Selon moi, cette obsession de l'importance de la recherche et de l'industrie s'explique par la conception typiquement énarco polytechnicienne de l'économie avec les concepts idiots suivants : seule la fabrication d'objets est utile, la France doit exporter pour s'enrichir, l'innovation est le seul moyen d'avoir des entreprises compétitives, etc.
Tout cela est faux : l'économie c'est de produire de la richesse, cela peut être des objets mais aussi des services, et c'est de plus en plus des services. Donc l'industrie perd régulièrement de son importance, au même titre que l'agriculture.
L'innovation est souvent utile en économie mais ce n'est pas toujours le cas.
Surtout, l'innovation n'est utile aux entreprises que si elle leur permet de faire des profits et donc de vendre des produits demandés par le marché.
Les entreprises qui font de la recherche doivent le faire pour ensuite la commercialiser, pour mieux vendre leur produit ou pour vendre les brevets aux autres entreprises.
L'innovation peut être un moyen de créer de la richesse mais c'est loin d'être obligatoire. De très nombreuses entreprises sont très rentables sans faire la moindre recherche.
Mais à vrai dire, la critique la plus importante contre le crédit d'impôt recherche c'est surtout de faire observer que le rôle des entreprises est de créer de la richesse sur la base de leur ressources propres, celles apportées par les capitalistes, les investisseurs qui prennent des risques en plaçant leur argent dans les entreprises et qui, en contrepartie, attendent de recevoir des dividendes.
Le rôle des entreprises n'est certainement pas de recevoir des financements de l'Etat. Au contraire, l'Etat peut se servir des entreprises pour se financer.
Par ailleurs et accessoirement, comme tout dispositif d'incitation fiscale, le crédit d'impôt recherche donne lieu à un pourcentage très élevé de détournement, d'abus et de fraude.
En tant qu'avocat fiscaliste, j'ai connu de nombreuses entreprises qui "inventait" de la recherche pour échapper à l'impôt. C'est très facile et très rentable. Le crédit d'impôt recherche, c'est d'abord la recherche de crédit d'impôt.
C'est un pousse-au-crime fiscal. Les entreprises reçoivent de l'argent si elles démontrent que leur personnel a passé du temps à faire de la recherche mais ce sont elles qui font le calcul.
Or dans certaines PME industrielles, il y a effectivement et naturellement des programmes de recherches d'innovation. Le jeu consiste ensuite à gonfler artificiellement ces programmes de recherche en majorant substantiellement le temps passé par les ingénieurs et les techniciens. Les services fiscaux sont généralement démunis pour contrôler la réalité du temps passé. Si le dossier est bien présenté au plan formel, il est très difficile de démontrer la fraude.
Il y a aussi des effets d'aubaine contestable. Je me rappelle en particulier du cas d'une entreprise japonaise qui avait créé un centre de recherche en France. Grâce au crédit d'impôt recherche, son centre de recherche était en grande partie financé par le Trésor Public. C'est parfaitement légal et c'est ainsi que les contribuables français financent l'innovation des entreprises étrangères.
Les mêmes critiques pourraient être faites au Crédit d'Impôt Compétitivité et Emploi qui est une forme de cadeau fiscal sans aucune contrepartie et les mesures prévues par le pacte de stabilité sont du même tonneau.
Cette politique à base de cadeaux fiscaux ponctuels aux entreprises est en fait selon moi un moyen d'éviter d'engager les vraies réformes structurelles et en particulier celle des régimes de cotisations sociales, totalement obsolètes et gonflés à l'excès.
Curieusement les syndicats professionnels sensés représenter les entreprises ne sont pas très critiques vis-à-vis des régimes sociaux. Ils critiquent, pour la forme, les taux trop élevés de cotisations sociales mais il ne sont pas très demandeurs de réformes structurelles pour réduire l'importance des régimes sociaux. Ils préfèrent demander des crédits d'impôt ou des subventions.
Ces syndicats patronaux ont intérêt en effet à conserver ces régimes sociaux car ils en sont les gestionnaires. Ils en tirent profit pour payer leurs permanents. Ils leur donnent du pouvoir. Pourtant ces régimes sociaux boursouflés détruisent à petit feu l'économie française car ils génèrent des taux de cotisations beaucoup trop élevés. Sous couvert de solidarité, ils imposent des régimes d'assurance forcée, générateurs de fraudes et d'abus.
L'assurance chômage et les congés maladie sont eux-aussi des pousses-au-crime : ils incitent les salariés à être au chômage ou malades.
La France est devenue une gigantesque usine à gaz, avec une fiscalité et des prélèvements sociaux délirants, qui servent à financer des prestations sociales et des crédits d'impôt, en grande partie illégitimes et détournés de leur objet.
Pour commencer, je propose de supprimer le crédit d'impôt recherche et, en contrepartie, de réduire l'impôt sur les sociétés.