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Défiscalisation

Démêlez les noeuds de la fiscalité
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Une décision récente du TGI de Créteil (14 mai 2012 n° 10/10211) mérite d'être signalée en matière de responsabilité de l'expert-comptable et du notaire dans un schéma de défiscalisation.

En l'espèce, un couple avait constitué deux sociétés afin d'acquérir des appartements dans des résidences hôtelières sous le régime fiscal de la location meublée professionnelle (LMP).

Deux études notariales ont été en charge des actes notariés pour l'acquisition des appartements.

Un cabinet d'expertise comptable s'est vu confier la comptabilité et les déclarations fiscales des deux sociétés.

Les deux sociétés ont fait l'objet d'un contrôle fiscal.

A l'issue de ce contrôle et après une transaction, les services fiscaux ont mis à la charge du couple des rappels d'impôt sur le revenu pour 32 712 euros et à la charge des sociétés des rappels de TVA pour 45 529 euros.

Les services fiscaux ont remis en cause la réalité de certaines prestations, faute de justificatifs sérieux.

Le couple et leurs deux sociétés ont intenté une action en justice contre l'expert-comptable et contre le notaire pour obtenir l'indemnisation du préjudice résultant du redressement fiscal.

Le juge n'a pas retenu la responsabilité du notaire. Il a en revanche condamné l'expert-comptable à rembourser au couple et à leurs sociétés l'intégralité des rappels fiscaux.

Cette décision a donné lieu à un appel.

Le TGI de Créteil me paraît avoir justement condamné le cabinet comptable. De plus, la détermination du préjudice indemnisable me paraît justifiée. En revanche, le refus de reconnaître la responsabilité du notaire est discutable et certains arguments évoqués sur ce point par le tribunal sont inexacts.

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Le rôle de la simulation

La cour de cassation vient de rendre une nouvelle décision importante en matière de défiscalisation (1ère civ. 8 mars 2012, n° 10-21239).

Il s'agit du cas d'une société qui avait vendu des panneaux solaires comme produit de défiscalisation.

L'acheteur a attaqué cette société en faisant valoir que l'avantage fiscal finalement obtenu était inférieur à celui qui été promis.

La société s'est défendue habilement en indiquant notamment qu'elle n'était pas un professionnel en matière fiscale et que les indications sur la fiscalité avaient été mentionnées par elle à titre indicatif dans "un calcul prévisionnel".

La cour de cassation écarte ces arguments.

Elle valide au contraire la décision du juge du fond qui avait constaté que la société venderesse avait donné une fausse information sur l'avantage fiscal et avait accordé une indemnisation.

En revanche, la décision du juge du fond est annulée parce qu'il n'a pas correctement évalué ce préjudice en procédant à une compensation entre les demandes de la société (facture impayée) et celles de son client.

La cour reconnait que l'avantage fiscal peut avoir été un élément déterminant du consentement de l'acheteur, et alors même que cet avantage fiscal était uniquement évoqué à titre indicatif.

La responsabilité du notaire

Lorsque le contribuable fait un investissement de défiscalisation immobilière et qu'il est victime d'une tromperie grossière, peut-il mettre en cause le notaire et l'attaquer en responsabilité ?

La réponse est généralement oui.

Le notaire est même souvent l'intervenant du package fiscal le plus facile à attaquer.

La première raison tient au fait que les notaires sont toujours solvables.

Alors que si le contribuable attaque le promoteur ou l'officine qui a vendu le produit, le risque est que, même si l'action en justice en justice lui donne gain de cause, le contribuable ne soit jamais payé car ces intervenants sont souvent insolvables ou mal assurés.

En revanche le notaire est toujours assuré. Et même si l'assurance ne peut pas jouer, le contribuable pourra se retourner contre la caisse de garantie des notaires.

La deuxième raison tient au fait que les juges sont très sévères à l'égard des notaires.

La responsabilité des banques

Les banques sont des entreprises qui ont deux activités principales : vendre des placements et vendre des crédits.

Dans ces deux activités, les établissements bancaires sont censés avoir une expertise de professionnel et, comme tout professionnel, elles devraient être tenues à une obligation de conseil vis-à-vis de leurs clients.

En pratique, les banques conseillent peu leurs clients, spécialement les particuliers qui sont pourtant ceux qui en ont le plus besoin.

Le personnel des banques, rémunéré à la commission, est financièrement encouragé à vendre des placements et des prêts, mais il n'a aucun intérêt à fournir des conseils en gestion patrimoniale. De toute façon, il en a rarement la compétence.

La plupart des schémas de défiscalisation sont financés par un emprunt bancaire. Or dans la quasi-totalité des cas, la banque finance le schéma sans même recevoir l'emprunteur, sans l'interroger sur son projet et sans vérifier si le schéma envisagé est raisonnable et s'inscrit dans une bonne politique de gestion patrimoniale.

Cette pratique généralisée des grandes banques de réseau risque de leur coûter très cher.

Les fonds de concours

Il s'agit d'une pratique en vigueur chez certains promoteurs qui vendent des immeubles destinés à la location, essentiellement dans le secteur des résidences de tourisme exploitée par un gestionnaire.

Dans le marché de l'immobilier de défiscalisation, les acheteurs ont bien du mal à se faire une idée de la valeur réelle du bien qu'ils achètent.

En fait pour appâter le client, les officines font miroiter un taux de rendement intéressant.

Et c'est vrai qu'un acheteur à qui on promet un loyer égal à 5 % de la valeur de son bien peut légitimement penser qu'il a fait un bon investissement.

La technique des fonds de concours permet de berner les investisseurs en leur faisant miroiter un taux de rendement artificiellement gonflé.

En pratique, le promoteur réserve une partie du prix de vente, appelé fonds de concours, qu'il reverse au gestionnaire chargé de gérer les biens à des tiers.

De cette manière le gestionnaire peut faire face, au moins pendant les premières années, à l'obligation d'avoir à payer les propriétaires en leur versant un loyer qui n'est pas cohérent avec la rentabilité réelle de la résidence.

En effet, dans ce genre de schéma, les appartements ont été vendus à un prix nettement plus élevé que le prix normal. Le loyer proposé est donc lui-aussi, mécaniquement au-dessus du prix normal par rapport à un loyer normal. Le gestionnaire se trouve donc en pratique dans l'impossibilité de le payer.

Les dangers de la défiscalisation

Il s'agit ici d'évoquer en synthèse les problèmes posés par les produits de défiscalisation vendus aux particuliers et de suggérer des précautions à prendre pour les investisseurs.

 

1 La défiscalisation est initiée par les lobbys

Les promoteurs immobiliers sont très puissants en France. Ils ont leurs entrées dans les ministères.

Certains politiciens sont directement liés aux promoteurs et aux établissements bancaires spécialisés dans le financement immobilier.

Cela explique l'importance des niches fiscales en matière immobilière.

Les lobbys expliquent que, sans les produits de défiscalisation, le marché immobilier s'effondrerait.

C'est globalement faux mais il est certain que, sans la défiscalisation immobilière, de nombreux promoteurs et officines devraient changer de métier.