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Contrôle fiscal

Démêlez les noeuds de la fiscalité
vendredi, 08 juillet 2011 13:03

Le contrôle fiscal des entreprises étrangères

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Les entreprises étrangères qui fournissent des prestations en France font très souvent l'objet de contrôles administratifs.

Cela commence généralement par un contrôle de l'inspection du travail suivi d'un contrôle URSSAF pour se terminer par un contrôle fiscal.

En effet, dans le cadre de la lutte contre le travail dissimulé et des activités frauduleuses, les organismes sociaux et fiscaux collaborent étroitement pour échanger des informations.

Le contrôle fiscal génère des risques importants pour les prestataires étrangers. Mais en contrepartie ces derniers disposent d'une protection particulière avec la procédure amiable, qui permet la collaboration entre la France et le pays d'origine du prestataire en vue d'éviter la double-imposition.

Il est fortement conseillé de faire appel à un avocat spécialiste en droit fiscal car la procédure ainsi que les règles de droit sont extrêmement complexes.

Je vais d'abord présenter les risques encourus par le prestataire étranger lors d'un contrôle fiscal, puis je vais étudier la procédure amiable avant de terminer par des conseils pratiques en cas de contrôle fiscal.

 

1 Les risques de sanction pour les entreprises étrangères

 

En principe une entreprise étrangère ne peut être contrôlée que si elle est établie en France.

Dès lors, elle est contrôlée dans les mêmes conditions que les entreprises françaises, par le biais d'une vérification de comptabilité avec un contrôle sur place de la comptabilité de l'entreprise.

A l'issue du contrôle sur place, l'entreprise peut recevoir une proposition de rectifications. Le cas échéant, l'entreprise peut contester ces rappels par un courrier et solliciter le bénéfice de recours hiérarchiques.

Mais l'administration doit faire face à un vide juridique en ce qui concerne le contrôle des entreprises étrangères non établies en France.

En l'absence d'une réglementation spécifique dans ce domaine, l'administration fiscale part du principe que le prestataire étranger est établi en France ce qui lui permet de procéder à une vérification de comptabilité.

Mais évidemment, avant le contrôle, les entreprises étrangères ne s'estimaient pas établies en France. Par conséquent, elles ne déposaient aucune déclaration fiscale en France et ne tenaient pas de comptabilité distincte pour leur activité française.

Au moment du contrôle, l'administration fait alors valoir que ces prestataires étrangers sont en fait établis en France et ne sont pas en conformité avec les obligations déclaratives et comptables imposées aux entreprises établies en France. L'administration fiscale applique alors les règles très défavorables des activités occultes.

Cette sévérité envers les prestataires étrangers non établis en France est anormale dans la mesure où l'entreprise étrangère est immatriculée dans son pays d'origine et y paie des impôts sur son activité faite en France.

 

1.1 L'activité occulte

Une activité est occulte lorsque le contribuable n'a ni fait connaître son activité à un centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce, ni souscrit les déclarations fiscales qui lui incombent, ces deux conditions étant cumulatives.

Lorsque l'activité occulte est retenue, cela entraine une majoration de 80 % et le délai de reprise de l'administration s'exerce jusqu'à la fin de la 10ème année suivant celle au titre de laquelle l'imposition est due.

Mais le recours à la notion d'activité occulte par l'administration pour viser les entreprises étrangères est d'une validité très douteuse car cette notion a été établie pour lutter contre les activités non déclarées.

Or les entreprises européennes sont par hypothèse déjà immatriculée dans un autre pays européen et les revenus y sont intégralement déclarés.

L'application d'une telle sanction entraine une discrimination envers les contribuables étrangers, et si l'entreprise est régulièrement établie dans son pays et y paie des impôts régulièrement sur son activité en France, il faut faire valoir auprès de l'administration que la majoration est contraire au principe européen de liberté d'établissement.

 

1.2 La taxation d'office

La procédure d'imposition d'office permet à l'administration d'établir "d'office" les impositions supplémentaires.

En cas de taxation d'office, faute d'avoir les déclarations, l'administration établit les résultats imposables et le chiffre d'affaire taxable sur la base d'une évaluation qui se révèle souvent sans rapport avec les montants réels.

Le résultat est déterminé en circularisant les clients français de l'entreprise et en appliquant un forfait pour les charges déductibles. Ce forfait est déterminé de façon arbitraire et est très inférieur au montant réel des charges.

En cas de taxation d'office, l'entreprise ne bénéficie pas des protections de la procédure contradictoire. Elle n'a pas le droit notamment de bénéficier des recours hiérarchiques et elle n'a pas le droit de bénéficier du recours à la commission départementale, ce qui est très pénalisant.

En cas de contestation devant les tribunaux, elle a la charge de la preuve.

De plus, le rappel est généralement majoré par des pénalités très lourdes (au moins 40 %, voire 80 % pour activité occulte).

 

1.3 L'opposition à contrôle fiscal

L'opposition à contrôle fiscal se constate si le contrôle ne peut avoir lieu du fait du contribuable ou d'autres personnes, notamment lorsque l'entreprise étrangère refuse de transmettre les documents comptables ou d'organiser un rendez-vous avec le vérificateur.

En principe, l'administration envoie une mise en garde à l'entreprise, avant de constater par un procès-verbal l'existence d'une opposition à contrôle fiscal.

Cette procédure donne lieu à une majoration de 100 % des droits dus assortie de l'intérêt de retard de 0,40 % par mois et éventuellement à des poursuites pénales (25 000 € d'amende et 6 mois de prison en cas de récidive).

 

2 La procédure amiable

 

Les entreprises étrangères peuvent se retrouver, à la suite du contrôle fiscal, dans une situation de double imposition, c'est-à-dire être taxées à la fois en France et dans le pays d'origine pour le même revenu.

Il est dès lors conseillé de recourir à la procédure amiable, qui est une procédure spécifique dont l'intérêt majeur est la suspension de la mise en recouvrement de l'imposition contestée, ce qui veut dire que les services fiscaux français doivent attendre la fin de la procédure avant de procéder au recouvrement de l'impôt réclamé, si celui-ci est maintenu.au terme de la procédure.

 

2.1 Présentation

La procédure amiable permet un rapprochement des autorités administratives afin d'éviter une situation de double imposition.

Si l'administration étrangère se rallie à la position de l'administration française et considère qu'il y a un établissement en France, alors elle accorde un dégrèvement de l'impôt dans le pays d'origine. En contrepartie l'imposition française est confortée.

En revanche, si l'administration fiscale du pays étranger rejette la position des services fiscaux français, les deux administrations doivent essayer de concilier leur position.

Cette conciliation n'aboutit pas nécessairement à une suppression de la double-imposition, si les administrations ne parviennent pas à un accord. Cependant en principe les administrations parviennent à trouver une solution.

2.2 Conditions d'ouverture d'une procédure amiable

La procédure amiable ne peut être engagée que lorsqu'il y a un risque de double imposition touchant un impôt directement visé par la convention (impôt sur les revenus).

Elle n'est ouverte qu'aux résidents de l'un ou l'autre Etat partie à la convention et est conditionnée par l'existence préalable d'une mesure administrative entrainant une situation de double imposition, comme la proposition de rectification.

 

2.3 Mise en oeuvre

En pratique, l'entreprise étrangère saisit l'administration fiscale de son pays d'origine et en informe les services fiscaux français.

L'entreprise étrangère doit demander l'ouverture de la procédure amiable dans un délai allant de 3 mois à trois ans à partir de la réception de la proposition de rectification.

Pendant la durée de la procédure amiable, les impôts résultant du rappel ne sont pas mis en recouvrement.

La procédure amiable fait en principe l'objet d'un règlement dans les 24 mois.

Mais la procédure peut durer plus longtemps. L'administration n'a aucune obligation et tant que dure la procédure les rappels ne sont pas prescrits.

 

2.4 La conclusion de la procédure amiable

Le contribuable dispose d'un mois pour répondre à la notification de la solution retenue en cas d'accord entre les deux autorités.

En cas d'acceptation, la France appliquera les dispositions prises dans le cadre de la procédure amiable quels que soient les délais prévus par le droit interne.

Il est demandé au contribuable d'abandonner toute action relative à l'imposition concernée ou toute procédure tendant à contester la décision amiable avant que les décharges d'imposition prononcées soient mises en oeuvre.

Il est en contrepartie demandé au contribuable de se désister de tout recours administratif ou juridictionnel tendant à contester tant sur le fond que sur la forme les impositions concernées et de renoncer à toute procédure tendant à contester la décision amiable intervenue, et ce préalablement à toute mise en oeuvre des décharges prononcées.

En cas de refus de la proposition ou d'absence de réponse, chaque Etat imposera ou non l'entreprise selon l'interprétation faite du droit interne et de la convention.

Si les autorités compétentes ne parviennent pas à un accord, la procédure est close sur un constat de désaccord et l'impôt français est mis en recouvrement.

 

3 Conseils pratiques

 

3.1 Ne pas faire obstacle au contrôle

Pour éviter les sanctions de la taxation d'office déjà évoquées ci-avant, il convient de faire preuve d'un esprit de collaboration minimal avec les services fiscaux.

Cette collaboration passe dans un premier temps par la détermination du lieu où se déroulera la vérification de comptabilité.

En principe elle devrait se dérouler au siège de l'entreprise, soit à l'étranger. Cependant les services fiscaux prétendent que l'entreprise dispose de locaux en France ce qui permet de pratiquer le contrôle en France.

L'entreprise peut demander à ce que la vérification de comptabilité ait lieu au siège étranger de l'entreprise et, en cas de refus, de proposer de rencontrer les agents des impôts dans un lieu "neutre" comme les locaux d'un expert-comptable, tout en indiquant que cela ne constitue en aucun cas de sa part la reconnaissance de l'existence d'un établissement stable et que, en tout état de cause, ce lieu a été proposé pour préserver les droits de l'entreprise, dans le cadre d'une procédure considérée de toute façon par l'entreprise comme radicalement viciée dès son engagement.

En effet, si l'entreprise s'oppose à la réalisation du contrôle, elle risque une majoration de 100 % en raison d'une opposition à contrôle fiscal.

 

3.2 Rappeler l'absence d'établissement en France

Lors des premiers rendez-vous, il faut officiellement signifier aux services fiscaux que l'entreprise n'a pas d'établissement en France, qu'elle est établie uniquement dans son pays d'origine où elle paie ses impôts.

Il faut présenter aux services fiscaux un certificat d'assujettissement aux impôts du pays d'origine, établi par les services fiscaux du pays d'origine, avec sa traduction.

Il paraît également judicieux de présenter aux services fiscaux français la preuve que les résultats de l'activité française sont bien inclus dans les résultats déclarés dans le pays d'origine. Ce point peut être attesté par exemple par l'expert-comptable de l'entreprise.

Si les services fiscaux envoient une mise en demeure de produire des déclarations fiscales sur la période vérifiée, il faut les transmettre, tout en indiquant que ces documents sont transmis sans valoir reconnaissance de l'existence d'un établissement imposable.

Dès le début de la vérification de comptabilité, il faut demander que se tienne un débat préalable sur l'existence de l'établissement stable. Si à l'issue du débat, le vérificateur maintient sa position, il peut être judicieux de demander un recours hiérarchique.

 

3.3 Contester les rappels et demander la procédure amiable

Si l'administration maintient finalement sa position, il faut produire une comptabilité reconstituée des résultats de l'établissement avec toutes les pièces comptables justifiant la déduction des charges et notamment la déduction des frais de siège.

Ces démarches ne visent pas à reconnaitre la validité de la position des services fiscaux mais à en limiter au maximum les effets en termes d'imposition complémentaire.

Dans une procédure fiscale, il est généralement utile de "purger" tous les motifs de discussion avec les services fiscaux. Dans ce cas, les deux questions sensibles sont premièrement l'existence de l'établissement stable et, deuxièmement, la détermination des revenus imposables de l'établissement français.

Puis si l'administration maintient sa position et envoie une proposition de rectification, il faut faire une réponse écrite et contester le rappel en faisant valoir que l'entreprise n'a pas d'établissement en France et, à titre subsidiaire, en contestant les montants calculés par l'administration.

A ce stade, l'entreprise étrangère doit saisir les autorités fiscales de son pays pour demander le bénéfice de la procédure amiable.

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