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Opinions

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lundi, 12 janvier 2015 14:17

Le droit au blasphème

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Les derniers évènements m'invitent à réagir et à donner mon opinion.

D'abord il faut rappeler la motivation des terroristes, un peu trop vite présentés uniquement comme des fous furieux.

Il ne s'agissait pas pour eux de tuer et de se faire tuer pour le plaisir, mais de punir les auteurs d'un blasphème.

Je pense que la plupart des musulmans condamnent l'assassinat des journalistes du journal mais je pense aussi que la plupart des musulmans se sont sentis atteints par l'édition des dessins satiriques représentant le prophète. Certains pensent même qu'ils l'ont bien cherché.

 

Le blasphème c'est mal

Le blasphème consiste à avoir un comportement volontairement insultant contre une religion.

Pour des incroyants, il n'est pas forcément facile de comprendre le caractère condamnable au plan moral du blasphème. Puisque Dieu n'existe pas, il n'y a pas de mal à l'insulter.

C'est oublier que, pour les croyants, Dieu existe. Donc insulter le dieu de ces croyants, c'est insulter les croyants. C'est comme traiter leur mère de pute.

Le blasphème est une insulte aux croyants et comme toute insulte, il est condamnable.

Je ne vois pas comment un blasphème peut constituer une opinion utile au débat ou une oeuvre d'art.

Les artistes qui croient que la liberté artistique est un droit absolu sans limitation ont tort.

C'est ainsi que j'ai peu de sympathie pour l'artiste qui prétend que mettre un crucifix dans un bocal de pipi est une œuvre d'art. J'ai également une sympathie limitée pour les galiéristes et les commissaires d'expositions qui diffusent ce type de création artistique.

Le blasphème, et plus généralement l'insulte, ne se limite pas au domaine religieux.

Une personne qui siffle la marseillaise ou brule le drapeau français insulte la France et les français.

Une personne qui irait faire pipi sur la tombe du soldat inconnu commettrait une forme de blasphème, une forme d'insulte à tous les hommes qui ont donné leur vie pour la France.

 

La distinction entre le droit et la morale

Ce n'est pas parce que quelque chose est mal qu'il faut l'interdire juridiquement.

Il faut en effet bien distinguer le droit et la morale.

Le droit vise à faire respecter un ensemble de principes essentiels au bon fonctionnement de la société.

Certains principes moraux sont repris par le droit mais ils sont peu nombreux et l'essentiel des règles juridiques sont des règles techniques sans lien avec la morale.

Il y a des tas de comportements parfaitement immoraux et parfaitement légaux.

Le droit ne vise pas à établir un ordre moral. Chaque citoyen doit conserver sa liberté individuelle dans le plus de domaines possibles.

Cette conception du droit distinct de la morale est un des acquis fondamentaux de notre civilisation.

Il faut notamment préserver la liberté d'expression. Toute opinion doit pouvoir être exprimée, même si elle est lamentable, et sous les seules réserves selon moi de l'atteinte à la vie privée, de la diffamation, de l'injure personnelle et de l'incitation à la violence.

Malheureusement, ce principe de distinction entre le droit et la morale est loin d'être compris et admis par tous les citoyens.

Il y a ceux pour qui si quelque chose est mal il doit forcément être interdit. C'est un peu la logique malheureusement de certains religieux, et notamment de certains religieux musulmans.

Mais il arrive aussi selon moi que des laïcs libres penseurs commettent la même erreur grossière de confondre le droit et la morale.

Par exemple, en France, c'est un délit de nier l'existence d'un crime contre l'humanité. Selon moi cette interdiction est typique d'une confusion regrettable entre le droit et la morale. C'est très mal de contester l'existence d'un crime contre l'humanité mais je ne vois pas pourquoi cette opinion lamentable devrait être interdite juridiquement.

Je pense de même des opinions racistes. Le racisme est profondément condamnable au plan moral mais je crois que c'est une erreur que de condamner juridiquement l'expression des idées racistes car cela empêche la tenue d'un vrai débat. Il est vrai que dans certains cas l'opinion raciste peut s'assimiler à un appel à la violence, ce qui peut justifier son interdiction.

Il y a aussi ceux qui pensent que tout ce qui est permis est bien.

Pour ces personnes, au fond, la morale n'existe pas. Chacun agit comme bon lui semble selon sa propre morale personnelle, et toutes les morales se valent.

Le seul principe qui doit s'appliquer selon eux c'est le principe de liberté.

Ce n'est pas mon avis. Il faut savoir agir en conscience.

Evidemment il y a des choix personnels qui n'ont rien à voir avec la morale. Ce n'est ni bien ni mal d'aimer ou de ne pas aimer tel film ou tel roman. Chacun ses goûts.

Mais dans notre vie professionnelle ou notre vie privée, nous avons souvent à faire des choix, à prendre des décisions, qui ne sont pas neutres au plan moral. Même s'ils sont autorisés, certains comportements sont contestables, ou même parfois lamentables.

C'est ainsi que, pour des raisons morales, il ne faut pas insulter les gens ou même seulement les blesser. Il faut aussi, pour des raisons morales, faire l'effort de se mettre à la place des autres et essayer de comprendre leur point de vue.

Ce n'est pas parce que le droit n'interdit pas le blasphème qu'il fait du blasphème un acte acceptable au plan moral. Malheureusement, certaines personnes ont un sens moral très limité, c'est le cas de certains artistes et de certains intellectuels, très cultivés et très intelligents, mais très limités en conscience morale. Ces personnes auront du mal à admettre le caractère immoral du blasphème.

 

Le blasphème est le plus mineur des péchés

Je suis catholique pratiquant et je ne suis pas satisfait que certains commettent des blasphèmes contre le Christ. Mais je note que le Christ lui-même a été considéré comme un blasphémateur et c'est une des raisons pour lesquelles il a été crucifié. Il avait notamment guéri un aveugle le jour du sabbat. Il se proclamait fils de Dieu. C'était un comportement blasphémateur pour les juifs intégristes de l'époque et à cause de cela il a été condamné à mort.

A cause de cela, le jour du jugement dernier, les blasphémateurs ne seront pas trop pénalisés.

En fait, la sensibilité extrême au blasphème est révélatrice d'une foi douteuse.

Les religieux les plus virulents contre le blasphème sont ceux qui accordent une trop grande importance aux symboles de la religion, à la forme plutôt qu'au fond, au respect des rites plutôt qu'au respect des valeurs.

Si la représentation de Jésus est mise dans un bocal de pipi, ce n'est pas très grave si l'artiste niaiseux qui l'a fait n'a pas particulièrement cherché à agresser les chrétiens.

Ce qui fait offense à Dieu, ce n'est pas l'insulte en tant que telle mais plutôt la haine d'autrui qu'elle peut révéler.

Quand j'entends ou je vois des jeunes des cités siffler la marseillaise ou bruler le drapeau français, ce qui me heurte, ce n'est pas l'atteinte aux symboles de la nation mais plutôt le fait que ces jeunes manifestent ainsi leur rejet de la communauté française.

Selon moi, les dessinateurs qui font des caricatures du prophète ou qui les ont repris dans leur journal n'ont pas été animés par l'intention d'insulter les musulmans. Les dessinateurs assassinés ont certainement fait de nombreux dessins insultants pour toute sorte de groupes (les musulmans, les chrétiens, les militaires, les policiers, la droite, la gauche, les femmes, etc.) mais je ne pense pas qu'ils aient été animés par un esprit de haine et par une volonté d'agresser les membres de ces groupes. C'était surtout des anarchistes qui cherchaient à faire rire.

 

Le droit au blasphème au nom de la liberté d'expression

En tant que démocrate, je crois que la vérité nait du débat.

Je crois que chacun doit pouvoir s'exprimer librement, en tout cas sur des sujets généraux.

En dehors de la violation de la vie privée, de l'injure personnelle et de l'incitation à la violence, il ne faut rien interdire et toute opinion générale doit pouvoir s'exprimer librement.

Le blasphème religieux doit être autorisé car il faut laisser aux citoyens le droit de critiquer la religion, même si parfois cette critique prend des formes contestables au plan moral parce qu'elle est insultante.

En tant que croyant, je trouve que la critique des incroyants peut m'être utile pour progresser dans ma foi. Je crois également que personne ne doit être contraint de croire. Je pense enfin que la liberté religieuse suppose la liberté de s'exprimer sur les sujets religieux. Chacun doit pouvoir avoir le droit de faire de la propagande pour sa religion ou pour son athéisme.

Si des personnes veulent manifester leur haine de la France et des français, je trouve utile qu'ils puissent le faire. Je regrette cette haine et je pense qu'il faut agir pour comprendre sa cause et essayer de la contrer mais la solution ne passe pas par l'interdiction de l'exprimer.

Il ne faut pas s'opposer aux mauvaises idées par l'interdiction et la censure mais par l'écoute et la persuasion.

 

Hommage aux dessinateurs morts pour la liberté d'expression

De manière banale mais nécessaire, je dois rendre hommage aux dessinateurs assassinés.

C'est un peu paradoxal de voir aujourd'hui toutes les institutions, des curés, des militaires, le pape, les hommes politiques, rendre hommage à ces dessinateurs qui passaient leur temps à faire des dessins pour se moquer d'eux, et souvent de façon scatologique et obscène.

Les dessins de CABU ou WOLINSKI n'étaient pas toujours de bon goût. Ils étaient parfois mauvais ou méchants, même si beaucoup m'ont bien fait rigoler.

Je ne rends pas hommage à leurs dessins insultants, ou méchants à l'excès, même si la caricature autorise plus de libertés et que l'humour peut servir d'excuse.

Mais ces dessinateurs avaient choisi de diffuser les caricatures du prophète pour défendre la liberté d'expression. Ils savaient qu'ils mettaient leur vie en danger en faisant cela. Pour cette raison, ce sont des héros.

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