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Fiscalité du dirigeant d'entreprise

Démêlez les noeuds de la fiscalité
samedi, 23 août 2014 09:47

Le régime TVA et de taxe sur les salaires des holdings mixtes

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Le régime fiscal des holdings mixtes est devenu défavorable en matière de taxe sur les salaires et en matière de TVA, en raison de deux jurisprudences successives.

Les services fiscaux ont lancé une grande campagne de rappel visant ces holdings en se basant sur ces deux décisions et en les interprétant de façon très contestable.

Dans un premier temps, l'administration a procédé à de nombreux rappels de taxe sur les salaires. Puis, elle passe maintenant une deuxième couche, souvent en visant les mêmes sociétés, et cette fois en matière de TVA.

 

Rappel de la définition d'une holding mixte

Pour simplifier, il y a deux types de holdings. Les holdings pures et les holdings mixtes.

Les holdings pures n'ont pas d'autre activité que de détenir des participations dans d'autres sociétés. Leurs seules recettes sont les dividendes qu'elles reçoivent de leurs filiales et les plus-values qu'elles réalisent au moment de la vente de leur participation. Elles ne fournissent aucun service à leurs filiales. En général, leurs dirigeants ne sont pas rémunérés.

Les holdings mixtes réalisent en plus des services au profit de leurs filiales. Il s'agit généralement de fonctions techniques : par exemple gestion de la trésorerie, conseils de gestion, service de secrétariat juridique. Il peut également s'agir d'une fonction d'animation. Dans ce dernier cas, la holding est dite animatrice, ce qui permet à la holding de bénéficier de certains avantages fiscaux réservés aux sociétés exerçant une activité professionnelle.

Les holdings mixtes ont généralement des dirigeants ou des salariés rémunérés. Les prestations facturées aux filiales sont d'ailleurs en général calculées sur la base de ces rémunérations majorées d'un taux de marge.

Les holdings mixtes ont plusieurs types de recettes : les dividendes, les intérêts et les produits de placement, les honoraires pour leurs services.

Les dépenses des holdings mixtes sont leurs frais généraux, les rémunérations des dirigeants et ses salariés et des dépenses propres à leurs activités, par exemple des frais bancaires pour leurs placements ou des honoraires d'avocat pour certaines de leurs opérations.

 

La taxe sur les salaires

La taxe sur les salaires est calculée sur les salaires du personnel des entreprises qui ont plus de 10 % de leurs recettes sans TVA, ce qui est souvent le cas des holdings mixtes.

En matière de taxe sur les salaires, les holdings mixtes ont longtemps profité d'une certaine tranquillité. Elles invoquaient la doctrine administrative pour faire valoir que, grâce à la constitution de secteurs distincts, un secteur pour les services et un secteur financier, il était possible d'échapper à la taxe sur les salaires pour les rémunérations du personnel affecté au secteur des services puisque les recettes de ces services sont intégralement soumises à TVA.

Dans les petites holdings où le secteur financier se limite à l'encaissement des dividendes, il était même considéré que le secteur financier était totalement dépourvu de personnel, faute de diligence particulière à accomplir.

Cette position permettait d'éviter de payer la moindre taxe sur les salaires.

Mais l'administration a contesté cette position en faisant valoir que les dirigeants de la holding étaient nécessairement amenés à passer un temps minimum à s'occuper des participations, ne serait-ce qu'en participant aux assemblées générales des filiales. Or la participation, même infime, à l'activité financière rends les rémunérations des dirigeants des holdings passibles de la taxe sur les salaires.

Pour défendre cette position, l'administration peut s'appuyer sur la décision du Conseil d'Etat du 8 juin 2012 (n° 331848, 8e et 3e s.-s., Sté Sofic).

Le Conseil d'Etat a considéré que les fonctions des mandataires sociaux étaient en principe transversales et portaient, même de façon minime, sur la direction du secteur financier.

Il s'agit toutefois d'une présomption simple et les holdings mixtes qui veulent réduire le coût de la taxe sur les salaires ont intérêt à mettre en place un organigramme de direction précis où, si c'est possible, la fonction de direction générale de l'entreprise et la fonction de direction du secteur financier sont attribués à seulement certains dirigeants, excluant les autres. L'idéal est que les dirigeants en charge de ces fonctions soient bénévoles, ce qui évite tout paiement de taxe sur les salaires, sous réserve qu'aucun salarié ne soit affecté à des fonctions administratives générales qui portent nécessairement sur le secteur financier. Par exemple si la comptabilité de la holding est réalisée par un comptable d'entreprise, son salaire est nécessairement assujetti à la taxe sur les salaires puisque les opérations financières donnent lieu à comptabilisation.

Sinon comment faire pour éviter la taxe sur les salaires dans une holding ? C'est compliqué et cela mériterait de longues explications mais je propose quelques pistes en vrac : ne pas rémunérer les dirigeants de la holding mais les rémunérer dans la filiale, pour les gros groupes filialiser le centre de direction, pour les petites holdings choisir le statut de SARL avec gérant majoritaire, ...

 

La TVA

La question est de savoir si les holdings mixtes ont le droit de récupérer la TVA grevant leurs charges, sachant qu'elles représentent un véritable cas d'école avec des recettes hors du champ d'application de la TVA (plus-value, dividendes), des recettes dans le champ d'application mais exonérées (intérêts) et des recettes assujetties à TVA (rémunération des prestations).

Ce cas d'école met en lumière le côté délirant de la TVA.

La TVA est un impôt effroyablement complexe et, à ce jour, il existe une grande incertitude sur les règles relatives à la récupération de la TVA pour certaines entreprises, et notamment les holdings.

La TVA est un impôt régi par la réglementation européenne et, en dernier ressort, c'est le juge européen de la Cour de justice de l'Union Européenne qui a le dernier mot. Sauf que ce juge s'emmêle les pinceaux pour trouver des critères clairs. En pratique, c'est encore le flou général qui domine la matière.

Pour arranger les choses, les services fiscaux français ne font pas toujours dans la simplicité. Ou plutôt ils croient simplifier les choses en reformulant les problèmes dans un charabia qu'ils maitrisent très bien, mais qui n'est pas toujours d'une clarté aveuglante pour les simples contribuables qui n'ont pas tous eu la chance de faire des études supérieures en mathématiques.

Par exemple, pour déterminer le droit à récupération et pour tenir compte des diverses contraintes limitant ce droit à déduction, notre administration d'éminents polytechniciens énarques, grands adeptes des mathématiques, a instauré la nécessité de calculer, dépense par dépense, un coefficient de déduction et ce coefficient est lui-même calculé par la multiplication de trois sous-coefficients différents.

Le coefficient de déduction est égal à la multiplication du coefficient d'assujettissement, du coefficient de taxation et du coefficient d'admission.

En pratique, le coefficient d'admission est sans grand intérêt et ne concerne généralement pas les holdings mixtes, contrairement aux deux autres sous-coefficients.

S'agissant de ces deux sous-coefficients, la question posée est en gros toujours la même : la TVA grevant une dépense n'est récupérable que si la dépense est exclusivement utilisée pour réaliser des recettes assujetties à TVA mais, pour les dépenses mixtes, il faut déterminer un pourcentage d'utilisation.

Certaines dépenses sont directement liées à des recettes assujetties et pour elles, la récupération de TVA est intégrale. Par exemple, si une holding sous-traite à un tiers la réalisation des services techniques rendus aux filiales, la TVA grevant la facture du sous-traitant est récupérable en totalité sans discussion.

A l'inverse, si une dépense est intégralement engagée pour la réalisation d'une recette sans TVA, la récupération de la TVA est nécessairement nulle. Par exemple, la TVA grevant la prestation d'un conseil en gestion des placements n'est pas récupérable.

Mais la question qui se pose, c'est le droit à récupération sur les dépenses mixtes, c’est-à-dire pour l'essentiel la TVA grevant les frais généraux de la holding, le loyer, les honoraires de l'expert-comptable, de l'avocat qui réalise le secrétariat juridique, etc.

Le coefficient d'assujettissement

Le coefficient d'assujettissement sert à déterminer tout d'abord si une dépense doit être considérée comme affectée à des recettes hors du champ d'application de la TVA, c’est-à-dire en pratique à l'encaissement des dividendes provenant des participations.

Donc la question, pour simplifier, c'est : est-ce que les frais généraux sont utiles à l'encaissement des dividendes, est-ce que le loyer versé par la holding mixte est utile pour permettre à la holding d'encaisser les dividendes ? Cette question se rapproche fortement du débat déjà évoqué en matière de taxe sur les salaires avec la question de savoir si les dirigeants de la holding passent du temps pour gérer l'encaissement des dividendes des participations.

Selon l'article 206 II de l'annexe II au CGI : "Le coefficient d'assujettissement d'un bien ou d'un service est égal à sa proportion d'utilisation pour la réalisation d'opérations imposables."

Certes, mais comment déterminer un coefficient d'utilisation des moyens de l'entreprise pour encaisser des dividendes : quels critères concrets peut-on utiliser ?

Dans ce genre de situation, en cas de contrôle fiscal, l'administration considère que le seul coefficient valable est le rapport entre les recettes dans le champ sur la totalité des recettes. Ainsi, par exemple, si une année, une holding reçoit 100 K€ de dividendes et 300 K€ d'honoraires de prestations, son coefficient d'assujettissement serait de 300/400 soit 75 %. L'année suivante, si la société n'a pas reçu de dividendes, son coefficient d'assujettissement serait de 100 %.

Cette position me paraît très critiquable car elle aboutit à relier artificiellement le niveau d'utilisation des frais généraux au montant encaissé des dividendes, qui peut être très variable d'une année sur l'autre.

Mais surtout cette position aboutit à calculer un coefficient d'utilisation délirant. En pratique, une holding mixte consacre généralement très peu de ses frais généraux à l'activité financière d'encaissement de dividendes. Pour encaisser des dividendes, il suffit au dirigeant de réfléchir 10 minutes pour déterminer sa position lors de l'AG de la filiale et de fixer le montant des dividendes à distribuer. Ensuite, l'encaissement donne lieu à un virement et à sa comptabilisation dans les comptes de la holding, soit juste deux écritures comptables sur des milliers.

Pour s'opposer à la théorie délirante des services fiscaux, les sociétés doivent organiser par exemple un système cohérent de mesure précis du temps passé par le dirigeant pour participer aux AG des filiales. Cette stratégie peut être engagée en liaison avec celle fixant précisément les fonctions de chaque dirigeant et salarié pour assurer cette fonction d'encaissement des dividendes et éventuellement des autres opérations financières dans le champ (intérêts et produits de placement).

Dans la décision GINGER de la Cour administrative d'appel de Paris du 4 juillet 2013 (n° 12PA02858, 9e ch), les juges ont évoqué la question du calcul du coefficient d'assujettissement d'une holding :

"La société Ginger est une société holding qui perçoit des recettes provenant, d'une part, des prestations d'assistance rendues à ses filiales ainsi que des prestations d'ingénierie fournies à ses clients, entrant dans le champ de la taxe sur la valeur ajoutée, et, d'autre part, des dividendes versées par ses filiales, placées hors du champ de ladite taxe ; que la société requérante n'ayant pas procédé préalablement à l'affectation de ses dépenses en fonction de leur utilisation, totale ou partielle, pour la réalisation de ses activités situées dans le champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée et pour la réalisation de celles situées hors du champ de cette taxe, il lui appartient de justifier d'une clé de répartition reflétant objectivement la part d'affectation réelle des dépenses en amont à chacune de ces deux activités ; qu'en se bornant à faire valoir que deux personnes seulement se consacrent une semaine par an à son activité de perception de dividendes et que seul 0,1 % de ses dépenses est affecté aux besoins de ses opérations placées hors du champ de la taxe sur la valeur ajoutée, elle ne critique pas utilement le pourcentage retenu par l'administration qui pourrait être imputé sur cette partie de son activité."

Dans cette décision, les juges exigent que la société établisse une clé de répartition reflétant l'affectation de ces dépenses en fonction de leur utilisation pour des opérations soumises ou non à TVA.

Ils rejettent la clé de répartition retenue par la société GINGER en considérant qu'elle ne reflète pas "la part d'affectation réelle des dépenses en amont à chacune de ces deux activité".

Il semble que la société n'avait pas très sérieusement et préalablement correctement justifié le calcul de son coefficient d'utilisation basé sur le temps passé par les dirigeants. Il faudra attendre d'autres décisions, en espérant que les juges acceptent de prendre en compte un coefficient plus réaliste que celui calculé sur la base du rapport des recettes.

Mais dans un arrêt du 20 mai 2016 (n° 371940) portant sur le même dossier GINGER, le Conseil d'Etat a changé d'avis et considère désormais qu'une holding qui participe à la gestion de toutes ses filiales a un droit de récupération intégrale de la TVA grevant ses frais généraux.

Donc si la holding est active en rendant des services substanciels à ses filiales, avec une immiction directe ou indirecte dans la gestion des filiales, elle peut considérer que son coefficient d'assujettissement est de 100 % pour tous ses frais généraux car il est alors considéré que ces frais généraux sont des éléments constitutifs du prix des services qu'elle fournit à ses filiales.

Dans le cas d'une holding pure, faute de service, le droit à déduction est toujours nul.

La question pourrait être de savoir quelle doit être l'importance des services pour bénéficier de ce régime de holding avec immiction. Il faut une participation à la gestion. Donc les services doivent être significatifs et ne doivent pas se limiter à de simples services de nature technique. Il faut que ces services portent au minimum sur la gestion générale.

Mais il se pose alors une question de fiscalité directe car, en principe, une holding ne doit pas se faire rémunérer pour assurer des fonctions de gestion déjà réalisées par les mandataires sociaux de la filiale, sinon il y a un double-emploi. Ce serait même un abus de bien social.

Selon moi, et contrairement à ce que pensent certains auteurs et certains agents des impôts, il est possible d'assurer des fonctions d'assistance à la gestion qui viennent compléter l'activité des mandataires sociaux. Encore faut-il par précaution le préciser dans la convention d'assistance.

En pratique, par sécurité, il vaut mieux que la holding soit une holding animatrice, c'est-à-dire qu'elle contrôle la filiale et dirige sa stratégie dans le cadre du groupe.

En dehors du cas où la holding est la dirigeante statutaire de la filiale, ce qui est possible si la filiale est une SAS, il faut convenir d'une convention d'animation qui précise que la holding intervient dans le fonctionnement de la filiale pour imposer ses choix stratégiques.

Le coefficient de taxation

En principe, ce coefficient se calcule sur la base du rapport entre les recettes assujetties à TVA sur le total des recettes dans le champ (ce qui exclut les dividendes).

Quand une holding mixte n'a pas de recettes exonérées (intérêts, produits de placement), ce coefficient est égal à un (ce qui équivaut à 100 %), donc tout va bien.

Mais si une holding a beaucoup de recettes financières exonérées, ce coefficient peut être inférieur à l'unité et générer des pertes de droit à récupération de TVA sur ses frais généraux.

La loi prévoit toutefois l'exclusion des opérations financières accessoires :

" (…) il est fait abstraction du montant du chiffre d'affaires afférent au produit des opérations immobilières et financières accessoires exonérées de la taxe sur la valeur ajoutée. Sont considérées comme accessoires les opérations qui présentent un lien avec l'activité principale de l'entreprise et dont la réalisation nécessite une utilisation limitée au maximum à 10 % des biens et des services grevés de taxe sur la valeur ajoutée qu'elle a acquis. Ce pourcentage est apprécié en fonction de la proportion d'utilisation pour ces opérations de chaque bien et service grevé de taxe sur la valeur ajoutée. Cette proportion est appliquée à la valeur d'acquisition par le redevable de chacun de ces biens et services pour déterminer leur valeur d'utilisation. Le pourcentage résulte du rapport entre, au numérateur, la somme des valeurs d'utilisation ainsi déterminées et, au dénominateur, le montant total de la valeur d'acquisition de ces biens et services."

Et là, il y a à nouveau le critère de l'utilisation qui entre en ligne de compte car il est admis que les opérations financières ont un lien avec l'activité principale de holding.

La loi prévoit d'utiliser un nouveau coefficient (encore un) exclusivement destiné à mesurer le degré d'utilisation de ses dépenses pour l'activité financière.

Il faut d'abord déterminer pour chaque dépense, sa proportion d'utilisation aux services financiers. Ensuite il faut ajouter toutes ses valeurs d'utilisation et faire le rapport entre ses valeurs d'utilisation sur la valeur totale des dépenses de l'entreprise.

Encore un calcul, spécial délire TVA, qui fait le bonheur des fiscalistes.

Si ce rapport est inférieur à 10 %, les recettes financières accessoires sont exclues du calcul et le coefficient de taxation est égal à l'unité, et donc tout va bien.

En principe, pour les holdings mixtes, il devrait être facile de démontrer que les dépenses de l'entreprise sont utilisées à moins de 10 % pour générer les recettes financières accessoires car ces recettes financières génèrent peu de dépenses.

En fait, ce n'est pas si évident car, en cas de contrôle, les services fiscaux appliquent une règle très contestable énoncée seulement par la doctrine administrative.

En effet, selon la doctrine administrative, pour calculer le taux d'utilisation des dépenses de l'entreprise affecté à l'activité financière, il faut exclure les frais généraux du calcul.

Cette exclusion est selon moi illégale dans le cas des holdings. Elle est manifestement contraire à l'esprit du texte légal. En effet, l'esprit du texte est d'exclure le caractère accessoire de l'activité financière si cette l'exercice de cette activité suppose d'utiliser de façon significative les moyens de l'entreprise assujettis à TVA.

Mais, dans le cas d'une holding animatrice, ces moyens sont principalement constitués par les frais généraux.

Exclure les frais généraux du calcul aboutit en pratique à exclure du raisonnement la presque totalité des moyens de l'entreprise grevés de TVA.

Ainsi, si la holding mixte a engagé quelques dépenses pour son activité financière, des commissions bancaires par exemple, l'administration peut conclure que l'activité financière n'est pas accessoire, de manière très artificielle.

L'administration remet en cause le droit à déduction de la TVA grevant les frais généraux, présentés comme des dépenses mixtes, par un raisonnement qui exclut ces mêmes frais généraux du calcul de l'utilisation des dépenses de l'entreprise.

En pratique, les calculs donnent des résultats absurdes, et même impossible à calculer !

Imaginons une holding qui l'année 2014 a payé des frais bancaires sur ses placement mais n'a eu aucun frais en 2013.

Sur 2013, en l'absence de toute dépense assujettie à TVA autres que les frais généraux, il faut calculer le rapport entre 0 et 0 (0/0).

Or, mathématiquement, la division de n'importe quel chiffre par 0 est impossible.

Pour l'anecdote, j'ai eu un client qui a subi un rappel et l'administration a affirmé que le résultat du rapport 0/0 était 0. C'était favorable au contribuable puisque que 0 est inférieur à 10 %, mais quand même délirant. Et j'ai indiqué à l'administration qu'il y avait des limites à la notion de l'autonomie du droit fiscal (notion selon leque le droit fiscal peut forger ses propres concepts juridiques et n'est pas tenu de respecter les définitions juridiques retenues dans les autres droit).

Sur 2014, à l'inverse, le ratio est de 100 % puisque, selon l'administration, les seules dépenses existantes, hors les frais généraux, sont des dépenses exclusivement utilisées pour les recettes financières.

Autrement dit, au titre de 2014, d'après le savant calcul des services fiscaux, les biens et services achetés par la société et grevés de TVA ont exclusivement servi à la réalisation des recettes financières. Ce qui est grossièrement faux.

Pour vérifier si l'activité financière a donné lieu à une utilisation significative des moyens de la société grevés de TVA, il convient plutôt d'utiliser un critère de "nature à traduire au mieux cette utilisation".

Dans le cas d'une holding mixte, par analogie avec les observations retenues en matière de calcul du coefficient d'assujettissement, le seul moyen sérieux de calcul du ratio est celui prenant en compte le temps passé par le personnel de la société aux activités financières.

Le plus souvent, ce temps est nul ou négligeable puisqu'aucune personne de la société n'est chargée de la gestion financière. Là encore, il est judicieux pour la holding mixte de conserver la preuve du temps passé par ses dirigeants à gérer l'activité financière.

Une autre solution pratique consiste pour la holding à ne jamais engager de dépenses pour l'encaissement des recettes financières et/ou à engager quelques dépenses pour la réalisation des prestations assujetties à TVA. De cette façon, en application de la position des services fiscaux, le rapport d'utilisation des dépenses de l'entreprise est inférieur à 10 % et le coefficient de taxation est donc de 1.

La récupération de la TVA grevant les frais d'acquisition de la filiale

Lorsqu'une holding est créée pour racheter les titres d'une filiale, la question se pose de savoir si la TVA grevant les frais d'acquisition est récupérable pour cette holding.

L'enjeu est important car dans de nombreux schémas de reprise, la holding doit payer des honoraires élevés, par exemple ceux du cabinet d'audit en charge de contrôler la société rachetée.

Pour que la TVA grevant ces dépenses de rachat soit récupérée, il est d'abord impératif que la holding soit bien une holding mixte qui fournit des prestations taxables à sa filiale et ce dès le premier exercice, c'est-à-dire l'exercice du rachat de la filiale.

Idéalement, il faudrait que, au cours de ce premier exercice, la holding ait pour seule recette les prestations faturées à la holding, en évitant de percevoir des recettes sans TVA, c'est-à-dire des dividendes ou des recettes financières.

Sinon, il faudrait appliquer un coefficient de déduction calculé comme pour les frais généraux, avec un coefficient d'assujettissement et un coefficient de taxation.

Toutefois, à ce jour, l'administration a publié une position admettant expressément la récupération intégrale de la TVA, pour les opérations en capital, ce qui inclut les rachat de titres de participation :

"Un assujetti est amené à supporter des dépenses pour la réalisation de ses opérations en capital (introduction en bourse, augmentation de capital, prise de participation s'accompagnant ou non, d'une immixtion dans la gestion de l'entreprise, fusion, scission, apport d'une universalité totale ou partielle).

Les dépenses en question sont engagées pour assurer, au moyen de sources de financement diversifiées, la croissance de l'entreprise et, partant, pour la pérenniser.

En d'autres termes, leurs coûts peuvent être regardés comme étant inhérents au fonctionnement de l'entreprise.

Les dites dépenses entretiennent donc un lien direct et immédiat avec l'ensemble de l'activité économique de l'entreprise qui les supporte, à défaut de présenter un tel lien avec une ou plusieurs opérations particulières ouvrant droit à déduction de la TVA.

Dès lors, il y a lieu de considérer que ces dépenses font partie des frais généraux de l'entreprise et qu'ils constituent, en principe, des éléments du prix des opérations imposables que celle-ci réalise (CJCE, arrêt du 8 juin 2000, C-98/98, Midland Bank, point 31 ; CJCE, arrêt du 22 février 2001, C-408/98, Abbey National, points 34, 35 et 36 et CJCE, arrêt du 27 septembre 2001, C-16/00, Cibo participations, point 33).

La circonstance que l'entreprise perçoive, par ailleurs, des recettes non imposables (dividendes, produits financiers non imposables, etc.) est sans incidence.

Par suite, les dépenses supportées par une entreprise assujettie à la TVA pour la réalisation de ses opérations en capital ouvrent droit à déduction dans les conditions suivantes.

Si toutes ses opérations imposables ouvrent droit à déduction, le montant de la taxe est déductible en totalité dans les conditions de droit commun (coefficient de taxation égal à l'unité).

L'entreprise ne peut pas, en revanche, déduire la TVA grevant ces dépenses si aucune de ses opérations imposables n'ouvre droit à déduction (coefficient de taxation égal à zéro).

Enfin, lorsque les opérations imposables n'ouvrent pas toutes droit à déduction, la TVA grevant les dépenses en cause est, en principe, déductible partiellement (coefficient de taxation déterminé de manière forfaitaire)."(BOI-TVA-DED-20-10-20 n°490, 10-06-2013)

Cette doctrine semble admettre un droit à récupération intégral pour une holding, même en cas de perception de de recettes sans TVA, et notamment de dividendes. Mais le doute est permis car il pourrait être considéré que cette doctrine ne porte que sur le calcul du coefficient de taxation. Il paraît curieux qu'il puisse exister un droit à récupération intégrale pour les frais d'acquisition des titres et un droit limité pour les frais généraux courants.

La récupération de la TVA grevant les frais de revente de la participation

Sur la question de la récupération de la TVA grevant les frais de revente des titres, l'administration a également publiée une doctrine :

"Conformément à la jurisprudence du Conseil d'État (CE, arrêt du 23 décembre 2010, n° 307698 ; CE, arrêt du 23 décembre 2010, n° 324181), il convient de distinguer selon que les dépenses sont préparatoires à la cession de titres, inhérentes à cette même opération, ou "mixtes", c'est-à-dire que les dépenses ont été payées à un même intermédiaire, chargé à la fois de préparer cette cession et de réaliser la transaction, dès lors que ces deux catégories de prestations n'ont pas donné lieu à une rémunération distincte et qu'elles doivent alors être regardées comme un tout indissociable se rattachant à la transaction.

Les dépenses préparatoires (honoraires d'études et de conseils portant sur l'opportunité de la cession, frais d'audit, frais de valorisation des titres, etc.) sont réputées faire partie des frais généraux sauf si l'administration établit, soit que l'opération a revêtu un caractère patrimonial dès lors que le produit de la cession a été distribué, soit que, en l'absence d'éléments contraires produits par la société (par exemple, le contrat de cession), ces dépenses ont été incorporées dans le prix de cession des titres. Il est précisé que lorsque l'opération de cession envisagée n'aboutit pas, les dépenses préparatoires constituent, en tout état de cause, des frais généraux.

Les dépenses inhérentes (frais de courtage, commissions bancaires, honoraires d'intermédiation, frais de rédaction d'acte, etc.) sont présumées non déductibles, dès lors qu'elles présentent un lien direct et immédiat avec l'opération de cession de titres n'ouvrant pas droit à déduction, sauf si, compte tenu de la nature des titres cédés (selon que les titres sont ou non cotés) ou par tous éléments probants, tels que sa comptabilité analytique ou le contrat de cession, la holding établit que les dépenses en cause n'ont pas été incorporées dans le prix de cession.

Enfin, les règles afférentes aux dépenses inhérentes sont applicables aux dépenses mixtes.

Les critères ainsi dégagés par le Conseil d'État ont vocation à s'appliquer à d'autres opérations que celles portant sur les cessions de titres (CAA Lyon, arrêt du 15 mars 2012, n° 11LY01195, s'agissant d'honoraires engagés dans le cadre d'une opération immobilière). Dans cet arrêt, il est considéré que, pour faire échec à la démonstration du rattachement aux frais généraux des dépenses inhérentes ou mixtes à la cession, l'administration a la possibilité, comme pour les dépenses préparatoires, d'apporter la preuve que le produit de la cession a été utilisé à des fins purement patrimoniales."

(BOI-TVA-DED-20-10-20 n° 70, 10-06-2013)

L'idée est que les frais liés à la vente ne donnent pas lieu à récupération de TVA car la vente des titres est une recette sans TVA. Mais l'administration opère une disctinction entre les dépenses préparatoires et les dépenses inhérentes. Pour simplifier, la récupération de la TVA est en principe possible pour les dépenses préparatoires alors qu'elle n'est pas possible en principe pour les dépenses inhérentes.

En pratique, il faut bien faire attention à facturer à part les dépenses préparatoires et prendre garde à ne pas les inclure dans le calcul du prix de vente des titres. Le contrat de cession doit même expressément exclure la prise en charge par l'acheteur des dépenses préparatoires car, en pratique, c'est à l'entreprise de prouver cette exclusion. Autrement dit, la présomption d'exclusion des dépenses préparatoires est bidon (en ce sens CE du 4 février 2015, n° 370525).

Le régime TVA de la rémunération de dirigeant de la holding

Le cas évoqué ici est celui d'une filiale qui est sous la forme d'une SAS. Dans cette situation, il est possible de prévoir que le dirigeant statutaire est la holding. Donc la holding facture une prestation de direction à la filiale. C'est d'ailleurs le seul cas où c'est possible car sinon la direction de la filiale est assurée par un mandataire personne physique qui est sensé faire le travail de direction même s'il est bénévole. Mais biens sûr il est toujours possible de facturer des prestations techniques différentes des fonctions de direction.

Une question importante est de savoir quel est le régime TVA de cette prestation de direction assurée par une personne morale. Il n'y a pas de réponse évidente à cette question. En principe, une prestation de direction par une personne physique n'est pas assujettie à TVA.

A ce jour, aucune décision du Conseil d'Etat n'est intervenue sur ce point et l'administration n'a pas officiellement pris position. Toutefois, il est possible de retenir l'assujettissement à TVA de la prestation de direction quand elle est accomplie par une personne morale, compte tenu de la jurisprudence en ce sens (cour administrative d'appel) et de la doctrine des services fiscaux non opposable (avis du comité fiscal de la mission d'organisation administrative).

En conclusion, si vous êtes arrivé à la fin de cette note, c'est que le sujet vous motive vraiment mais, si vous êtes concerné, je vous conseille de faire appel à un avocat fiscaliste, comme moi, pour régler astucieusement cette question, s'opposer au contrôle fiscal en cours ou préparer sa défense.

Dernière remarque : n'hésitez pas à rajouter des commentaires, notamment pour faire part de vos expériences de contrôle fiscal sur ce sujet.

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