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jeudi, 02 août 2012 11:32

L'abus de droit dans un apport-cession et une donation-vente

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Le Conseild d'Etat vient de rendre une décision très importante (27 juillet 2012 n° 327295) qui reprend pour le nouveau régime du sursis les principes déjà dégagés en matière d'apport-cession dans l'ancien dispositif du report.

Même avec le nouveau régime, l'apport-cession est un abus de droit si la société intercalaire n'a pas réinvesti les fonds dans une activité économique.

Par ailleurs, dans la même décision, le Conseil d'Etat valide également l'existence d'un autre abus de droit dans un schéma de donation-vente avec démembrement.

Pour les époux B. double médaille d'or dans la catégorie abus de droit.

Ci-joint la décision :

"1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. B était jusqu'au 13 mars 2000 président-directeur général et associé principal de la société Gerflo qui exploitait un supermarché à Léon, dans les Landes ; que parallèlement à la vérification de comptabilité dont la société Gerflo faisait l'objet, l'administration a effectué un contrôle sur pièces du dossier fiscal de M. et Mme B au titre de l'année 2000, à l'issue duquel elle a procédé à un rehaussement de l'impôt sur le revenu à raison d'une minoration d'une plus-value et de dissimulations de plus-values à l'occasion, d'une part, d'un acte de donation-partage en faveur des enfants du couple, d'autre part, d'un apport d'actions à une société que l'administration a considéré n'avoir d'autre objet que de permettre aux époux B d'éluder le paiement de l'impôt sur les plus-values de cession pour l'année en litige et qu'elle a dès lors regardé comme un montage constitutif d'un abus de droit au sens de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales ; que M. et Mme B ont saisi le tribunal administratif de Bordeaux qui, par un jugement du 8 février 2007, a rejeté leur demande tendant à la décharge des compléments d'impôt sur le revenu, de contribution sociale généralisée, de contribution pour le remboursement de la dette sociale et de prélèvement social de 2 % auxquels ils ont été assujettis au titre de l'année 2000 ; que M. et Mme B se pourvoient en cassation contre l'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux du 17 février 2009, en tant qu'il a confirmé le bien-fondé des redressements opérés sur le fondement des dispositions relatives à la répression des abus de droit, prévues à l'article L. 64 du livre des procédures fiscales ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction alors applicable : " Ne peuvent être opposés à l'administration des impôts les actes qui dissimulent la portée véritable d'un contrat ou d'une convention à l'aide de clauses : (...) / b. (...) qui déguisent soit une réalisation, soit un transfert de bénéfices ou de revenus (...) / L'administration est en droit de restituer son véritable caractère à l'opération litigieuse. En cas de désaccord sur les redressements notifiés sur le fondement du présent article, le litige est soumis, à la demande du contribuable, à l'avis du comité consultatif pour la répression des abus de droit. L'administration peut également soumettre le litige à l'avis du comité dont les avis rendus font l'objet d'un rapport annuel. / Si l'administration ne s'est pas conformée à l'avis du comité, elle doit apporter la preuve du bien-fondé du redressement " ; qu'il résulte de ces dispositions que, lorsque l'administration use de la faculté qu'elles lui confèrent dans des conditions telles que la charge de la preuve lui incombe, elle est fondée à écarter comme ne lui étant pas opposables certains actes passés par le contribuable, dès lors qu'elle établit que ces actes ont un caractère fictif, ou, que, recherchant le bénéfice d'une application littérale des textes à l'encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, ils n'ont pu être inspirés par aucun autre motif que celui d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que l'intéressé, s'il n'avait pas passé ces actes, aurait normalement supportées, eu égard à sa situation ou à ses activités réelles ;

Sur l'application de la procédure de répression des abus de droit dans le cadre du régime de sursis d'imposition prévu à l'article 150-0 B du code général des impôts :

3. Considérant qu'en vertu de l'article 150-0 B du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux impositions en cause, les règles d'imposition des gains nets retirés des cessions, à titre onéreux, de valeurs mobilières ne sont pas applicables, au titre de l'année de l'échange des titres, aux plus-values réalisées dans le cadre d'une opération d'offre publique, de fusion, de scission, d'absorption d'un fonds commun de placement par une société d'investissement à capital variable, de conversion, de division, ou de regroupement, réalisée conformément à la réglementation en vigueur ou d'un apport de titres à une société soumise à l'impôt sur les sociétés ; qu'il y est substitué, en vertu de l'article 150-0 D du même code, l'imposition de plein droit des plus-values effectivement réalisées l'année de la cession des titres reçus lors de l'échange ;

4. Considérant, en premier lieu, que lorsque l'administration entend remettre en cause les conséquences fiscales d'une opération qui s'est traduite, sur le fondement de ces dispositions, par un sursis d'imposition au motif que les actes passés par le contribuable ne lui sont pas opposables, elle est fondée à se prévaloir des dispositions de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales ; qu'en effet, une telle opération, dont l'intérêt fiscal est de ne pas soumettre à l'impôt, au titre de l'année de l'échange des titres, la plus-value réalisée, entre dans le champ d'application de cet article ; que si le régime de sursis d'imposition n'offre pas au contribuable le choix entre la taxation immédiate de la plus-value et son imposition ultérieure, contrairement au régime du report d'imposition auquel il s'est substitué, cette seule circonstance ne fait pas obstacle à l'application de la procédure de répression des abus de droit, dès lors que l'opération d'apport de titres à une société soumise à l'impôt sur les sociétés, dont l'intérêt fiscal est de différer l'imposition de la plus-value, a nécessairement pour effet de minorer l'assiette de l'année au titre de laquelle l'impôt est normalement dû à raison de la situation et des activités réelles du contribuable ; que, dès lors, en jugeant que l'administration pouvait faire usage des pouvoirs qu'elle tient des dispositions de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales pour remettre en cause le bénéfice du sursis d'imposition d'une plus-value de cession prévu à l'article 150-0 B du code général des impôts, la cour administrative d'appel de Bordeaux n'a pas commis d'erreur de droit ;

5. Considérant, en second lieu, que le bénéfice du sursis d'imposition d'une plus-value réalisée par un contribuable lors de l'apport de titres à une société qu'il contrôle et qui a été suivi de leur cession par cette société est constitutif d'un abus de droit s'il s'agit d'un montage ayant pour seule finalité de permettre au contribuable, en interposant une société, de disposer effectivement des liquidités obtenues lors de la cession de ces titres tout en restant détenteur des titres de la société reçus en échange lors de l'apport ; qu'il n'a en revanche pas ce caractère s'il ressort de l'ensemble de l'opération que cette société a, conformément à son objet, effectivement réinvesti le produit de ces cessions dans une activité économique ; qu'ainsi, après avoir relevé que l'administration apportait la preuve, d'une part, de l'absence d'intérêt de la SARL Financière Pleber à conserver pendant une durée réduite à une semaine des actions revendues ensuite pour leur valeur d'apport et, d'autre part, de l'absence de réinvestissement par la société du produit de la cession dans une activité économique, établissant ainsi que les fonds avaient été appréhendés et gérés dans le cadre d'une approche purement patrimoniale, la cour administrative d'appel de Bordeaux a pu, sans commettre d'erreur de qualification juridique, juger en l'espèce que ce montage était constitutif d'un abus de droit ;

Sur l'abus de droit relatif à la donation-partage :

6. Considérant qu'aux termes de l'article 578 du code civil : " L'usufruit est le droit de jouir des choses dont un autre a la propriété, comme le propriétaire lui-même, mais à la charge d'en conserver la substance " ;

7. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, le 28 février 2000, M. et Mme B ont fait une donation-partage de la nue-propriété avec réserve d'usufruit de 1497 titres qu'ils détenaient dans la société Gerflo à chacun de leurs deux fils ; que M. et Mme B ont cédé le lendemain la totalité des droits sur ces actions à la société Guyenne et Gascogne ; qu'eu égard aux conditions de paiement par cette société des droits attachés à la nue-propriété des titres, l'administration fiscale a estimé que M. et Mme B avaient en réalité continué à se comporter comme les véritables propriétaires des titres et que les actes de donation présentaient un caractère fictif ; que, dans l'arrêt attaqué, la cour administrative d'appel de Bordeaux a jugé que l'opération de donation-partage avec réserve d'usufruit n'avait pas donné lieu à l'exercice de leurs droits et prérogatives de nus-propriétaires par les enfants de M. et Mme B ;

8. Considérant qu'en jugeant, par une appréciation souveraine exempte de dénaturation, que l'administration relevait à bon droit qu'aucun élément ne révélait que les enfants de M. et Mme B auraient retrouvé la contre-valeur de la nue-propriété qui avait fait l'objet de l'acte de donation et établissait que, de ce fait, la donation avait un caractère fictif, la cour administrative d'appel de Bordeaux n'a entaché son arrêt ni d'erreur de droit ni d'erreur de qualification juridique des faits ;"

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