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Opinions

Vous ne serez peut-être pas d'accord
lundi, 06 février 2017 17:55

L'IACF propose de nouvelles règles de conduite en matière de réforme fiscale

L'Institut des Avocats Conseils Fiscaux (IACF) regroupe l'essentiel des avocats fiscalistes Français, dont moi-même.

Cet institut réalise notamment d'excellentes formations techniques.

Mais il essaie aussi d'avoir un rôle de conseil auprès des pouvoirs publics et du personnel politique, en vue notamment d'améliorer la qualité des textes fiscaux.

L'IACF a établi un résumé des règles qui devraient idéalement s'appliquer en matière de réforme fiscale.

Ce document me parait être d'une grande qualité. Il s'adresse à tous les hommes politiques et aux candidats à la présidentielle. Il n'est pas orienté au plan politique. Les politiciens de droite et de gauche seraient bien inspirés de le mettre dans leur programme.

 

Je propose donc d'en reprendre les principaux points :

Comment réussir une réforme fiscale

La complexité, la densité, la diversité de la norme fiscale et la relation, par nature déséquilibrée, qu’entretiennent les contribuables avec l’administration fragilisent le consentement à l’impôt.

Le sentiment d’injustice face à l’impôt s’est accru. 37 % des Français considèrent l’impôt comme une extorsion de fonds et 84 % d’entre eux estiment que les gouvernements gaspillent l’argent des impôts (Sondage OpinionWay, décembre 2014).

L’IACF entend contribuer à la réflexion sur une réforme de la fiscalité, non pas en formulant des propositions sur le contenu de cette réforme, qu’il appartient aux pouvoirs publics de déterminer en fonction des orientations politiques approuvées par les Français, mais sur les modalités de mise en œuvre de cette réforme.

 

1) Mettre un terme à la gestion évènementielle de la politique fiscale et à l'opacité de l'élaboration de la loi fiscale

Alors que dans d’autres États européens, notamment en Allemagne et au Royaume-Uni, toute réforme fiscale donne lieu à une concertation préalable, prenant appui sur des documents de consultation diffusés longtemps avant que la loi transcrivant la réforme ne soit soumise au Parlement, la loi fiscale est, en France, le plus souvent élaborée dans l’opacité la plus totale et dans l’urgence, si ce n’est l’improvisation.

Comme souvent en matière législative, des dispositions générales sont adoptées pour régler un problème particulier concernant une société, voire un individu, ou apporter une réponse ponctuelle à une question qui a suscité une émotion médiatique souvent excessive.

Comme l’ont recommandé de nombreux rapports officiels depuis bien des années, il est indispensable de mettre un terme à l’opacité et l’improvisation dans le processus d’élaboration de la loi fiscale, qui nuit à la qualité de cette dernière et conduit à adopter des mesures sans étude d’impact sérieuse.

L'IACF propose donc :

- que toute réforme fiscale de grande ampleur soit précédée d’une consultation publique, au moins 6 mois avant d’être présentée au Parlement, sur la base d’un document de référence ;

- qu’une étude d’impact soit réalisée avant toute adoption d’une nouvelle disposition fiscale par voie d’amendement parlementaire.

 

2) En finir avec l'imprévisibilité de la norme fiscale

Les chiffres de l'instabilité fiscale en France :

- 3 000 amendements fiscaux examinés par la Direction de la Législation Fiscale en 2014

- 160 mesures fiscales votées en 2014

- 102 créations ou hausses d’impôts depuis 2012

- 34 modifications du barème et de l’assiette de l’IR depuis 2012

- 32 lois de finances votées depuis 2005

- 20 % des dispositions du Code général des impôts modifiées chaque année

- 8 % d’augmentation du volume du Code général des impôts depuis 2012

S’il est tout à fait naturel, en démocratie, que le législateur fasse évoluer la loi pour répondre aux orientations politiques, l’acceptabilité de la loi fiscale demeure cependant un élément essentiel du consentement à l’impôt.

Plus que l’évolution de la norme fiscale, c’est son imprévisibilité (remise en cause du régime fiscal de certaines opérations ou modification du traitement fiscal d’une situation alors que celle-ci n’a pas évolué) qui est source d’incompréhension pour les contribuables.

Chez nos principaux voisins, la loi fiscale est également régulièrement modifiée, mais le sentiment d’instabilité y est pourtant moins fort.

De manière générale, lorsqu’il modifie la loi fiscale, il est fondamental que le législateur soit davantage attentif aux questions d’application de la loi fiscale dans le temps ainsi qu’aux mesures de transition.

À cet égard, les engagements pris par le Ministère des Finances et des comptes publics dans la Charte sur la nouvelle gouvernance fiscale du 1er décembre 2014 constituent un progrès, mais qui reste insuffisant compte tenu de l’absence d’autorité juridique de cet engagement.

L'IACF propose donc :

- d’introduire systématiquement des mécanismes d’entrée en vigueur spécifiques pour chaque nouvelle mesure fiscale avec pour objectif de préserver la stabilité des situations en cours ;

- de subordonner la recevabilité des amendements en matière fiscale à la condition qu’ils ne s’appliquent qu’aux opérations réalisées à compter du vote définitif du texte ;

- de reprendre et étendre dans une norme supra-législative les engagements énoncés dans la charte de non rétroactivité.

 

3) Assurer la conformité de la loi fiscale aux normes supérieures

Les questions de conformité aux normes supérieures (Constitution, droit de l’Union européenne) revêtent aujourd’hui une importance croissante. La loi est de plus en plus souvent contestée par les contribuables et les juridictions qui en écartent son application.

Avec le droit pénal, les dispositions en matière de droit fiscal et de procédure fiscale ont fait l’objet du plus grand nombre de décisions de censure rendues par le Conseil Constitutionnel depuis l’existence de la question prioritaire de constitutionnalité (Rapport sur les 5 ans de la QPC au Conseil Constitutionnel, Avril 2015).

Ce type de contentieux, différent du contentieux fiscal classique, aboutit à des décisions de principe dont les conséquences sont extrêmement importantes sur le plan budgétaire.

Afin d’améliorer la robustesse de la loi fiscale au regard des normes supérieures, il est indispensable que l’adoption des dispositions fiscales fasse l’objet d’une analyse juridique préalable.

Cette analyse est prévue en ce qui concerne les projets de loi qui sont soumis préalablement au Conseil d’État mais cette consultation du Conseil d’Etat n’est pas prévue en ce qui concerne les amendements parlementaires.

L'IACF propose donc :

- de soumettre les dispositions d’origine parlementaire adoptées en première lecture à une consultation obligatoire du Conseil d’État avant leur examen en deuxième lecture ;

- de rendre cet avis public avant l’examen par le Parlement en deuxième lecture des dispositions en question.

 

4) Apaiser la relation entre l'administration et le contribuable

Réussir une réforme fiscale, c’est aussi s’assurer qu’une fois adoptée, elle sera mise en œuvre dans le cadre d’une relation apaisée entre l’administration et le contribuable.

L’administration fiscale française est composée de fonctionnaires de grande qualité avec lesquels il est le plus souvent possible d’avoir un dialogue ouvert qui permet en règle générale une application mesurée de la loi fiscale.

Certaines adaptations sont toutefois envisageables afin d’améliorer cette relation. L’IACF met régulièrement à jour une liste de propositions techniques précises qui poursuit cet objectif.