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Contrôle fiscal

Démêlez les noeuds de la fiscalité
vendredi, 12 juillet 2013 13:36

Compte étranger, don manuel et activité occulte

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Lorsqu'un contribuable souhaite régulariser spontanément ses avois détenus à l'étranger, il doit notamment apporter des informations ou des jusitifications sur l'origine et les modalités d'acquisition des avoirs placés sur ces comptes bancaires ou ses contrats d'assurance-vie non déclarés.

La circulaire du 21 juin 2013 relative au traitement des déclarations rectificatives des contribuables détenant des avoirs à l'étranger précise que le contribuable doit établir "un écrit exposant de manière précise et circonstanciée l'origine des avoirs détenus à l'étranger, accompagné de tout document probant justifiant de cette origine ou constituant un faisceau d'éléments de nature à l'établir."

Si un tel document n'est pas produit, le contribuable risque de se voir refuser l'application du barème de faveur prévu par cette circulaire, ainsi que la taxation d'office de ses avoirs étrangers non déclarés aux droits de mutation à titre gratuit au taux de 60 %.

S'agissant de la taxation en droits de mutation à 60 %, elle ne devait pas pouvoir s'appliquer aux avoirs détenus avant le délai de reprise des droits de mutation. Autrement dit, cette taxation spéciale ne doit pas déroger aux règles applicables en matière de délais de reprise. En pratique, les agents des services fiscaux peuvent être un d'un avis différent et considérer que tous les fonds apparaissant au 1er janvier de la première année non prescrite doivent être justifiés. Un telle position, qui fait penser aux règles applicables en matière de vérification de la comptabilité des entreprises et la théorie de l'intangibilité du bilan d'ouverture, serait selon moi parfaitement illégale.

Cela dit, dans le cadre de la procédure dérogatoire prévue par la circulaire, les services fiscaux sont tout à fait en droit d'imposer au contribuable de justifier l'origine des fonds, même ceux détenus avant la période prescrite. En effet, il s'agit d'une procédure dérogatoire gracieuse qui échappe au moins en partie aux dispositions de droit commun.

En pratique la justification de l'origine des avoirs étrangers pose surtout problème dans trois hypothèses :

- lorsque ces avoirs proviennent d'un don manuel qui n'a pas été porté à la connaissance de l'administration ;
- lorsque ces avoirs ont été constitués par les revenus issus d'une activité occulte ;
- lorsque ces avoirs proviennent de recettes omises d'une activité déclarée.

 

Don manuel

 

Principes

Le don manuel est une donation qui s'opère de la main à la main sans formalisme particulier.

Par exemple, lorsqu'un tiers ouvre un compte bancaire au nom d'un enfant mineur, y dépose des fonds et le gère jusqu'à la majorité, ce transfert de propriété des sommes d'argent placée sur le compte s'analyse en un don manuel.

En principe, les dons manuels n'ont pas à être portés à la connaissance de l'administration et ne sont donc pas nécessairement taxables lors de leur réalisation.

Les droits de donation ne sont en effet dus que dans les situations suivantes :

- lorsque le don manuel est déclaré par le donataire dans un acte soumis à l'enregistrement ;
- lorsque le don manuel fait l'objet d'une reconnaissance judiciaire ;
- lorsque le don manuel est révélé par le donataire à l'administration fiscale.

En pratique c'est cette dernière hypothèse qui pose problème lorsqu'un contribuable souhaite régulariser ses avoirs étrangers issus d'un don manuel.

Pour justifier l'origine des avoirs étrangers imposée par l'administration, le contribuable devra nécessairement mentionner l'existence de ce don manuel.

Or cette révélation constitue précisément le fait générateur de la taxation aux droits de mutations à titre gratuit.

Le contribuable devra donc, dans le délai d'un mois à compter du dépôt de son dossier de régularisation, déclarer cette donation en remplissant le formulaire n° 2735.

Le paiement des droits de donation afférent à ce don devra, en principe, être effectué lors du dépôt de cette déclaration.

Toutefois, si le don porte sur montant supérieur à 15 000 euros, le contribuable a la possibilité de différer la taxation aux droits de donation sur la période d'un mois qui suit le décès du donateur.

Cette option implique que la régularisation des avoirs étrangers du contribuable soit réellement spontanée, c'est-à-dire qu'elle ne soit pas la conséquence d'une réponse du contribuable à une demande de l'administration ou d'une procédure de contrôle fiscal.

 

Délai de prescription

Tant que le don manuel n'est pas porté à la connaissance de l'administration, le délai de reprise de l'administration ne court pas.

Un don manuel doit être rapporté à la succession du donateur si le bénéficiaire du don est un héritier. Dans cette situation, le délai de reprise visant le don manuel prend fin au moment où le délai de reprise visant la succession est atteint, soit en principe le 31 décembre de la sixième année suivant le décès (éventuellement jusqu'à dix ans si le don manuel a été porté sur un compte bancaire étranger non déclaré du fait des délais de reprise allongé dans ce cas).

Si le don manuel est fait par un tiers à une personne qui n'est pas son héritier, le don manuel n'est jamais prescrit, du moins tant que les services fiscaux sont encore en droit d'interroger le bénéficiaire sur l'origine des fonds.

 

En pratique

Si un contribuable a reçu il y a longtemps un don manuel de ses parents décédés avant 2007, il n'y a pas de problème pour régulariser car la succession étant prescrite, la déclaration du don manuel est sans effet.

Si les parents sont encore en vie, le don manuel est taxable.

Si le don manuel vient d'un tiers, il est taxable s'il est déclaré.

 

Activité occulte

 

Définition de l'activité occulte

Une activité occulte est une activité qui n'a, à aucun moment, été portée à la connaissance de l'administration fiscale.

Il ne faut pas confondre omission de recettes et activité occulte. Par exemple un professionnel exerçant une activité déclarée en France et qui triche en plaçant une partie de ses recettes sur un compte suisse n'exerce pas une activité occulte.

De même, si un professionnel exerce une activité à l'étranger non déclarée en France, il ne s'agit pas selon moi une activité occulte dans la mesure où elle n'était pas censée être déclarée en France en tant qu'activité professionnelle (même si les revenus correspondants auraient dus être pris en compte pour le calcul du taux effectif de l'impôt sur le revenu).

 

Non-application de la circulaire

Les contribuables qui ont placé les revenus issus d'une activité occulte sur des comptes bancaires étrangers non déclarés sont expressément exclus du champ d'application de la circulaire relative au traitement des déclarations rectificatives des contribuables détenant des avoirs à l'étranger.

D'ailleurs, la cellule de régularisation de la DNVSF refuse les dossiers des contribuables détenant des avoirs étrangers alimentés par des revenus issus d'une activité occulte.

A mon avis, le contribuable qui souhaite régulariser ses avoirs étrangers constitués par des revenus issus d'une activité occulte devra déposer son dossier auprès de son centre des impôts local. Il ne pourra pas se prévaloir de la circulaire du 21 juin 2013.
En pratique, les contribuables doivent s'adresser selon moi à la direction départementale pour négocier les conditions de leur régularisation, en faisant valoir qu'ils ne peuvent s'adresser à la DNVSF, la circulaire l'excluant.

Les pénalités de droit commun sont donc susceptibles de lui être pleinement appliquée.

Il s'agit principalement de :

- la majoration de 80 % des rappels d'impôts dus à raison des revenus issus de son activité occulte ;
- la majoration de 40 % des rappels d'impôts dus à raison des revenus procurés par ses avoirs étrangers ;
- l'amende pour défaut de déclaration des comptes bancaires et des contrats d'assurance-vie étranger.

Cela étant, compte tenu du caractère spontané de la régularisation, l'administration accordera sans doute une remise partielle sur la pénalité de 80 %. Il ne sera sans doute pas possible en revanche d'obtenir une remise sur l'amende et la pénalité de 40 %.

Le coût de la régularisation sera de toute façon très élevé.

 

Délai de reprise

S'agissant de l'impôt sur le revenu, l'administration bénéficie en principe d'un délai de reprise étendu de dix lorsqu'elle caractérise l'existence d'une activité occulte.

Cependant l'administration admet, sous certaines conditions, de ne pas procéder à des rectifications pour la période excédant le délai normal de reprise de trois ans dans le cas où le contribuable a spontanément déclaré son activité avant l'engagement du contrôle fiscal (BOI-CF-PGR-10-70 n° 80 et 90).

Mais, cette tolérance risque d'être exclu si les revenus occultes ont été déposés sur un compte bancaire étranger non déclaré puisque, dans ce cas, le délai spécial de reprise qui s'applique en cas d'avoirs étrangers non déclarés devrait s'appliquer.
Ainsi, selon le statut du pays dans lequel est situé le compte, l'administration pourra taxer les revenus issus de l'activité occulte à partir de l'année 2006 (pays non coopératif) ou à partir de l'année 2009 (pays coopératif).

Les revenus antérieurs à ces années serait prescrits et donc non imposables.

 

Les recettes omises d'une activité déclarée

Il s'agit du cas du professionnel qui fait du black.

Dans cette hypothèse, il me paraît possible de revendiquer le bénéfice de la circulaire.

Mais bien sûr, il faudra appliquer les dispositions en cas de compte actif. Il faudra régulariser les déclarations de revenus professionnels. Cela pourra entraîner des rappels de TVA si l'activité est assujettie.

En principe, si ces recettes omises ont été réalisées pendant une période prescrite, elles ne devraient pas être taxées.

En pratique, il faut sans doute exclure le cas ou les recettes omises sont trop importantes car l'administration considérera qu'il s'agit d'une fraude fiscale. La circulaire ne peut sans doute pas s'appliquer et on retombe dans le cas de l'activité occulte (même si le cas de la fraude fiscale n'est pas visé par la circulaire). Il faudra contacter son centre des impôts et en pratique la direction départementale.

Un problème peut se poser si les recettes omises sont celles d'une société commerciale que le dirigeant a prélevées indûment. Dans cette situation, il s'agit en effet d'un abus de biens sociaux du dirigeant. Rappelons que les abus de biens sociaux sont de facto imprescriptibles. Donc la circulaire ne pourra sans doute pas s'appliquer à cette situation et même si les fonds ont été soustraits par le dirigeant en période prescrite.

En pratique, il me semble que la régularisation devrait être possible sous réserve que les fonds soient reversés dans la caisse sociale, le reversement permettant d'ailleurs d'annuler le rappel d'impôt sur le revenu dans le régime de droit commun (mais les pénalités restent dues).

 

Attention

Cette note est une simple opinion de ma part. Elle ne m'engage pas. Certains points sont très incertains. Il est impératif de consulter un avocat spécialiste en droit fiscal (comme moi) si vous envisagez de régulariser un compte étranger non déclaré.

En pratique, il est d'ailleurs possible que les services fiscaux publient une "circulaire bis" qui viendra apporter certaines précisions.

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