Lorsqu'un chef d'entreprise contrôle une entreprise qui a une activité à la fois en Belgique et en France son intérêt est maintenant de choisir d'installer son siège social en Belgique plutôt qu'en France et cela pour des raisons fiscales.
Une partie de cette délocalisation n'a rien à voir avec la fiscalité, mais une grande partie est liée à des volontés de réduction des prélèvements fiscaux ou sociaux.
Faut-il condamner moralement cette délocalisation ?
Je pense que le fait d'être français implique des droits mais aussi des devoirs. Parmi ces devoirs, il y a certes l'obligation de participer à l'effort de solidarité nationale, notamment en payant ses impôts pour la financer. Il est par ailleurs tout à fait normal et souhaitable que les riches participent proportionnellement plus que les autres au financement des charges publiques.
Cela étant, cette obligation de payer ses impôts et ses charges sociales en France n'est pas absolu. Il ne peut être reproché à un français de s'exiler quand ses impôts atteignent un niveau confiscatoire. Or tel est devenu le cas en France pour de nombreux contribuables.
L'impôt excessif est immoral. Il est de toute façon inefficace, car le taux marginal trop élevé encourage fortement les stratégies de contournement. L'exil fiscal est une de ces stratégies.
Il faut rajouter les effets pervers de la rétroactivité fiscale, le fait qu'il est impossible en France de faire confiance à l'Etat en matière de prélèvement puisque même le conseil constitutionnel refuse obstinément de condamner les lois fiscales rétroactives et que le droit à la stabilité fiscale n'est toujours pas un principe constitutionnel reconnu. Le comble de l'arbitraire a été atteint cette année avec la suppression rétroactive du prélèvement libératoire applicable aux dividendes.
De plus, de nombreuses critiques peuvent être faites sur l'utilisation des fonds publics.
Le système social français gaspille l'argent obtenu par l'impôt et les charges sociales. Des fonds considérables sont détournés et aucune action sérieuse n'est engagée pour lutter contre ces détournements.
De nombreux français abusent des arrêts maladie et s'inventent des périodes sans emploi pour se faire payer des indemnités chômage. Le système est devenu beaucoup trop généreux et incite naturellement à la fraude. Pourquoi les travailleurs indépendants ne sont-ils presque jamais malades ? Parce qu'ils sont très peu indemnisés en cas d'arrêt maladie.
Le meilleur exemple pourrait être donné par le régime des intermittents du spectacle : l'assurance chômage finance les grandes sociétés de production audiovisuelle.
Il est inévitable qu'il y ait des gaspillages et des fraudes dans tout système de prélèvement et de redistribution, mais le niveau de fraude atteint selon moi en France un niveau intolérable.
Le système social français est devenu une gigantesque usine à gaz, avec de grosses fuites. Sous couvert de solidarité, le système consiste essentiellement à prélever des fonds sur les classes moyennes, pour ensuite leur redonner des prestations, mais après déduction des fraudes et détournements.
Il est possible d'incriminer les politiciens et les hauts fonctionnaires mais il faut aussi condamner la pratique des syndicats professionnels (salariés et entreprises) qui cogèrent avec l'Etat l'essentiel des fonds publics à travers les régimes sociaux. Ces syndicats ne sont pas très pressés de réformer des régimes sociaux obsolètes qui les font vivre.
Mais au fond les français sont les premiers responsables de cette situation car ce sont eux qui ont le dernier mot. Ils devraient un peu moins écouter les discours populistes et démagogiques des syndicalistes et des politiciens et un peu plus les observations pertinentes de la Cour des Comptes.