Les politiciens, de droite comme de gauche, n'ont pas osé revenir sur cette réforme. Au fil des années, il y a bien eu quelques réformes très peu significatives mais, par démagogie, les hommes politiques ont évité d'imposer une réforme garantissant pour l'avenir l'équilibre des régimes de retraite, reportant le problème sur les générations suivantes.
Il y a aussi une grave responsabilité des syndicats professionnels représentant les salariés et les patrons. Ces syndicats sont les gestionnaires des régimes de retraite. Ils sont les premiers coupables de la faillite des régimes de retraite.
Donc aujourd'hui, il est déjà trop tard pour réformer les régimes de retraite en allongeant la durée de cotisation. Cela ne suffira pas. Sur ce point précis, la France va dans le mur.
Le régime de retraite par répartition est présenté comme un régime de solidarité avec des jeunes travailleurs solidaires de leurs ainés en leur payant leur retraite.
Mais le concept de solidarité est gravement détourné de son sens. En fait de solidarité, il s'agit plutôt d'une grossière injustice, d'un vol des vieux contre les jeunes. Les retraités actuels ont relativement peu cotisé durant leur vie professionnelle car, dans les années d'après-guerre, les retraités étaient peu nombreux et les cotisants étaient nombreux. Aujourd'hui c'est l'inverse et les retraités imposent aux jeunes des taux de cotisation de plus en plus élevés.
La situation des jeunes travailleurs est catastrophique car, comme le régime de retraite n'est pas garanti pour l'avenir, ils cotisent pour payer les retraites de leurs parents mais tout indique que leurs droits à retraite seront très limités quand il sera temps pour eux de prendre leur retraite.
La solution ne consiste pas seulement à retarder l'âge de la retraite mais aussi à réduire les pensions, notamment de ceux qui ont pris leur retraite très tôt.
Tout en maintenant un régime de minimum vieillesse protecteur des plus démunis, je préconise d'instaurer une réduction sensible des pensions pour les retraités qui ont déjà dépassé 20 ans de retraite. Une telle réduction rétablirait la justice sociale en évitant d'imposer aux jeunes de financer le régime délirant mis en place par leurs ainés.
La hausse des cotisations est une très mauvaise solution. Cela dit, le pire est encore de ne rien faire et de reporter le problème à plus tard, en suivant la stratégie bien connue de la poussière sous le tapis.
Il faut par ailleurs souligner un effet délirant et particulièrement pervers du régime de retraite français actuel : il est fractionné par profession.
Ainsi, il existe plusieurs régimes différents, pour les salariés, pour les commerçants, pour les agriculteurs, pour chacune des professions libérales.
Or la multiplicité des régimes créent une grossière injustice : si vous avez eu la malchance de cotiser dans un régime où il y a un déficit démographique plus élevé, vos droits à la retraite sont gravement atteints. Pour compenser cette injustice, les régimes de retraite moins déficitaires que les autres doivent financer les régimes très déficitaires. Une telle solution est source de nouvelles injustices. Une bonne réforme consisterait à un instaurer un régime universel où les droits à prestation seraient calculés sur les cotisations effectivement payées. Mais compte tenu du poids des lobbys syndicaux et professionnels en tout genre, inutile de dire que cette réforme est très peu probable, même à moyen terme.
L'incertitude qui pèse aujourd'hui sur l'équilibre des régimes de retraite est une honte nationale.
Je trouve scandaleux le comportement général des politiciens et des syndicats qui cherchent systématiquement à minimiser le problème. Seul la Cour des Comptes fait son travail mais le Comité d'Orientation des Retraites, qui est chargé notamment de suivre l'équilibre des régimes de retraite et de faire des propositions, est plutôt un organisme de désinformation du public.
En effet les prévisions de cet organisme sont systématiquement et volontairement basées sur des estimations exagérément optimistes de l'évolution économique du pays, du genre taux de chômage de 4,5 % !
L'incertitude sur l'avenir des régimes de retraite gêne considérablement les salariés et les travailleurs indépendants car ils ne peuvent pas savoir à quelle pension ils auront droit.
L'incertitude sur le montant de leurs pensions les gêne considérablement dans la gestion de leur patrimoine.
Je vais évoquer mon cas personnel. Aujourd'hui j'ai 50 ans et il est temps pour moi de préparer ma retraite. Le régime de retraite des avocats propose aux avocats de cotiser à un régime complémentaire optionnel. Il annonce un taux de rendement de 7,5 %. Il s'agit d'un taux très intéressant. Si j'étais sûr que mes cotisations financent réellement un placement rapportant ce rendement, je n'hésiterais pas, je cotiserais au maximum de mes possibilités financières.
Le problème, c'est que rien ne permet de garantir ce rendement.
Au contraire, tout porte à croire que le régime des avocats devra un jour fusionner avec les autres régimes ou qu'il lui soit prélevé une contribution de solidarité encore plus élevée pour venir en aide aux régimes très déficitaires.
Il se trouve que je suis favorable à l'instauration d'une telle solidarité. Mais encore faut-il qu'elle soit d'ores et déjà connue et établie sur la base d'une réforme sérieuse des régimes de retraite garantissant l'équilibre pour les prochaines décennies, et pas seulement pour les trois prochaines années comme actuellement. Une telle réforme sérieuse ne doit pas se baser sur des replâtrages successifs mais une vraie réforme d'envergure. Une telle réforme doit garantir la (vraie) justice sociale et donc nécessairement faire participer les retraités qui ont la chance de survivre plusieurs décennies après leur départ à la retraite.
Cette réforme doit impérativement garantir l'équilibre des régimes de manière certaine et stable pour supprimer les inquiétudes et les doutes. Une fois connue les solutions retenue, les travailleurs pourront adapter leur situation et enfin s'organiser correctement.
A titre personnel, je suis trop vieux et trop français pour quitter la France et m'installer dans un pays étranger mais aujourd'hui, compte tenu notamment de cette grave incertitude sur le système de retraite français, sur le risque élevé que soit maintenu un régime grossièrement spoliateur des jeunes générations, je pense qu'il n'est pas raisonnable pour un jeune de commencer une carrière professionnelle en France.
S'ils en ont la possibilité, les jeunes ont intérêt à s'installer à l'étranger pour éviter d'avoir à financer un régime de retraite aussi injuste et incertain.
C'est d'ailleurs ce qui est déjà en train de commencer à se passer. Evidemment, le départ des jeunes générations à l'étranger va aggraver les déficits des régimes de retraite.
Je pense que, dans 10 ou 20 ans, ce problème sera enfin compris et pris en compte par les politiciens. En attendant, comme beaucoup de français, j'évite au maximum de cotiser à un tel régime aussi peu sérieux, et j'économise.