Une réforme très importante va bientôt être mise en oeuvre dans le droit français.
Une véritable bombe atomique à retardement.
Rappelons que la Constitution a été réformée le 23 juillet 2008 et à cette occasion a été introduite dans le droit français la possibilité pour toute justiciable de contester l'application d'une loi en invoquant son caractère contraire à un principe constitutionnel.
Autrement dit, dans toute procédure, un justiciable pourra échapper à l'application d'une loi s'il peut démontrer que la loi est contraire à la Constitution, et plus particulièrement aux droits et libertés protégés qui y sont définis.
C'est une bombe atomique dans le droit français car de très nombreuses lois anciennes sont probablement anticonstitutionnelles.
Par ailleurs, les hommes politiques et les hauts fonctionnaires sont peu conscients des principes constitutionnels. L'actualité récente vient encore de le démontrer avec l'invalidation spectaculaire de la taxe carbone. Autrement dit, même les nouveaux textes sont souvent grossièrement anticonstitutionnels.
Le 3 décembre 2009, le conseil constitutionnel a validé la loi organique qui organise ce nouveau droit.
La loi TEPA du 13 août dernier a réduit le délai de prescription en matière d'ISF (et de droits d'enregistrement en général).
En cas d'absence de dépôt de déclaration ISF ou pour les biens qui ont été omis de la déclaration, le délai de prescription est passé de 10 à 6 ans.
Le délai exact de contrôle expire le 31 décembre de la sixième année suivant celle du fait générateur de l'impôt.
Donc pour l'ISF 2008, le délai de rectification des omissions expirera le 31 décembre 2014 (pour les contestations sur les évaluations cela reste le 31 décembre de la troisième année suivant celle de l'imposition, donc 31 décembre 2011 pour l'ISF 2008).
Le passage du délai de 10 à 6 ans va s'effectuer le 1er juin 2008.
Jusqu'au 31 mai 2008, les contribuables défaillants pourront recevoir une mise en demeure ou une proposition de rectification portant sur les ISF 1998, 1999, 2000 et 2001.
A partir du 1er juin, ils gagneront 4 années et ne pourront être contrôlés que sur les ISF commençant en 2002.
Ce sera peut-être pour certains l'occasion de régulariser leur situation, de déposer tous leurs ISF en retard (de 2002 à 2008) et en profiter pour faire une demande de bouclier portant sur l'ISF 2007 (sachant que certains agents considèrent, selon moi à tort, qu'il n'est pas possible de demander le bouclier sur un ISF régularisé).
Lorsqu'un particulier doit procéder à une régularisation de ses déclarations fiscales, par exemple en matière d'ISF, la question se pose de savoir s'il peut en même temps bénéficier du bouclier.
Prenons par exemple un contribuable qui n'a jamais demandé le bénéfice du bouclier fiscal et qui fait l'objet d'une demande d'information de l'administration en matière d'ISF.
En effet, le plus souvent, en matière d'ISF, l'administration ne procède pas immédiatement à un rappel. Elle envoie d'abord un courrier de demande d'information.
Si c'est un contribuable qui n'a jamais déposé de déclaration, la demande d'information fait valoir au contribuable qu'il semble avoir omis de déposer des déclarations ISF, compte tenu de l'importance de son patrimoine.
Si c'est un contribuable qui dépose des déclarations ISF, l'interrogation de l'administration peut porter sur certains biens qui apparaissent sous-évalués.
Dans une telle situation, le contribuable peut avoir intérêt à procéder à la régularisation et déposer en même temps une demande de bouclier, du moins si ses impôts ainsi rectifiés dépassent 50 % de ses revenus.
Si c'est un contribuable qui a déjà fait une demande de bouclier sur l'année considérée, il peut envisager de déposer une demande rectificative de la première demande.
Cependant, toute régularisation fiscale ne bénéficie pas nécessairement de la protection du bouclier.
Le bouclier ne protège pas les régularisations faisant suite aux propositions de rectification
L'ancien article 1649-0 A prévoit que le droit à restitution s'applique aux "impositions régulièrement déclarées".
L'instruction 13 A-1-06 publiée au Bulletin Officiel des Impôts du 15 décembre 2006 a précisé la notion de "montants régulièrement déclarés" dont il est question :
" Pour l'impôt sur le revenu et l'impôt de solidarité sur la fortune, seuls les impôts correspondant aux montants régulièrement déclarés par le contribuable sont pris en compte.
Ces montants s'entendent de ceux qui figurent sur une déclaration souscrite spontanément par le contribuable. Est considérée comme spontanément souscrite, toute déclaration déposée avant l'engagement d'une procédure administrative contraignante. Il en est notamment ainsi d'une déclaration rectificative déposée suite à l'envoi d'une demande de renseignements (lettre modèle n° 754), sous réserve que le dépôt de cette déclaration intervienne avant l'engagement d'une procédure contraignante telle qu'indiquée ci-après.
Il s'ensuit notamment que ne sont pas pris en compte pour la détermination du droit à restitution :
- le montant des impôts payés afférents à une déclaration déposée après réception d'une mise en demeure ou d'une demande d'éclaircissements ou de justifications ;
- le montant des impôts payés suite à une procédure de rectification engagée par l'administration, y compris lorsque celle-ci résulte d'éléments ayant fait l'objet d'une indication expresse par le contribuable, dans les conditions prévues au 2 du II de l'article 1727 du CGI ;
- le montant des impôts payés suite à une régularisation intervenue dans le cadre de la procédure prévue à l'article L. 62 du livre des procédures fiscales (LPF) ;
- le montant de l'impôt de solidarité sur la fortune qui résulte d'une déclaration postérieure à une notification préalable établie par l'administration (lettre modèle n° 2120)".
Ainsi, pour calculer le plafonnement il faut prendre en compte les impôts payés correspondant aux montants régulièrement déclarés.
Sont donc exclus du droit à plafonnement les impôts établis suite à un rappel résultant d'une procédure contraignante comme une proposition de rectification (imprimé n° 3924).
En revanche, sont admis au plafonnement les impôts résultant d'une régularisation faisant suite à une procédure non contraignante comme une demande d'information.
En matière de procédure de régularisation d'impôt et de demande de plafonnement, trois hypothèses peuvent se présenter.
La première est celle où la régularisation fiscale est faite spontanément en dehors de toute procédure contraignante.
Dans cette hypothèse, il ne fait aucun doute que l'impôt payé résultant d'une déclaration rectificative doit être pris en compte dans la demande de plafonnement.
La deuxième hypothèse est celle où la régularisation résulte d'une procédure contraignante (proposition de rectification).
Dans ce cas, il faut exclure, du droit à restitution, l'impôt résultant du rappel.
La troisième hypothèse est plus complexe. Elle concerne le cas où le contribuable exerce plusieurs régularisations, certaines sont spontanées et d'autres résultent de procédures contraignantes.
On peut d'ailleurs imaginer que ces différentes procédures s'appliquent à deux impôts différents, ainsi un contribuable peut recevoir une demande d'information sur l'ISF et une procédure de rappel sur l'impôt sur le revenu.
Dans cette hypothèse, les règles doivent s'appliquer selon moi de façon distributive.
Il faut exclure du droit à restitution les impôts résultant des rappels faisant suite aux procédures contraignantes, et il faut admettre la restitution des impôts complémentaires résultant des procédures non contraignantes.
Conseil pratique : il peut être judicieux de déposer sa demande de bouclier en même temps que sa régularisation . En effet, en cas de désaccord persistant et de procédure de rappel, l'impôt supplémentaire ne pourra pas bénéficier de la protection du bouclier.
Le bouclier ne protège pas des régularisations visant des impôts vieux de 2 ans et plus
Les demandes de bouclier visant des impôts régularisés doivent prendre en compte le délai limite de dépôt des demandes.
Rappelons qu'une demande de bouclier portant sur les impôts dus en 2008, limités à 50 % des revenus de 2007, doit impérativement être déposée au cours de l'année 2009.
Ainsi en 2009, il est trop tard pour déposer ou corriger une demande de bouclier visant à se faire rembourser l'ISF 2007.
En pratique, lorsque l'on reçoit une demande d'information au cours du dernier trimestre de l'année, il faut se demander s'il ne convient pas d'y répondre rapidement par une régularisation et par une demande de bouclier déposée avant le 31 décembre.
Le 12 avril dernier, le gouvernement a présenté sa réforme de la fiscalité du patrimoine. Celle-ci prévoit notamment un allègement de l'ISF et la suppression du bouclier fiscal.
Il faudra cependant attendre le 11 mai 2011, date à laquelle le projet de loi sera présenté en conseil des ministres, pour connaitre tous les détails de la réforme.
Les informations techniques qui suivent sont donc à prendre au conditionnel. Le texte va certainement évoluer.
1 Allègement de l'impôt de solidarité sur la fortune
1.1 Principe de la réforme
Actuellement, l'ISF se calcule selon un barème qui comporte six tranches et des taux allant de 0,55 % à 1,80 % avec une franchise de 800 000 euros.
La réforme consiste tout d'abord à augmenter le seuil de déclenchement de l'ISF qui passera de 800 000 euros à 1,3 million d'euros.
Du fait de cette suppression de la première tranche de l'ISF, 300 000 personnes ne seront donc plus redevables de l'ISF.
D'autre part, le barème progressif sera supprimé et laissera place à un taux d'imposition unique s'appliquant sur l'ensemble du patrimoine, dès le premier euro.
Selon le montant du patrimoine, ce taux d'imposition sera de :
- 0,25 % pour les patrimoines compris entre 1,3 millions d'euros et 3 millions d'euros
- 0,5 % pour les patrimoines supérieurs à 3 millions d'euros
Toutefois, afin d'éviter des effets de seuil, le gouvernement prévoit un mécanisme de lissage : une décote entre 1,3 et 1,4 million et autour de 3 millions de patrimoine.
Les contribuables ayant un patrimoine de 1,3 à 3 millions d'euros déclareront et paieront l'ISF en même temps que leur impôt sur le revenu. Seuls les contribuables ayant un patrimoine supérieur à 3 millions d'euros auront à faire une déclaration spécifique.
Le plafonnement de l'ISF - la somme de l'ISF et de l'impôt sur le revenu doit être inférieur à 85 % des revenus - sera supprimé.
1.2 Mise en oeuvre de la réforme
ISF 2011
La première tranche devrait être supprimée dès cette année. Mais au-delà de la première tranche, le barème progressif sera maintenu pour la dernière année (donc avec les taux allant de 0,55 % à 1,80 %).
La date de déclaration et de paiement de l'ISF, actuellement fixée au 15 juin, devrait très probablement être reportée exceptionnellement cette année au 15 septembre, pour permettre le vote de la loi.
ISF 2012
Toutes les mesures de la réforme s'appliqueront.
2 Suppression du bouclier fiscal
1.1 Principe de la réforme
Le bouclier fiscal, mis en place en 2007, permet aux contribuables de plafonner leurs impôts directs à 50 % de leurs revenus de l'année précédente.
Ce bouclier sera supprimé en 2012.
1.2 Mise en oeuvre de la réforme
ISF 2011
Les contribuables dont les impôts payés en 2011 dépassent la moitié des revenus perçus en 2011 pourront bénéficier une dernière fois du bouclier fiscal en 2012.
Les contribuables ne pourront plus bénéficier des chèques de restitution. Ils devront déduire le montant du bouclier de leur ISF dû au 15 juin 2012. Et si le montant du bouclier est supérieur à celui de l'ISF dû, l'excédent sera reporté sur l'ISF dû l'année suivante.
Cela afin d'éviter la distribution de chèques de restitution pendant la campagne présidentielle.
ISF 2012
L'ISF 2012 ne pourra plus être limité par le bouclier fiscal.
1.3 Conseils pratiques
Il va falloir revoir les stratégies basées sur la plafonnement et le bouclier et se recentrer sur les solutions restantes pour minimiser l'ISF : donation de ses biens, démembrement (sauf si la réforme vise ce point), souscription au capital de PME, développement du patrimoine professionnel exonéré au détriment du patrimoine privé taxé.
3 Point de vue critique
Ici je vais donner mon point de vue, à la fois de fiscaliste et de citoyen. Bien entendu, ce point de vue est discutable.
Pour l'essentiel la réforme me paraît positive pour deux raisons.
La suppression du bouclier
La suppression du bouclier est une bonne chose, au moins d'un point de vue technique.
Le mécanisme du bouclier est l'exemple typique du principe selon lequel l'enfer fiscal est pavé de bonnes intentions.
Sur le papier, l'idée paraît équitable et simple : il faut plafonner tous les impôts à 50 % des revenus.
Mais en fait l'idée de base est incohérente car elle aboutit à mélanger les impôts sur la fortune, comme la taxe foncière et l'ISF, et l'impôt sur le revenu. Par principe, les impôts sur la fortune devraient être dus, quels que soient les revenus du contribuable. La légitimité de la taxation sur la fortune est sans rapport avec les revenus. La fortune est un avantage intrinsèque, même si elle ne procure aucun revenu.
Ensuite, le principe du bouclier a bien fait rire tous les fiscalistes de France car il faut savoir que, pour une personne très riche, il est assez facile de ne plus avoir de revenus. Donc le bouclier permet aux personnes très riches de ne plus payer d'impôt.
Enfin, la mise en oeuvre du bouclier a abouti à des raisonnements très complexes, s'agissant d'un mécanisme fiscal incluant des prises en compte décalées entre les impôts et les revenus, avec une détermination spéciale des revenus servant de base au plafonnement et une détermination spéciale des impôts pouvant être plafonnés. Sans parler du fait que les règles changeaient chaque année. La complexité du bouclier venait s'ajouter à celle des impôts sur le revenu. Par exemple, la question du traitement du caractère partiellement déductible de la CSG dans le calcul du bouclier pourrait donner lieu à un mémo de 10 pages.
Bref, que du bonheur pour les conseils fiscaux et les agents des impôts.
La réduction de l'ISF
La réduction de l'ISF est bienvenue car avec un taux marginal de 1,80 %, l'impôt était spoliateur.
A un taux de 0,5 %, il est déjà plus raisonnable, plus conforme à la notion d'impôt annuel sur la fortune. Du coup, il est moins insupportable à payer, les schémas de contournement sont moins justifiés.
Cela étant, selon moi, la bonne réforme aurait été de choisir un taux encore plus faible, mais avec une base élargie, sans aucune exonération ni réduction.
De plus, plutôt que de faire un savant lissage pour éviter l'effet de seuil, il aurait été plus simple de maintenir un système basé sur un barème. Mais pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ?
L'instabilité fiscale
Le bouclier fiscal fait un petit tour et puis s'en va.
Une fois de plus, la France fait honneur à sa réputation.
Si l'instabilité fiscale était admise comme épreuve des jeux olympiques, la France remporterait sans problème la médaille d'or.
Elle serait aussi favorite pour la créativité fiscale.
Nos politiciens sont les champions du monde, et la campagne pour les élections présidentielles a de quoi nous rassurer : le niveau de nos athlètes devrait se maintenir.
La fiscalité aussi, c'est compliqué et dangereux. Pour gérer vos problèmes fiscaux, pour faire face aux contrôles, et pour réduire le coût fiscal sur vos opérations ou sur vos revenus, je peux vous aider.