La valeur de la circulaire
J'ai déjà indiqué que la circulaire n'était pas juridiquement opposable. Cela veut dire qu'il n'est pas possible de l'invoquer en justice. Cela dit, en pratique, et sur un sujet aussi précis, le ministre tient parole. Les règles énoncées dans cette circulaire seront appliquées. Il n'y a pas d'inquiétude à avoir. Simplement, en cas de difficulté d'interprétation de la circulaire, la position de l'administration s'impose nécessairement puisque ce texte n'est pas invocable devant un juge.
La durée de vie de la circulaire
Initialement, il avait été annoncé que les contribuables devraient régulariser et déposer leur dossier avant la publication de la loi en cours de discussion sur l'aggravation des sanctions en matière fiscale.
En fait, la circulaire ne prévoit elle-même aucune limite de temps.
Il est possible que l'obtention des documents comme les relevés bancaires prenne du temps. Pour cette raison, l'administration n'exige pas de date limite.
Le plus vraisemblable est que la circulaire reste en vigueur encore de nombreux mois et sans doute même après la fin de l'année.
Mais rien n'est sûr sur ce point. Le ministre peut changer d'avis et durcir les conditions de régularisation. Donc mieux vaut en profiter maintenant.
En pratique, il me paraît prudent au minimum de commencer la procédure de régularisation par la déclaration du compte avant la publication de cette loi et même le plus tôt possible. Il s'agit de prendre date par rapport à la circulaire.
Le compte est juste déclaré dans un premier temps puis le dossier complet de régularisation est déposé ensuite.
Bientôt une circulaire bis ?
Officieusement, l'administration devrait donner des réponses détaillées à certaines questions. Il s'agirait donc d'une forme de circulaire bis. Il est vrai que la circulaire est très succincte sur de nombreux points. Bien sûr si une telle circulaire est publiée, je la communique dans ce blog. Mais à ce stade rien n'est sûr.
Le fait d'attendre 2014 peut-il être avantageux ?
Non.
Les délais de reprises sont maintenant fixés à 10 ans, à compter de 2006 ou 2009 en impôt sur le revenu et à compter de 2007 en droit de succession et ISF. Donc attendre un an de plus, c'est avoir un an de plus à régulariser pour les impôts. Une succession faite en 2007 ne sera prescrite que le 31 décembre 2017.
S'agissant de l'amende pour non-déclaration du compte, le fait d'attendre 2014 aboutit à remplacer l'amende 2009 par l'amende 2014. Un tel remplacement n'est pas avantageux car l'amende est de 5 % à compter de 2012. Alors que c'était une amende fixe en 2009, 2010 et 2011. Et rappelons que la régularisation permet de plafonner ces amendes fixes à 1,5 % ou 3 % par année et par compte.
J'ai toujours conseillé aux clients de ne pas attendre pour régulariser. Ceux qui ont suivi mon conseil et qui ont régularisé avant l'échéance de la dernière déclaration de revenus ont gagné 1,5 % du montant de leur compte.
Le fait d'attendre la rentrée de septembre est-il intelligent ?
Non.
Le risque d'attendre pour régulariser c'est le risque de se faire prendre avant d'avoir commencé la procédure de régularisation. C'est dangereux car, dans ce cas, les mesures de faveur de la circulaire ne s'appliquent pas.
Le temps qui passe fait courir un risque supplémentaire et ne procure aucun gain.
Que risque-on si on se fait prendre ?
Le risque maximum ce sont les sanctions pénales. Selon moi, sauf dossier important, ce risque est peu probable.
En revanche, ce qui est vraisemblable c'est que l'administration applique des pénalités maximales (même de manière discutable) et propose ensuite un compromis d'acceptation des rappels. En pratique, les contribuables concernés auront intérêt à accepter le compromis pour réduire les pénalités et de facto éviter les poursuites pénales. Mais le coût à payer sera toujours nettement plus élevé que celui proposé par la circulaire.
Par exemple, si un contribuable se retrouve dénoncé par une banque avec un compte étranger non déclaré, l'administration va se donner tous les droits pour appliquer les pénalités et amendes le plus largement possible (et sur ce point, vous pouvez compter sur elle).
Le comportement des banquiers
La tendance lourde c'est la dénonciation par les banques des français titulaires de comptes non déclarés. Tous les pays vont s'y mettre.
Certaines banques suisses ont déjà demandé à leurs clients français, soit de partir, soit de régulariser. J'ai même le cas d'une cliente qu'on a mis dehors avec une valise de billets !
Ces banques ne veulent plus de comptes de français non déclarés.
En effet les autorités nationales menacent de poursuites les banques qui acceptent de gérer les comptes d'étrangers non déclarés.
Les ETATS-UNIS ont instauré des règles très strictes qui vont devenir peu à peu le droit commun de la planète. Il sera de plus en plus difficile de cacher des fonds, même en utilisant des structures intermédiaires comme les trusts.
Les comptes en indivision et les procurations
Tous les indivisaires d'un compte et tous les titulaires d'une procuration sur un compte doivent faire une déclaration. En l'absence de déclaration, l'amende est tue en théorie. Mais faut-il multiplier l'amende par autant d'indivisaire ou de bénéficiaires d'une procuration. Cela me paraît très discutable quand l'amende est un pourcentage et cela me paraît particulièrement peu opportun dans une procédure de régularisation. Cette question reste incertaine à ce jour.
La question des revenus d'origine indéterminée
Une question importante est de savoir que faire si l'origine des fonds ne peut être ni prouvée ni présentée comme vraisemblable selon des indices sérieux. Dans cette situation, l'administration peut tout imaginer : donation d'un tiers ou revenus professionnels non déclarés.
Selon moi, il est probable que les services fiscaux appliqueront alors les droits de mutation au taux de 60 %, majorés de la pénalité de 30 % pour compte actif. 30 % des droits calculés à 60 % du montant du compte, cela fait 18 %, donc le coût s'élève à 78 %. Et il faudrait ajouter l'amende pour non-déclaration du compte, plafonnée à 3 % par an, soit au moins 6 % pour les années 2012 et 2013. Il faut aussi intégrer les intérêts de retard sur les droits de mutation, en considérant qu'ils étaient dus au début du délai de reprise. Cela fait 4,80 % par an sur 6 ans, 28,8 % sur 60 % soit environ 17 %. Au total, la facture est salée avec un taux global de 101 % ! Et sans compter les rappels d'impôt sur le revenu et d'ISF et leurs pénalités à 30 %. En pratique, j'espère que l'administration aura une approche un peu moins agressive sauf à dissuader les régularisations de ce type de compte.
Il est évidemment préférable de donner une explication vraisemblable de l'origine des fonds avec des indices sérieux.
Mais dans le cas de revenus d'origine indéterminée, avec un tel taux global, quel est l'intérêt de la procédure de régularisation ?
L'intérêt c'est que, même si son coût de la régularisation est exorbitant, il est moins élevé que le coût d'un rappel si le contribuable est "pris par la patrouille".
Si un contribuable se fait prendre avec un compte étranger sans pouvoir justifier l'origine des fonds, il risque beaucoup plus que 101 % car l'administration, outre la menace de poursuite pénale, pourrait appliquer les mêmes droits à 60 % mais avec une pénalité de 80 % des droits (soit 48 % du montant du compte). Si on ajoute 10 % d'amende pour non-déclaration du compte, cela fait 135 % !
Par rapport à une régularisation, il faut aussi ajouter une pénalisation plus forte pour les droits supplémentaires à payer en ISF et en impôt sur le revenu. : 80 % des droits au lieu de 30 %.
Dans quels cas, l'origine des revenus est déterminée ?
Il faut prouver une origine des fonds qui ne soit pas une activité occulte de celui qui régularise. Rappelons en effet que la nouvelle cellule de régularisation refuse de s'occuper des activités occultes qui doivent se régulariser selon moi par négociation directe avec son centre des impôts (et en pratique la direction départementale).
Comme exemple d'origine des fonds prouvée, le plus classique est la succession. Si j'ai hérité d'un compte de ma mère, je peux régulariser sans difficulté car je n'aurais pas de difficulté en général à prouver le transfert du compte au moment du décès. Peu importe comment ma mère a obtenu cet argent. Dans ce type de cas, il faut vérifier que je n'ai pas violé les droits de mes frères et soeurs si j'en ai. Le cas échéant, il faut restaurer une succession respectueuse du droit. De même si j'ai déjà transmis une partie du compte à mes propres enfants, il faut considérer que c'était un prêt ou reconnaître officiellement un don manuel.
Un autre exemple simple est celui du non-résident qui est devenu résident français : pour lui la situation est très facile si les fonds datent de l'époque où il était non résident. Car ce qui s'est passé avant l'obtention de la qualité de résident n'intéresse pas en principe l'administration française.
Un cas plus délicat est celui du salarié résident français qui a touché une partie de son salaire sur un compte étranger non déclaré et cela depuis de nombreuses années. C'est un compte actif. Eventuellement l'impôt sur le revenu est dû sur ces salaires non déclarés mais uniquement dans la limite du délai de reprise. Ici l'origine des fonds est déterminée.
Un cas encore plus délicat est celui du contribuable qui est commerçant en France et qui prétend que l'argent déposé sur son compte étranger provient d'une réserve de billets qu'il a reçu un jour de sa vieille tante (qui les mettait sous son matelas bien sûr). L'histoire sera difficile à croire. L'administration aura tendance à considérer que les fonds proviennent en fait d'omission de recettes de l'activité du commerçant et c'est précisément un cas où la taxation à 60 % risque de s'appliquer.
Il vaut mieux être un salarié plutôt que commerçant ou dirigeant de société pour régulariser un compte étranger non déclaré. Il vaut mieux aussi être d'origine étrangère car les explications sur l'origine étrangère des fonds sont nécessairement plus crédibles.
Il y aura sans doute une marge d'appréciation des agents de l'administration. Il est probable également que, plus le compte est ancien, moins l'administration ne sera exigeante sur les modes de preuve de l'origine des fonds.
Le cas des petits comptes
Il existe des centaines de milliers de personnes qui détiennent des comptes étrangers non déclarés. Lorsque les fonds concernés sont peu élevés (moins de 20 K€ par exemple) la question se pose de savoir s'il est nécessaire de régulariser, compte tenu du montant peu élevé des sanctions encourues.
Les sanctions peuvent toutefois être significatives par rapport au montant du compte, notamment si le compte a été ouvert dans un pays non coopératif comme Jersey, ou le Luxembourg et la Suisse avant 2010 car pour ce type de pays la pénalité est de 10 000 € par année et par compte jusqu'en 2011, puis 5 % en 2012 et 2013. Donc, il faut aussi régulariser les petits comptes.
Il aurait été judicieux que la circulaire prévoit une procédure de régularisation simplifiée pour les petits comptes, sous réserve d'un plafond maximum, et avec par exemple une pénalité forfaitaire globale et une gestion des dossiers au niveau des centres des impôts. Ce n'est pas le cas. Donc, à ce jour, il faut régulariser auprès de le DNVSF, même pour des petits comptes.
Mes petites idées
Je ne résiste pas à la tentation de faire part de mon opinion générale.
Je pense qu'il serait temps en France que la question de la fraude fiscale et sociale soit envisagée de manière globale. La stigmatisation des détenteurs de comptes étrangers non déclarés est excessive alors que de nombreux français fraudent le fisc et les organismes sociaux sans avoir de comptes bancaires étrangers.
Il faudrait sur ce sujet avoir une approche pragmatique en mettant en place un système répressif plus sévère et efficace. L'objectif ne devrait pas être de punir à tout prix mais plutôt de mettre fin au développement de la fraude. En fait, la fraude fiscale et sociale est un sujet tabou.
Il faudrait commencer par faire l'inventaire des pratiques frauduleuses, les identifier clairement et, dans certains cas, adoucir la réglementation pour, de facto, valider certaines pratiques impossibles à interdire, et, dans d'autres cas, durcir les moyens de répression, pour rendre effectif la peur du gendarme.