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dimanche, 02 novembre 2014 17:02

La complexité de la fiscalité et ses causes

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1 La réglementation fiscale c'est très compliqué

 

La fiscalité est d'une effroyable complexité.

C'est un peu comme l'astrophysique.

Plus on apprend des choses, plus on se rend compte qu'il reste des choses à apprendre.

Les bons fiscalistes se reconnaissent à leur âge et leur humilité.

Le bon fiscaliste est vieux et sans prétention

Il a pu au fil des années apprendre un peu de la matière fiscale. Il a surtout compris qu'il était impossible de maîtriser la complexité de la matière et qu'il fallait se méfier de ses convictions ou de ses intuitions.

En pratique, lorsqu'une personne me pose une question fiscale importante, j'évite de donner une réponse immédiate. Je demande un délai de recherche pour consulter la documentation.

La fiscalité est piégeuse pour les non-initiés car elle peut paraître simple.

Certaines règles de la fiscalité sont effectivement assez simples et faciles à comprendre mais il existe de nombreuses règles qui ont l'air simples mais qui ne le sont pas et qui comportent de nombreuses exceptions.

Par exemple, beaucoup de gens croient que, pour ne plus avoir à payer d'impôt en France, il suffit de vivre plus de 183 jours dans l'année à l'étranger. C'est faux car c'est beaucoup plus complexe, même s'il existe effectivement plusieurs règles qui évoquent le critère des 183 jours.

Certains mots ont des sens différents selon l'impôt considéré ou même pour le même impôt. Par exemple l'expression "activité professionnelle" a un sens très différent en ISF et en impôt sur le revenu. De plus, pour chacun de ses impôts, si une règle réserve le bénéfice d'un dispositif aux activités professionnelles, il faut, pour chaque dispositif, vérifier la définition qui y est donnée du concept d'activité professionnelle.

Beaucoup d'avocats généralistes qui acceptent de traiter tous les sujets du droit font exception avec la fiscalité et refusent absolument de s'en mêler. Ce n'est pas par hasard. C'est que la fiscalité est un monde à part avec ses codes secrets, ses non-dits difficiles à déchiffrer.

Attention : cette très grande complexité de la fiscalité n'est pas un motif pour refuser de s'y intéresser et d'essayer de la comprendre. Personnellement, je suis content quand mes clients viennent me voir, non pas seulement pour écouter mes précieux conseils, mais aussi pour prendre note des règles applicables et essayer de les comprendre. Un client bien conseillé est un client qui maitrise la réglementation fiscale.

Pour faire leurs recherches, les fiscalistes se servent d'une documentation très abondante mais pourtant très limitée.

En effet, en matière fiscale, la documentation est une compilation de la doctrine administrative et de la jurisprudence principale.

La doctrine administrative est publiée sur internet, tout le monde peut y avoir accès au BOFIP publié sur impots.gouv.fr.

Cette doctrine est précieuse et très utile car elle permet de connaître la façon dont les agents des impôts interprètent les textes et les appliquent. Mais cette doctrine est contestable et incomplète.

En matière fiscale, il y a de très nombreux litiges. Les enjeux financiers sont tels que de nombreux contribuables ont intérêt à contester les rappels et, du coup, il y a de nombreuses décisions de justice.

Pour autant, ces décisions sont loin de répondre à toutes les questions des fiscalistes. Il m'arrive très souvent de ne pas trouver de réponse évidente à une question fiscale pourtant apparemment assez simple, en consultant la doctrine administrative ou la jurisprudence.

Et par ailleurs, en matière fiscale, les articles de doctrines, les opinions d'auteur et les ouvrages de vulgarisation sont très peu nombreux et très insuffisants.

Autrement dit, le droit fiscal est comme l'univers interstellaire. Il y a les étoiles et les galaxies connues et répertoriées et puis il y a de gigantesques zones inconnues et incertaines.

Il y a de multiples sujets où le fiscaliste doit essayer de faire ses propres analyses et ses déductions, pour deviner ce que dirait le juge s'il était saisi de la question juridique encore irrésolue.

Mais c'est ce qui fait l'intérêt de la matière et c'est ce qui fait qu'il est utile de consulter un fiscaliste expérimenté sur des sujets difficiles.

 

2 Les raisons de la complexité de la fiscalité

 

Il y a deux raisons, une bonne et une mauvaise, qui expliquent la complexité de la fiscalité.

La bonne raison : l'impôt est compliqué car la vie est compliquée

Il y a des milliers de façon de gagner sa vie. Il existe une multitude de professions. La définition du revenu professionnel peut donner lieu à de nombreuses discussions comptables. Voilà pourquoi l'impôt sur le revenu est nécessairement complexe.

Certains impôts sont naturellement complexes. Outre l'impôt sur le revenu, il faut citer en priorité la TVA.

La TVA est l'impôt le plus monstrueux jamais inventé. C'est un monstre de complexité naturelle, notamment parce qu'il existe un décalage entre ceux qui le paient au Trésor, les entreprises, et ceux qui en supportent le coût, les consommateurs.

Le droit fiscal international est aussi effroyablement complexe et piégeux.

La complexité de l'impôt est naturellement renforcée par la créativité de tous ceux qui cherchent à l'éviter. Cela oblige à inclure dans la réglementation de multiples dispositions de luttent contre les contournements et cela provoque de très nombreux litiges devant les tribunaux.

La mauvaise raison : la pollution politicienne

La fiscalité est compliquée aussi à cause des politiciens.

Les politiciens connaissent très mal la fiscalité, comme les autres sujets d'ailleurs. Nos élus sont souvent d'un niveau technique très faible. Aucune compétence ne leur est demandée pour se faire élire et, une fois élu, ils n'ont aucune obligation de formation.

Pourtant ce sont eux qui votent l'impôt.

C'est très curieux. Un avocat fiscaliste doit faire chaque année une vingtaine d'heures de formation sinon il perd le droit d'utiliser le titre d'avocat spécialiste, mais les élus, eux, n'ont aucune obligation de formation. Ils peuvent voter les lois en restant parfaitement incompétents.

Donc les politiciens ne connaissent pas la fiscalité mais ils prétendent utiliser la fiscalité comme mode d'intervention politique privilégié.

En France, dès qu'il y a un problème, la solution passe par l'impôt. Un impôt supplémentaire, un crédit d'impôt, une déduction, une exonération sont les solutions les plus courantes et les idées généralement retenues pour agir dans n'importe quel domaine.

A la décharge des politiciens, il faut reconnaître que tous les lobbys vont dans ce sens et font pression pour obtenir une évolution de la fiscalité en leur faveur.

Pour ma part, je pense que la fiscalité doit servir à financer les dépenses publiques et non à encourager, ou décourager, tel ou tel comportement des citoyens. La fiscalité devrait rester neutre.

Tel n'est pas l'avis dominant chez les politiciens. Le résultat est la multiplication des impôts originaux et le développement délirant des régimes de faveur et des exceptions.

Comme les politiciens ne connaissent pas la fiscalité, ils sont complètement ignorants des effets réels de cet interventionnisme délirant.

Très souvent les effets réels de cette politique sont contraires à ceux recherchés. Les contribuables s'adaptent en effet avec ingéniosité aux dispositifs dérogatoires et, le plus souvent, s'en servent à leur profit, mais rarement dans le sens recherché par le législateur.

Les mesures de faveur, les niches fiscales, ont un coût très élevé et doivent être financées par des impôts excessivement élevés.

Incidemment, toute cette réglementation d'exception rend l'impôt encore plus complexe et difficile d'accès.

Seuls les spécialistes arrivent à maîtriser les subtiles exceptions au champ d'application des régimes de faveur. En tant qu'avocat fiscaliste, j'en profite largement, en tant que citoyen, je le déplore.

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