles elle est amenée à se prononcer ou des courriers électroniques émis en réponse qui pourraient lui être opposés.
Enfin, les prises de position formelle de l'administration fiscale sont encadrées par des délais de réponse, avec, pour certains dispositifs, une acceptation implicite à défaut de réponse dans le délai fixé par la loi (cf. section 2 du Titre 2). En outre, la date précise de la réponse peut avoir une incidence notamment sur l'application dans le temps de la prise de position. Or, en l'absence de mécanisme automatique et sécurisé de datation et d'accusé réception, y compris en l'absence du destinataire (à la différence de la distribution postale), aucune garantie ne peut être apportée sur la date de la demande, le point de départ du délai de réponse en cas d'accord tacite et la date de la réponse de l'administration.
Ainsi, les courriels ne satisfont généralement pas les conditions d'opposabilité, en raison notamment :
- de leur caractère informel,
- de l'absence de mécanisme sécurisé d'identification, de signature, de datation et de preuve de réception électroniques dans le respect du secret fiscal,
- de l'absence de sécurisation de leur contenu.
42. Cela étant, l'opposabilité d'une prise position formelle notifiée à un contribuable par courrier électronique est admise si les conditions cumulatives suivantes sont réunies :
- le contribuable établit la preuve de l'existence de la position formelle prise par courrier électronique ;
- le document produit est complet (avec notamment mention du nom, des fonctions et coordonnées de l'agent) et permet d'établir avec certitude le point de départ (date de la saisine) et l'expiration du délai de réponse ;
- la réponse ainsi faite satisfait l'ensemble des conditions permettant de caractériser sans équivoque une prise de position formelle (avec notamment le rappel des faits et du droit applicable et une prise de position explicite, précise et sans ambiguïté) ;
- la réalité et le contenu de celle-ci ne sont pas contestés par l'administration."
(instruction 13 L 11 10)

Lu 11283 fois