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Défiscalisation

Démêlez les noeuds de la fiscalité
vendredi, 11 octobre 2013 09:21

Deux décisions de justice contestable dans un schéma de défiscalisation (suite et fin)

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Je propose également de reprendre les principaux extraits de la décision du TGI de Versailles du 17 septembre 2003 et de les commenter.

2 sur la responsabilité des autres professionnels en cause :

Il convient tout d'abord de rappeler les éléments de fait suivants, qui ressortent des pièces versées aux débats et qui doivent être pris en compte pour apprécier la responsabilité de l'ensemble des défendeurs :

- l'opération s'est nouée entre Monsieur DUPONT et le Cabinet G en février 2002, ce qui s'est traduit par la signature entre Monsieur Pascal DUPONT, l'eurl DUPONT PATRIMOINE et la SNC de L'AULNOY, vendeur en l'état futur d'achèvement de deux contrats de réservation préliminaire datés du 22 février 2002 ;

- l'eurl DUPONT PATRIMOINE, qui constituait le support de l'opération de défiscalisation, a été créée dès le 24 avril 2002 ;

- les demandes de prêt sont datées du mois de septembre 2002, signées par Monsieur DUPONT, pour un emprunt correspondant à totalité du prix de vente des lots faisant l'objet d'une demande de financement séparée, et affecté d'un taux variable ;

- les actes de vente en l'état futur d'achèvement concernant 6 et 7 studios dans la résidence Einstein V-C ont été signés en l'étude de Me P les 8 novembre et 6 décembre 2002, et contiennent également les actes de prêts consentis respectivement par la Caisse de Crédit Mutuel de Saulieu et le Crédit Agricole de Bourges. Il s'agit de deux actes distincts ;

- les demandeurs ont fait l'objet d'un contrôle fiscal qui a porté sur les exercices 2002 et 2003 diligenté le 30 août 2004 dont il ressort qu'outre le défaut de justification de certains frais pour lesquels un retour de TVA avait été demandé, l'administration fiscale a considéré que les demandeurs ne satisfaisaient pas aux conditions de recettes annuelles et de revenus tirés de l'activité de loueur en meublé professionnel pour bénéficier de la défiscalisation prévue par la loi à ce titre ;

- en définitive, les parties demanderesses ont signé en 2010 un protocole transactionnel avec l'administration qui a maintenu cette position et confirmé un rappel de TVA mais qui a en revanche :

- reconnu aux demandeurs le droit d'imputer les déficits correspondants sur la première année de mise en location du bien ;

- abandonné le rappel fondé sur la remise en cause de la déduction des frais et sur l'article 39 C du code général des impôts.

Il sera également rappelé que l'exploitant a été mis en redressement judiciaire en avril 2008, que l'exploitation de la résidence a été reprise par un nouveau gestionnaire, et que les prêts consentis par le Crédit Agricole et le Crédit Mutuel ont été remboursés par anticipation en 2008.

Les demandeurs soutiennent principalement que cette opération qu'ils qualifient d' arnaque était connue comme telle de tous les professionnels intervenus dans la mise en place du package et qui y ont trouvé leurs intérêts. Ils considèrent que pour le moins ceux-ci ont manqué à leurs obligations d'information et de conseil dans la mesure où :

- il était connu des spécialistes que le régime du loueur en meublé professionnel dans le cadre de ventes en l'état futur d'achèvement posait certains problèmes d'application en raison de la date de commencement de l'activité ;

- le rendement financier garanti ne pouvait pas être assuré dès lors que l'exploitant de la résidence de services était structurellement déficitaire depuis l'origine.

Sur ces deux points qui constituent les manquements les plus graves reprochés à l'ensemble des défendeurs il convient d'observer tout d'abord, d'une façon générale, que la question de la compatibilité ou non de la vente en l'état futur d'achèvement avec le régime fiscal de loueur en meublé professionnel (LMP) a été une question délicate et controversée, comme en témoignent les observations multiples et circonstanciées développées par Monsieur DUPONT auprès des services des impôts, ainsi que les consultations auprès d'un spécialiste du droit fiscal versées aux débats.
Il ressort du dossier que ce statut de LMP, organisé par le législateur et encouragé par les pouvoirs publics, était parfaitement légal et présentait des avantages importants pour des particuliers ayant des revenus situés dans les tranches hautes de l'impôt, les conditions quant au montant des recettes locatives exigées encourageant précisément l'investissement dans des immeubles exploités en résidence service et pouvant avoir un intérêt social ( maisons médicalisées, résidences étudiantes, hôtels, centres de loisirs et d'hébergement etc...).
Le problème juridique lié à un investissement sur plusieurs lots réalisé au moyen de la vente en l'état futur d'achèvement ressort d'articles de presse versés au dossier tous postérieurs à l'investissement de Monsieur DUPONT ou concomitants aux derniers actes nécessaires à la réalisation de l'opération : si un entrefilet dans la revue très spécialisée “Economiste” de novembre 2012 fait état de ce que “le service de la législation fiscale vient d'indiquer que le procédé était illégal et que plusieurs milliers d'acquéreurs risquent de se voir notifier un redressement fiscal, à cette date l'opération était déjà pratiquement achevée, les prêts bancaires accordés et l'un des actes de vente signé. Le nombre de victimes potentielles mentionné laisse d'ailleurs penser qu'il n'y avait pas de véritable incertitude, jusqu'à cette date, chez les professionnels de ce type d'investissement, d'autant que dans sa consultation, Monsieur GUTMAN indique que cette position est le résultat d'une interprétation par l'administration fiscale de sa propre doctrine après introduction, de sa propre initiative, d'un tempérament à la loi.
L'incertitude est caractérisée en revanche à partir de cette prise de position officielle de l'administration résultant d'un courrier adressé à une société de conseil en investissement dénommée “Mona Lisa”, et dans l'attente d'une confirmation par la juridiction administrative. En effet Monsieur GUTMANN cite des décisions de cours administratives de 2007 et 2009 allant dans le sens de l'administration tout en mentionnant un arrêt du Conseil d'Etat du 5 octobre 2007 paraissant plus favorable au contribuable. Ce n'est que par un arrêt du 19 mars 2010 que la haute juridiction administrative a validité la doctrine de l'administration fiscale.
Les manquements des divers défendeurs à leurs obligations professionnelles devant s'apprécier au jour où ils ont rempli leur mission ou prêté leur concours à l'acte incriminé, il conviendra de retenir que la connaissance d'une incertitude sur la possibilité d'appliquer la défiscalisation à l'opération en cause n'a pu intervenir qu'à la fin de l'année 2002.

C'est le point le plus important de la décision et aussi le plus contestable.

La présentation des faits est inexacte. Le tribunal se contredit.

Une personne qui achète un produit de défiscalisation achète un régime de défiscalisation sécurisé et garanti. Il n'achète pas un produit avec un risque de remise en cause. Il n'achète pas l'aventure fiscale.

C'est comme si on disait qu'il est légitime de vendre une machine à laver la vaisselle même s'il existe un risque important que la machine cesse de laver les assiettes après quelques mois, dans la mesure où il s'agit seulement d'un risque et non d'une certitude.

L'acheteur d'un produit de défiscalisation ne fait son achat que parce qu'il croit que la défiscalisation est acquise, qu'il n'y a pas de risque de remise en cause. Si M. DUPONT avait su que le schéma était risqué, il n'aurait pas fait l'investissement. C'est d'autant plus vrai que la défiscalisation finance une partie importante du prix d'achat. Accessoirement, le CABINET G avait présenté la défiscalisation comme certaine et garantie dans ses documents publicitaires.

Aucun des professionnels (notaire, banquiers et expert-comptable) n'a averti l'acheteur des risques fiscaux encourus. Or, quand bien même ces professionnels n'avaient pas pour rôle d'empêcher l'investissement, il leur appartenait au moins d'avertir leur client des risques encourus. Et évidemment s'ils avaient évoqués les risques encourus, l'opération n'aurait pas eu lieu.

Le package était la vente d'un investissement en LMP, ce qui supposait, selon la loi en vigueur à l'époque, de réaliser un minimum de 23 K€ de recettes. Or, une personne qui achetait un bien en VEFA (immeuble à construire) ne réalisait généralement aucune recette l'année de l'achat puisque l'immeuble n'était pas encore construit. Or, dans ce schéma de défiscalisation, l'année de l'achat est celle où le défiscaliseur facturait ses honoraires (en l'espèce représentant près de 30 % de la valeur des constructions). Ces honoraires constituaient une charge déductible et un important déficit imputable sur le revenu global. L'intérêt fiscal du schéma était surtout constitué par cette possibilité d'imputer ce déficit réalisé l'achat de l'achat.

Depuis cette affaire, en 2009, la loi a été changée et le LMP en VEFA est possible avec l'instauration d'un droit au report du déficit.

Mais à l'époque rien n'était prévu dans le texte dans cette situation.

Si le texte de loi faisait l'objet d'une interprétation littérale, le régime du LMP ne devait pas s'appliquer à un LMP au titre de l'année d'achat. Seule une interprétation selon l'esprit du texte pouvait éventuellement permettre de considérer que le régime pouvait s'appliquer. Mais en tout état de cause, il y avait un doute très sérieux, un risque élevé que les services fiscaux, et même un tribunal en cas de contentieux, retienne précisément l'interprétation littérale du texte et refuse d'accorder à l'investisseur en VEFA le bénéfice du régime LMP, en tout cas les premières années tant qu'il ne réalise pas encore le seuil minimal de recettes.

C'est d'ailleurs précisément ce qui s'est produit : les services fiscaux ont contesté le régime LMP pour les investisseurs en VEFA et le Conseil d'Etat a fini par donner raison aux services fiscaux par une décision du 19 mars 2010. Il s'agissait en plus d'un refus d'admission du pourvoi, autrement dit le Conseil d'Etat a considéré que le point ne méritait même pas d'être discuté !

La question centrale du dossier était de savoir si les intervenants du package savaient ou auraient dû savoir qu'il y avait un risque de remise en cause.

Sur ce point très important, le tribunal se contredit. En effet, il commence par dire qu'il s'agissait d'une question "délicate et controversée". Puis il considère que, avant la publication dans la presse de la position des services fiscaux en novembre 2002, il n'était pas possible de prévoir les rappels fiscaux. Si la question était controversée, il y avait nécessairement un risque de rappel. Le tribunal fait d'ailleurs un petit saut dans le temps bien opportun : l'article date de novembre 2002 mais il considère que la connaissance de l'incertitude n'était possible qu'à la fin de l'année 2002.

Le tribunal fait référence au fait qu'une lettre de la Direction de la législation fiscale interdisant le régime du LMP en VEFA n'aurait été rendue publique seulement en novembre 2002. Ainsi, il faudrait distinguer deux périodes : avant la communication de la lettre, personne ne pouvait se douter du risque fiscal et après, il y avait éventuellement un risque connu.

Sur ce point, le professeur indiquait exactement l'inverse dans sa consultation :

"Par conséquent, même antérieurement à la divulgation de la lettre du 26 septembre 2002 émanant de la Direction de la législation fiscale, il était impossible de garantir aux candidats au statut de loueur en meublé professionnel qu'ils pourraient être considérés comme tels dans l'hypothèse où ils réaliseraient des recettes inférieures à 23 000 €."

Le tribunal invoque la consultation du professeur à l'appui de son analyse mais en réalité cette analyse est directement contraire à sa décision.

De plus, sur les faits, le tribunal ne tient pas compte de la chronologie.

Le courrier du responsable de MONA LISA aux services fiscaux, M. David ZIMMERMAN, date de 2000. Donc dès l'année 2000, un intervenant important du marché de la défiscalisation et concurrent du Cabinet G avait un sérieux doute sur la possibilité de vendre du LMP en VEFA. Il envoie un courrier aux services fiscaux. Il recevra sa réponse deux ans plus tard, en septembre 2002.

Compte tenu des risques encourus, il indique d'ailleurs qu'il s'interdisait de vendre ce produit et c'est la raison pour laquelle il avait interrogé les services fiscaux sur l'éligibilité des acheteurs en VEFA pour bénéficier du régime du LMP.

Il est aussi possible de citer un autre article du journal "Mieux vivre votre argent" qui date lui de décembre 2001. Donc, dès décembre 2001, un article de presse grand public évoque un risque élevé de rappel pour les clients du CABINET G sur la question du régime LMP en VEFA.

Un autre professionnel du secteur, CERENISSIMO avait lui aussi renoncé à vendre du LMP en VEFA, dès 1999, compte tenu des risques de rappel.

Il est également faux de dire que sur cette question, l'administration aurait changé de doctrine, qu'avant 2002 elle validait le régime du LMP en VEFA et que la lettre de septembre 2002 publiée dans la presse pour la première fois en octobre 2002 serait un revirement de doctrine.

En fait l'administration n'avait jamais pris position de manière générale sur cette question et aucun tribunal n'avait jamais pris position sur cette question.

Une officine qui vend un produit de défiscalisation se devait nécessairement de demander une réponse générale de l'administration fiscale validant son schéma. C'est d'ailleurs ce qui avait été fait par le directeur de MONA LISA.

C'est que font tous les défiscaliseurs sérieux quand ils envisagent de vendre un produit de défiscalisation avec un risque de remise en cause. Ils obtiennent d'abord un rescrit favorable de l'administration avant de le commercialiser.

Le tribunal prend aussi des libertés avec les dates. Le tribunal considère que l'article de presse annonçant la position négative des services fiscaux aurait été publié après les deux actes ou de façon concomitante. Or, si le premier acte date du 8 novembre 2002, le deuxième acte date du 6 décembre 2002, soit après la publication de l'article. A supposer que cet article puisse être considéré comme annonçant une information totalement nouvelle, il aurait dû être diffusé et connu de tous les spécialistes. Et, en novembre 2002, il était encore temps pour le notaire, l'expert-comptable et les banques d'empêcher l'aggravation du schéma.

Enfin, le tribunal oublie l'autre risque fiscal, c'est-à-dire le défaut de justification des prestations et le risque de remise en cause de leur déduction par les services fiscaux, notamment du fait de l'absence de contrat explicitant les interventions des sociétés du groupe G. Ce risque pouvait être connu des professionnels car aucun de ces professionnels ne s'est inquiété de l'absence de ces contrats alors qu'il aurait dû le faire (l'expert-comptable pour justifier les écritures de charges, le notaire qui cite les honoraires de ces contrats dans le prix de vente, les banquiers qui les financent sans justificatifs).

Rappelons que dans le cadre de faits très similaires, la cour d'appel de Paris, dans sa décision du 2 juillet 2013, a au contraire relevé les nombreuses fautes de l'expert-comptable.

En ce qui concerne le fait de ne pas avoir attiré l'attention des investisseurs sur l'impossibilité d'obtenir le rendement promis, il sera relevé que si l'administrateur judiciaire EZ, dans un courrier du 15 septembre 2008 adressé aux copropriétaires de la résidence, a estimé que l'exploitant avait accepté de verser des loyers onéreux et excessifs par rapport à ses capacités et qu'il présentait une situation structurellement déficitaire, il résulte également des pièces du dossier que le redressement judiciaire de la société S VALLEY ( E VALLEY) n'a été prononcé que le 14 avril 2008 et que la société DUPONT PATRIMOINE a produit pour une créance pour des loyers impayés uniquement à compter du quatrième trimestre 2007.

Le tribunal tient compte d'une pièce produite par l'investisseur. Il s'agissait d'un courrier de l'administrateur judiciaire en charge de la procédure de faillite de l'exploitant de la résidence. L'administrateur judiciaire constate que les loyers promis aux investisseurs étaient dès l'origine beaucoup trop élevés par rapport à la rentabilité des résidences : "(...) la problématique de l'entreprise S. VALLEY à laquelle les investisseurs étaient liés par un contrat de bail résultait de loyers contractuels onéreux et excessifs par rapport à ses capacités (...) situation qui est largement à l'origine de la défaillance de cette entreprise (...). Le redressement judiciaire a mis un terme à cette spirale ruineuse et sans issue.".

Bien sûr la faillite est postérieure à l'achat mais la remarque de l'administrateur judiciaire porte bien sur le fait que la faillite était très probable dès le début de l'activité des sociétés exploitantes des résidences, compte tenu d'une situation structurellement déficitaire.

C'est à la lumière de ces éléments qu'il y a lieu d'examiner si la responsabilité des divers professionnels défendeurs à la présente instance doit ou non être retenue.

a) en ce qui concerne la responsabilité des banques :

Il sera tout d'abord observé qu'aux termes de leurs dernières écritures récapitulatives, les demandeurs ne forment aucune demande en nullité des prêts bancaires, mais sollicitent uniquement l'indemnisation de leurs préjudices.

L'argument de l'absence de nullité est un argument des banquiers. Il était complété par l'idée que les investisseurs se gardent de demander la nullité de la vente et qu'ils ont réalisé une très bonne affaire.

Mais l'absence de demande de nullité du prêt résulte en fait simplement de l'impossibilité d'annuler la vente, le prix de vente ne pouvant être récupéré du promoteur. En tout état de cause, c'est un libre choix du demandeur à qui on ne peut pas reprocher d'avoir choisi une voie de droit plutôt qu'une autre.

Ils imputent aux banques un rôle majeur au motif que sans elles, ce schéma de produit immobilier défiscalisé ne pourrait pas exister.

Ils soutiennent, mais sans le démontrer autrement que par des publicités émanant du Cabinet G, qu'il y aurait eu un partenariat conclu entre ce dernier et certaines banques dont le Crédit Mutuel et le Crédit Agricole, qui auraient même agréé le schéma LMP (loueur en meublé professionnel) vendu et ne se seraient pas opposés à cette publicité mensongère servant leurs intérêts.

Le tribunal oublie de citer le fait que les publicités du CABINET G évoquent non pas seulement un partenariat mais un agrément.

La position du tribunal est implicitement de considérer que les banques n'étaient pas tenues d'agir pour faire cesser les publicités du CABINET G qui invoquaient très largement, sur internet et dans des publicités dans des journaux grand public, l'existence d'un agrément des grandes banques, dont précisément LE CREDIT MUTUEL et le CREDIT AGRICOLE, nommément désignées.

C'est très contestable car les clients ont pu être rassurés par ces prétendus agréments et parce que les banques en ont profité (comme le notaire et l'expert-comptable), en rappelant que les banques n'ont jamais fait l'effort de recevoir leurs clients.

Les demandeurs, qui n'ont pas engagé d'action au pénal, et qui ont renoncé à régulariser la présente procédure à l'égard du concepteur et vendeur du “package”, ne rapportent pas la moindre preuve d'une collusion frauduleuse entre le groupe G et les différents professionnels intervenus à l'opération. Sont insuffisants à cet égard les éléments pris du nombre de dossiers traités par les banques , comme de l'importance des garanties qu'elles auraient prises sur les emprunteurs, ou la mention de leur nom dans des publicités émanant du seul Cabinet G.

Le tribunal prend ici une position étonnante en indiquant qu'il n'y a pas la moindre preuve d'une "collusion frauduleuse" tout en citant ces preuves : la répétition des dossiers et la publicité du CABINET G. Il oublie certains faits concrets : O FIDUCIAIRE est aussi l'expert-comptable du groupe G, le notaire fait tous les actes du groupe (actes d'achat des sociétés de promotion et établissement des règlements de copropriété des résidences), les banques on fait appel à un mandataire pour conclure les contrats et ce mandataire a un joué un rôle actif dans l'opération notamment en établissant des dossiers de prêts mensongers (endettement calculé sur un seul achat alors qu'il y a plusieurs achats et une banque par achat).

(...) S'il a pu s'agir en définitive d'un mauvais placement, la connaissance de supposés vices du packagte; que ce soit directement par les banques, ou par l'intermédiaire des mandataires (les sociétés EUROC et/ou SEURIN qui ne sont pas des sociétés du groupe G et qui ne sont pas dans la cause) ayant établi les demandes de prêt signées par Monsieur DUPONT n'est pas démontrée.

En fait, les deux banques avaient le même mandataire. En droit civil, le mandat est responsable des fautes de son mandataire. Or le mandataire connaissait nécessairement l'existence du double financement parce qu'il avait préparé les dossiers de prêt.

Les demandeurs allèguent ensuite, en dehors de la connaissance du schéma G, des fautes des banques dans l'exercice de leur activité de prêteur de deniers, consistant à avoir prêté des fonds importants sans s'être interrogées sur leur utilisation précise, sans jamais avoir reçu les emprunteurs, alors que le dossier était financé à 100% par l'emprunt et que les recettes courantes de l'activité représentaient moins de la moitié des mensualités d'emprunt.
Ils font plus précisément grief aux banques de ne pas avoir étudié la viabilité du projet, dans la mesure où elles n'ont pas demandé de prévisionnel, n'ont pas alerté leurs clients sur le caractère excessif et inhabituel d'honoraires non assortis d'un document justificatif, et financés par l'emprunt, de ne pas s'être assurées que les montants des loyers escomptés étaient réalisables avant de convenir du prêt, alors que le taux d'endettement, même limité aux échéances de chaque prêt, atteignait un niveau anormal par rapport aux revenus courants de l'emprunteur.
Ils leur reprochent enfin d'avoir octroyé un financement à long terme sur prix TTC, alors que dans le cas d'une acquisition pour location meublée avec fourniture de services de parahôtellerie par l'exploitant, la TVA est remboursable dans les premiers mois du début de l'exploitation, et d'avoir ainsi aggravé inutilement l'endettement de la société.
En définitive les demandeurs estiment que les banques doivent être condamnées pour leur défaut de conseil, d'information et de mise en garde et pour avoir financé un prêt totalement inutile à hauteur de la TVA récupérable.
Il convient de rappeler que le banquier n'a pas à s'immiscer dans l'économie de l'opération qu'il finance, ni à plus forte raison, à interroger son client sur l'opportunité du placement et que l'obligation de mise en garde n'est due qu'à raison des capacités financières des emprunteurs et des risques de l'endettement né de l'octroi des prêts en cause.
Il est essentiel de rappeler que les demandeurs ne rapportent aucunement la preuve que le montage de défiscalisation ( le package) a été conçu par ou avec la participation des banques, étant constant qu'il a été proposé par le Cabinet G, professionnel gestionnaire de patrimoine spécialisé dans ce type de produit, et mis en place par les filiales de ce dernier. Ni le Crédit Mutuel ni le Crédit Agricole n'ont proposé ou personnalisé cet investissement par nature à risque et reposant sur une législation fiscale et immobilière complexe, (...)
Ils n'avaient donc pas à contrôler le taux de rendement proposé par ce dernier, ni la simulation établie par l'exploitant de la résidence à l'appui, sauf si celle-ci présentait des erreurs ou informations erronées manifestes ayant des conséquences sur les capacités de financement des demandeurs ou les risques d'endettement relatifs aux prêts souscrits, étant rappelé que le redressement judiciaire de la société exploitante n'est intervenue qu'en 2008 et que l'eurl DUPONT PATRIMOINE n'a produit une créance pour des loyers impayés à compter du quatrième trimestre 2007.
(...) Il convient également d'examiner si, comme le soutiennent les demandeurs, les prêts accordés étaient déraisonnables compte tenu de leur montant et de leurs conditions, ainsi que du taux d'endettement en résultant pour les demandeurs.

Le banquier n'était certainement pas tenu de vérifier la régularité du mandat des agents immobiliers bénéficiaires des honoraires ni d'en discuter le montant du seul fait qu'ils étaient inclus dans le prix financé à l'aide des prêts. Il sera précisé qu'il s'agissait en l'occurrence de frais particuliers dits “frais d'établissement” pour lesquels la Commission départementale des impôts et taxes a retenu la réalité incontestable des prestations fournies.

Au minimum, les banquiers auraient pu demander un justificatif pour ces frais d'établissement d'un montant anormalement élevé par rapport au prix des constructions. Aucun contrat n'a été présenté aux banques. Pourtant quand un particulier demande un financement de travaux, la banque demande la copie des factures de travaux. Les banques se sont basés sur l'acte notarié et c'est d'ailleurs pour cette raison que l'acte notarié avait inclut les frais d'achat dans le prix de vente. Mais cette inclusion est une grossière anomalie du dossier, repérable par tout professionnel digne de ce nom, et notamment un banquier.

La référence à la décision de la Commission départementale est fausse.

La commission a conclu en fait à la confirmation du caractère non déductible des dépenses en raison de l'absence de justificatif et d'une comptabilité défaillante. La commission indique en effet :

"Considérant que le service vérificateur ne conteste pas le fait que des prestations ont été rendues, mais l'ensemble des constatations effectuées (absence de contrat, factures justificatives produites non retrouvées dans la comptabilité de la société émettrice, absence de flux financier et absence de comptabilisation au crédit des comptes fournisseurs ouverts au nom des prestataires, mais comptabilisation au crédit du compte fournisseur ouvert au nom du vendeur) entraîne le rejet de la déductibilité des frais figurant sur un simple acte notarié ;
Considérant que la corrélation entre les écritures comptables et les documents présentés au cours du contrôle n'est pas clairement définie ; que la réalité de prestations est incontestable, sans pouvoir déterminer quel en est le bénéficiaire, que la Commission, à défaut d'élément plus précis apporté par la société ou son représentant, n'est pas en mesure d'apprécier un quantum de frais, même s'ils sont, au moins en partie, vraisemblables ;
La Commission émet l'avis de confirmer les redressements notifiés. "

Revenons au texte du jugement :

Il convient également de relever que le financement du prix total d'acquisition, TVA comprise, n'était pas en soi fautif, d'autant qu'il s'agissait d'une opération sans apport de fonds personnels, et que la récupération de cette TVA était intégrée dans le schéma comme une rentrée de trésorerie, au même titre que les loyers, devant servir à rembourser les mensualités du prêt.

Autrement dit pour le tribunal, il est normal qu'un banquier finance un prêt supérieur au besoin réel de financement puisque l'excédent prêté sert à financer les premières échéances. Le banquier prête plus pour permettre à l'emprunteur de rembourser !

Je pense que c'est le passage le plus étonnant du jugement.

Faut-il rappeler qu'en prêtant plus d'argent que nécessaire à l'achat, le banquier majore surtout ses recettes. Plus grave, en agissant ainsi, il donne à l'emprunteur l'illusion que le prêt est facilement remboursable au début puisque les premières échéances du prêt peuvent être payées par l'excédent du prêt. Autrement dit, le banquier participe sciemment à un schéma de cavalerie financière.

Il y avait dans le dossier une lettre du 1er octobre 2002 par lequel le CREDIT AGRICOLE faisait l'offre de prêt et reconnaissait implicitement le caractère dangereux au plan fiscal du financement TTC, avec un risque de remise en cause de la déduction des intérêts correspondant à cette partie du prêt :

"Le financement ayant été constitué Toutes Taxes comprises, il conviendra d'opérer la réintégration fiscale de la quote-part des intérêts correspondants au financement de la TVA, à compter de la date de restitution."

Le CREDIT AGRICOLE prévient l'emprunteur que le financement de la TVA risque d'être considéré par les services fiscaux comme une dépense inutile et donc non déductible fiscalement pour la société. Cela démontre que le CREDIT AGRICOLE est pleinement conscient du caractère inutile de ce financement, que la banque a fait une étude globale du schéma, et qu'elle l'a bien de facto validé. Pourtant la banque n'évoque pas par la même occasion les risques du LMP en VEFA et les risques liés au caractère excessif et non documenté des frais d'ingénierie.

Le Crédit Agricole ayant stipulé, dans l'acte de prêt, le nantissement à son profit d'un compte OPCVM ouvert avant la réalisation du prêt sur lequel devait être placé le montant de la TVA au moment de sa récupération, pour le compte de la société DUPONT PATRIMOINE, les demandeurs ne sont pas fondés à soutenir qu'ils ont été privés de la possibilité de rembourser le capital par anticipation.

Le fait de placer les fonds sur un produit nanti correspondant à la TVA interdit au contraire qu'ils soient disponible pour rembourser le prêt. Par ailleurs, c'était à la banque d'éviter le financement de la TVA, c'était son rôle de professionnel en tant que prêteur d'éviter de faire un prêt inutile.

Cette question du nantissement est hors sujet. La banque a imposé un placement des fonds prêtés en excédent pour mieux garantir le remboursement du prêt. Cela peut être considéré comme prudent mais cela démontre surtout l'inutilité du prêt à hauteur du montant placé en garanti. Cela démontre si besoin est que la banque avait pleinement conscience du caractère inutile du prêt à hauteur de la TVA.

Les demandeurs dénoncent également le fait que les banques aient accepté de financer le prix d'acquisition à 100 % sans qu'il y ait d'apport personnel, par un prêt à taux variable, et qu'il ait été stipulé des échéances bancaires représentant plus du double des recettes nettes locatives.

Sur ces points il sera observé que Monsieur DUPONT a coché la case “emprunt à taux variable” dans les demandes qu'il a signées et approuvées, qu'il s'agissait d'un taux variable à la hausse comme à la baisse dont les critères et modalités de calcul étaient précisément détaillées dans l'acte de prêt, les demandeurs ne démontrant pas qu'il y aurait des risques supplémentaires résultant du recours à un tel prêt pour le financement d'un produit LMP.

Pour reprocher aux banques d'avoir consenti des prêts s'élevant à plus du tiers des revenus de l'emprunteur, les demandeurs admettent qu'ils ont apporté des corrections aux chiffres mentionnés par celles-ci dans leurs propres calculs, et ce sur deux points importants :

- au lieu de faire le calcul sur l'année 2001, ils ont effectué une moyenne avec les revenus des autres années, et ont extournés les revenus exceptionnels de Monsieur DUPONT (prime et stock option) ;

- ils ont également fait un calcul global pour l'ensemble des prêts souscrits par l'emprunteur.

Ils en déduisent qu'en calculant le taux d'endettement sur les revenus courants, même pour chaque prêt et non pas globalement, c'est-à-dire dans l'hypothèse la plus favorable, celui-ci s'élève à 76 % et 87 %.

Il sera observé que dans une demande de prêt signée de Monsieur DUPONT et portant la mention manuscrite lu et approuvé celui-ci avait indiqué qu'en fonction des renseignements qu'il avait fournis, son taux d'endettement était de 27 %.

C'est une remarque juste. M. DUPONT a signé un document inexact si on considère l'ensemble de l'opération.

En effet, il y avait eu deux ventes en deux lots avec une banque différente pour chaque lot. Le calcul de l'endettement correct aurait dû se faire en prenant en compte l'achat des deux lots. Or sur la demande de prêt signé par l'emprunteur pour chaque lot, il n'était évoqué que les prêts antérieurs à l'opération, en excluant le prêt relatif à l'autre lot.

L'emprunteur était d'une parfaite bonne foi car pour lui, il faisait une seule opération d'investissement.

C'était le mandataire des deux banques qui a préparé le document et qui l'a fait signer à l'investisseur sans lui donner la moindre explication. Or ce mandataire connaissait précisément l'endettement réel de M. DUPONT. C'est donc en fait chaque banque, par son mandataire, qui a préparé un faux document. M. DUPONT n'étant pas un professionnel, il n'avait pas conscience du caractère erroné du taux d'endettement mentionné. Il a encore moins l'idée de cumuler tous les endettements puisque dans son esprit, il ne réalise qu'une seule opération. Par ailleurs, au moment où il achète les appartements, il ne peut pas lui venir à l'idée que le mandataire des banquiers, qui intervient dans les locaux du CABINET G, peut participer à une fraude financière. Le notaire joue aussi un rôle décisif dans cette fraude financière puisqu'il a rédigé deux actes de vente et deux actes de prêt, sans jamais faire état de l'opération dans son ensemble.

Au vu des éléments du dossier, les corrections apportées par les demandeurs ne sont pas fondées, dans la mesure où il est constant que Monsieur DUPONT a décidé de recourir à ce placement précisément pour investir les revenus perçus sous forme de prime et de stock option et réduire le montant de ses impôts, et qu'il est constant que notamment le remboursement de TVA devait servir à assurer le remboursement de ses emprunts, lui assurant à cet effet une trésorerie devant couvrir deux années d'échéance.

Le tribunal énonce des arguments absurdes et sans aucun lien.

Le financement inutile de la TVA devient un argument pour justifier un taux d'endettement excessif. Le tribunal semble même valider le schéma de cavalerie financière consistant à permettre le paiement d'avance des premières échéances du prêt grâce à au montant excessif du prêt.

Par ailleurs, l'argument selon lequel il faut exclure les revenus exceptionnels (prime et stock option) du calcul du taux d'endettement parce que l'investissement a été fait précisément pour investir ces revenus et les défiscaliser est absurde. Il faut rappeler que le taux d'endettement sert à mesurer la capacité de remboursement du prêt et donc nécessairement la capacité probable, sur le long terme, pour l'emprunteur à faire face aux échéances du prêt. Par hypothèse, les revenus exceptionnels ne se renouvellent pas tous les ans et il n'est pas sérieux de les prendre en compte dans le calcul du taux d'endettement.

Aucune faute n'était caractérisée à l'encontre des banques, l'eurl DUPONT et Monsieur DUPONT seront déboutés de l'intégralité de leurs demandes contre le Crédit Agricole du Centre Loire et contre la Caisse de Crédit Mutuel de Saulieu.

b) Sur la responsabilité du notaire

Les demandeurs soulignent l'importance du devoir de conseil qui pèse sur le notaire en présence de clients inexpérimentés et dépourvus de connaissances juridiques, y compris si les actes ont été négociés en amont sans sa participation. Ils font valoir que ce devoir de conseil impose au notaire d'informer ses clients sur la portée générale et le danger global de l'opération, incluant l'aspect fiscal de l'opération et reprochent principalement au notaire de ne pas les avoir avertis des risques qui pesaient sur le schéma de défiscalisation auquel ils souhaitaient adhérer, s'agissant d'un achat sous le régime du loueur de meublé professionnel en la forme d'une vente en l'état futur d'achèvement.

Sur ce point, on ne saurait reprocher au notaire de ne pas avoir attiré l'attention des demandeurs sur une incertitude qui a été révélée alors que l'un des actes de vente était déjà dressé et que l'opération avait été mise en place depuis plusieurs mois par un professionnel plus spécialisé que lui en matière de produit défiscalisé.

Le fait que l'opération ait été mise en place préalablement aux signatures des actes n'est pas un argument pour dédouaner le notaire. C'est hors sujet. Le notaire a le temps de préparer ses actes et de conseiller ses clients et il n'est pas sensé découvrir l'opération le jour de leur signature.

De plus, le tribunal oublie d'appliquer le principe de la responsabilité alourdie pour le notaire habituel du promoteur, principe pourtant reconnu par la jurisprudence justement dans un dossier de défiscalisation (Cass. civ. 30 septembre 2008, n° 06-21.183).

Enfin, le tribunal commet une erreur de droit en invoquant le fait que les investisseurs étaient assistés par un professionnel pour les conseiller au plan fiscal, pour justifier leur mise hors de cause. Il est en effet de jurisprudence constante (Cass. civ. 12 décembre 1995, n° 93-18.753 93-19.460 Bull. 1995 I n° 459 p. 320) qu'un notaire ne peut se décharger de sa responsabilité en invoquant la présence d'autres conseils auprès de son client.

Le défaut d'indépendance de Me P, à l'époque membre de la SCP de P, et donc sa participation volontaire en pleine connaissance de cause à l'arnaque dénoncée par les demandeurs n'est pas non plus démontrée.

Les divers griefs retenus à son encontre (montant des honoraires et frais d'établissement, frais d'acte, nombre d'actes dressés) ne sont pas opérants dès lors qu'il n'appartenait pas au notaire d'apprécier la pertinence de l'opération d'investissement choisie par les demandeurs, et qu'il ne résultait pas de l'acte lui-même des irrégularités ou des incertitudes de nature à entacher son efficacité.

Il sera rappelé, pour ce qui est des frais d'établissement, que le redressement opéré par l'administration fiscale est lié à un défaut de cohérence entre les documents présentés et les écritures comptables des sociétés bénéficiaires (sociétés du groupe G), la réalité des prestations fournies n'étant pas contestée, contrôle qui à l'évidence ne relevait pas des obligations du notaire.

Les demandeurs ne sont pas davantage fondés à lui reprocher d'avoir accepté d'établir deux actes pour une même opération alors qu'il n'est pas démontré que le notaire ait participé, d'une façon quelconque, à l'élaboration et à la diffusion du produit G, ni que lors de la signature du premier acte le 8 novembre 2002, il savait qu'il aurait à en dresser un second un mois plus tard.

Il a été démontré que le notaire était le notaire habituel du groupe G. De plus il n'est pas très sérieux de dire qu'il ne pouvait pas savoir, lors de la signature du premier acte, qu'il devrait signer un mois plus tard, un deuxième acte ! Les notaires ne rédigent pas les actes au jour le jour, un délai d'un mois est un minimum pour le préparer.

Enfin n'est pas davantage opérant l'argument déjà examiné précédemment selon lequel du fait d'actes dressés au profit d'autres acquéreurs pour la réalisation du schéma G, le notaire “savait ou aurait dû savoir” que les rentabilités locatives escomptées étaient artificielles, les difficultés de l'exploitant de la résidence étant apparues longtemps après la signature des actes, et le notaire n'ayant pas à contrôler la rentabilité de l'opération sous-tendant les actes de vente dressés, dès lors qu'il n'apparaissait pas d'irrégularité susceptible d'affecter leur efficacité.

Il est vrai que le notaire n'est pas en charge du contrôle du caractère économiquement fondé d'un investissement.

Mais l'obligation d'information du notaire ne se cantonne pas aux risques juridiques mais recouvre également l'opportunité économique de l'opération (Cass. 1ère civ. 7 novembre 2000 n° 96-21.732).

Sa responsabilité peut être engagée si l'acte révèle des anomalies flagrantes, notamment au plan fiscal, le LMP en VEFA et l'absence de justificatifs aux frais déductibles, par ailleurs anormalement inclus dans le prix d'achat, ce qui est comptablement contradictoire avec leur déduction.

Sur le plan strictement économique, le caractère excessif des frais est flagrant et aurait dû l'alerter.

De plus, le notaire est directement responsable de ne pas avoir vérifié que le cabinet G n'avait pas la carte d'agent immobilier alors pourtant que ses honoraires sont mentionnés dans l'acte. Cet argument est omis par Le tribunal.

De même Le tribunal omet de prendre en compte un argument qui avait pourtant été soulevé et qui était la question des lots techniques prévus dans le règlement de copropriété comme devant revenir au promoteur et non aux acheteur des lots de copropriété. Il s'agit pourtant d'une tromperie classique des résidences hôtelières et le notaire avait rédigé le règlement de copropriété pour le compte du promoteur. Au cas d'espèce, cette question avait gêné l'exploitation de la résidence suite à la faillite de l'exploitant initial et la reprise de la gestion par les copropriétaires.

Enfin, le tribunal omet de répondre aux arguments sur l'implication directe du notaire dans le schéma et notamment sur le fait qu'il a anormalement inclus les honoraires contestés dans le prix de vente pour permettre leur financement bancaire et qu'il a participé à la division de l'opération en deux actes distincts pour camoufler le taux d'endettement réel de l'investisseur.

En conséquence, les demandeurs seront également déboutés de leurs demandes contre le notaire.

c) Sur la responsabilité de l'expert-comptable :

Il n'est pas sans intérêt de relever que dans leurs écritures les demandeurs concluent concernant la responsabilité d'O FIDUCIAIRE, et dans le but d'échapper à la prescription de l'action opposée par ce défendeur et son assureur que “l'arnaque économique du package n'était pas flagrante au moment du projet de rectification fiscale émis en 2004" et que “sur le plan fiscal, avant l'arrêt du Conseil d'Etat du 19 mars 2010 et le règlement d'ensemble intervenu le 28 février 2011 le sinistre n'était pas encore confirmé” , ce qui conforte, si besoin était, l'absence de manquement à leur devoir de conseil et de mise en garde des banques et du notaire intervenus au cours du quatrième trimestre 2002, dès lors que leur collusion avec le groupe G n'est aucunement démontrée.

Le tribunal fait une confusion entre le caractère flagrant de la tromperie pour la victime et pour les auteurs.

Les auteurs du package avaient évidemment connaissance de l'arnaque dès le départ mais M. DUPONT n'a pris conscience de l'arnaque que bien plus tard. Il découvre la tromperie fiscale au moment du rappel ou plutôt quand il rencontre enfin un avocat indépendant, car, auparavant, c'est l'expert-comptable qui se charge de le rassurer en lui indiquant que tout va s'arranger. De même, après la réception de la proposition de rectification, c'est Me M, l'avocat mandaté par l'expert-comptable, qui prend le relai pour le rassurer et pour faire gagner du temps à G.

En conséquence, il n'y a pas lieu d'invoquer le fait que M. DUPONT n'a compris l'étendue du sinistre que tardivement pour dédouaner les auteurs de la tromperie.

Les demandeurs soutiennent sur le fond que toutes les fautes reprochées aux autres défendeurs, de nature fiscale comme de nature économique, sont directement imputables à O FIDUCIAIRE, pour la principale raison que ce cabinet s'occupait également de la comptabilité des sociétés du groupe G , et “qu'il avait accès à tous les documents pour prendre conscience des erreurs et des fautes de Monsieur G en tant que gérant des sociétés du groupe

Outre que les demandeurs posent toujours comme acquise une « arnaque » qui n'est pas objectivement démontrée, une telle argumentation ne saurait à l'évidence être considérée comme une preuve suffisante et objective de la connaissance des vices, ou du moins des risques importants du produit de défiscalisation proposé par ce cabinet spécialisé.

Pas plus à l'égard de cette partie défenderesse que des autres la participation à la conception et à la diffusion d'un produit financier sciemment et volontairement élaboré pour tromper les souscripteurs n'est démontrée.

Il convient de rechercher uniquement si cet expert-comptable a commis des fautes dans la réalisation des missions que les demandeurs lui ont confiées et s'il en est résulté un préjudice pour ces derniers.

C'est à juste titre que la société O FIDUCIAIRE fait valoir que sa responsabilité doit être appréciée dans le seul cadre de sa mission qui était strictement comptable et qu'elle n'était en aucun cas tenue de porter une appréciation sur l'économie de l'opération ayant abouti à la création de l'EURL DUPONT PATRIMOINE.

Ce dernier point est contestable. La mission d'un expert-comptable inclut nécessairement un conseil économique et financier, ou au moins un devoir d'alerte sur ces points.

Les experts-comptables sont des professionnels qui ont une obligation de diligence et un devoir de fiabilité ; qu'ils sont également soumis, à l'égard de leurs clients, à un devoir général d'information et de conseil et à un devoir de mise en garde ou de réserves (en ce sens CA Paris 15 juin 2010 n° 09-11555)

Le risque de redressement fiscal lié au régime juridique de l'opération n'étant pas caractérisé lorsque le cabinet O a procédé à la déduction immédiate des frais d'établissement sur l'exercice 2002 et non à un étalement de ces frais sur cinq ans, ce grief ne saurait prospérer, d'autant qu'aucun préjudice n'est caractérisé de ce chef puisque ces frais ont bien été déduits dans le protocole transactionnel finalement conclu avec l'administration fiscale.

C'est un argument secondaire. Il est vrai que les frais ont été finalement déduits grâce au protocole. Mais il y a bien une faute sur ce point. Peu importe si ensuite, par un protocole transactionnel incluant nécessairement des contreparties réciproques, l'imputation a finalement été admise.

Les demandeurs reprochent également à O FIDUCIAIRE une série de fautes commises dans le cadre du contrôle fiscal, principalement celle de ne pas avoir présenté des justificatifs en temps utile, d'avoir remis des pièces présentant des anomalies apparentes amenant à douter de leur authenticité (numérotation suspecte et numéro de SIREN inexact, factures non présentes dans la comptabilité de la société qui les avait émises, en l'occurrence CAPITALISATION France), et de ne pas avoir été en mesure de transmettre les factures justificatives de la demande de remboursement de crédit de TVA.

Toutefois, il n'est ni allégué ni démontré d'irrégularité dans la tenue de la comptabilité de l'eurl DUPONT PATRIMOINE qui serait à l'origine du rejet de la demande de remboursement de crédit de TVA, étant rappelé que la réalité des prestations afférentes au montage de cet investissement qui apparaissaient dans les actes notariés, et qui n'avait pas à être contrôlée par l'expert-comptable, a finalement été reconnue par la Commission départementale des impôts et taxes.

La faute en définitive retenue à l'encontre de la société O FIDUCIAIRE dans le cadre du contrôle fiscal, consistant dans « une incapacité de produire, à première demande, des pièces justificatives et notamment des factures, qui a pu conduire les services fiscaux à penser que les factures présentées après plusieurs demandes étaient irrégulières, voire fictives » ne lui apparaît pas imputable, de sorte que les demandes dirigées contre ce défendeur apparaissent également mal fondées.

En fait de très nombreuses erreurs comptables étaient bien alléguées et ces erreurs comptables avaient abouti aux rappels en matière de TVA. Il est très étonnant d'invoquer la décision de la Commission départementale pour faire valider les travaux de l'expert-comptable alors que cette commission indique clairement que les rappels sont motivés par de nombreuses défaillances comptables (voir ci-avant).

Le rôle premier d'un expert-comptable est de passer les bonnes écritures comptables et sur la base de documents justificatifs. C'est ce qui a fait défaut. L'expert-comptable est allé jusqu'à valider des factures de prestataires qu'il savait fausses puisqu'elles ne se trouvaient pas dans la comptabilité de la société prestataire et qu'il était lui-même chargé d'établir la comptabilité de la société prestataire.

Même si, suite à la signature du protocole, la déduction des frais a été admise au niveau du résultat avec un report, le rappel de la TVA grevant les charges a bien été confirmé. Or ce rappel a pour motif les irrégularités comptables relevées notamment par la comptabilité. Sur ce point, et pour des faits similaires, la position du TGI de Versailles est contredite par celle de la cour d'appel de Paris déjà citée

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