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Opinions

Vous ne serez peut-être pas d'accord
jeudi, 01 mai 2014 13:39

Petite histoire de la TVA

La TVA existe depuis le 10 avril 1954, donc 60 ans.

Nous la devons à un énarque, Maurice LAURE, haut fonctionnaire.

A l'époque elle est présentée comme un progrès car elle remplace des impôts sur les consommations qui se cumulaient et gênaient l'activité économique.

Elle devient obligatoire dans l'ensemble de l'Union Européenne en 1970 et depuis de nombreux pays l'ont adoptée.

Certains pays comme les Etats-Unis restent réticents. Ils préfèrent plutôt appliquer une taxe sur la consommation.

Ils ont raison.

En effet la TVA est un impôt débile au plan technique.

C'est le seul impôt qui soit naturellement extrêmement complexe.

Certains avocats fiscalistes passent leur vie à essayer de comprendre le fonctionnement complet de cette taxe mais aucun n'y arrive vraiment.

Dans les bases de données du droit fiscal, la TVA fait l'objet, à elle-seule, d'une masse délirante de documentations, de décisions de justice et de doctrine.

La raison à cela est que la TVA est basée sur une très mauvaise idée : faire payer l'impôt dans les transactions entre professionnels, alors pourtant que seuls les consommateurs en supportent le coût.

Donc quand un avocat fiscaliste facture une entreprise, il doit facturer avec TVA. L'entreprise paie le prix avec TVA mais l'entreprise peut récupérer cette TVA en l'imputant sur la TVA qu'elle doit sur ses propres ventes. De son côté l'avocat doit verser la TVA à l'Etat, après imputation sur la TVA qu'il a lui-même payé sur ces dépenses.

En principe la TVA est neutre pour les entreprises, grâce à ce système de déduction.

En fait, c'est un impôt extrêmement coûteux pour les entreprises car il implique le respect d'un formalisme très rigoureux. Les rappels sont fréquents.

La TVA est grevée d'un vice rédhibitoire : elle est naturellement incitatrice à la fraude puisqu'elle permet d'obtenir très facilement des crédits d'impôts remboursables lorsque le droit à déduction dépasse la TVA due.

Le système de la TVA fabrique ainsi des créances naturelles contre le Trésor.

La fraude la plus courante consiste à facturer ses prestations sans TVA à ses clients (ventes dissimulées). Une autre fraude consiste à s'inventer des achats, ce qui permet de créer artificiellement un crédit de TVA.

Mais la fraude la plus fructueuse a été inventée au moment de la création du marché européen unique.

.Au 1er janvier 1993, il devient possible pour les entreprises françaises d'acheter des marchandises sans TVA à des fournisseurs belges (et réciproquement). La fraude devient alors d'une étonnante simplicité. Il suffit donc d'acheter sans TVA dans un pays étranger, des marchandises de préférences coûteuses et faciles à transporter comme des composants électroniques, puis de les revendre en France avec TVA, soit avec une marge de 19,6 %.

La fraude consiste simplement à ne pas verser la TVA à l'Etat.

Cela ne peut pas marcher éternellement mais il suffit que cela marche pendant quelques mois en utilisant un prête-nom pour diriger l'entreprise pour encaisser des millions d'euros de profit. Et puis ensuite une autre société est créée et tout recommence.

Cette fraude s'est développée de manière considérable à la fin des années 90.

Elle a été appelée faussement la fraude carrousel par référence à la mise en place de circuits.

Dans certains pays où les remboursements de crédits n'étaient pas contrôlés, des circuits ont pu être mis en place mais, en France, dans la plupart des schémas, aucun circuit n'était nécessaire, il suffisait de vendre à des acheteurs innocents, prêts à payer le prix normal.

En France, l'administration a mis plus de 5 ans à découvrir l'existence de cette fraude pourtant gigantesque.

Les énarques de Bercy ont fini par se poser des questions quand ils se sont aperçus que les recettes de la TVA se réduisaient d'année en année, de plusieurs milliards d'euros, alors que l'économie était en croissance.

En attendant, des petits malins ont touché le jackpot. Merci Maurice !

Par réaction, les agents de l'administration fiscale ont lancé une campagne de rappels visant les acheteurs innocents. Je me souviens d'un dossier avec un rappel de 600 million d'euros. Le record de ma carrière. L'entreprise était parfaitement innocente mais elle avait eu le tort d'exercer l'activité de courtier en composants électroniques, en achetant à des fraudeurs. Donc, bien sûr, pour l'administration, elle était fraudeuse. Elle a été détruite par le fisc car évidemment, elle était bien incapable de payer une telle somme.

La procédure, parfaitement irrégulière, a été validée ensuite par le Conseil d'Etat.

Le comptable du Trésor avait dû écrire à la main le montant à recouvrer sur l'avis de mise en recouvrement car le chiffre était trop élevé pour être pris en compte par le système informatique de l'époque.

Depuis, suite à l'adoption de mesures de contrôle très sévère, la fraude a été en partie jugulée, même s'il y a régulièrement des nouvelles affaires (crédit carbone, mandataires en véhicules).

Ainsi, compte tenu de ce risque de fraude, les règles formelles à respecter sont très importantes et leur violation lourdement sanctionnées, souvent en l'absence de toute omission.

La TVA est aussi très complexe parce que certaines opérations sont exonérées de TVA, même quand elles sont réalisées entre entreprises. Cela dérègle complètement le mécanisme général de la TVA.

La solution est connue. Elle consiste à supprimer la TVA dans sa conception actuelle et à la remplacer par une taxe due exclusivement en cas de vente aux consommateurs. C'est ce que font les américains.

Tous les problèmes ne seraient pas supprimés mais l'impôt serait simplifié à hauteur d'au moins 90 % et la fraude réduite.

En pratique, le régime de l'auto-liquidation chez le client aboutit à un résultat voisin. Il serait judicieux d'étendre ce régime de l'auto-liquidation à toutes les prestations entre professionnels.

Mais qui se soucie de la simplicité fiscale parmi les technocrates français et européens ?

Le concept de complexité fiscale n'est pas vraiment connu par les fonctionnaires ou les économistes. Le sujet n'apparaît ni dans les manuels de théorie économique, ni dans les statistiques.

Donc ces technocrates et ces économistes nous inventent régulièrement des solutions miracles.

La fiscalité est la solution de tous les problèmes et les idées de réforme fiscale foisonnent. Un peu plus d'impôt ici, un peu moins là et tout ira mieux.

Et puis, chacun y va de sa petite idée lumineuse, en parfaite méconnaissance des effets pratiques sur le terrain.

C'est ce que j'appelle la fiscalité de laboratoire.

Les architectes énarques conçoivent et décident ; et les plombiers, avocats, agents des impôts et experts-comptables, doivent mettre en oeuvre comme ils peuvent.

La TVA en est une bonne illustration.