L'idée du prix Cahuzac est de protester contre l'incompétence et la démagogie qui caractérisent nos politiciens, et plus particulièrement en matière fiscale.
Petit rappel : en France, s'il y a un problème, la solution passe toujours par la fiscalité. C'est bien connu, une petite déduction ou une petite taxe en plus, et tous nos problèmes seront résolus.
Je pense plutôt que la fiscalité devrait être simple et stable. Les impôts devraient avoir seulement pour objet de financer le budget de l'Etat et devraient être le plus neutres possibles. Je suis un chaud partisan de la neutralité fiscale, mais je suis très seul.
Donc le prix Cahuzac vise surtout à récompenser symboliquement (car je ne donne pas de somme d'argent), tous ceux qui ont des idées franchement débiles en matière fiscale. Il s'agit en général de politiciens qui n'ont aucune compétence pratique, aucune idée des effets concrets de leurs idées lamentables.
Pour l'instant, je suis seul dans le jury Cahuzac mais je suis prêt à accueillir toutes les bonnes volontés. Si on était deux, on pourrait créer une association et recevoir des dons en accordant des reçus fiscaux permettant à nos généraux donateurs de bénéficier d'une réduction d'impôt égale à 66 % du montant du don, mais ne rêvons pas.
Alors pour l'année 2015, les nominés retenus sont les suivants :
1) François Hollande pour l'idée que les revenus de l'année 2017 ne seraient pas taxés. 2017 serait une année blanche non imposable. Rappelons que l'idée vise à supprimer le décalage entre l'année des revenus et le paiement de l'impôt. En effet, en France, l'impôt payé en 2016 est relatif aux revenus de 2015, de sorte qu'il y a toujours un retard d'un an entre le revenu et l'impôt. Cette situation est gênante pour ceux qui, comme François Hollande, veulent instaurer l'impôt sur le revenu indolore, perçu par voie de retenue à la source. Selon moi, la retenue à la source est le moyen idéal de tromper les français en leur cachant le coût des charges publiques. La retenue à la source c'est ce qui s'applique déjà pour les cotisations sociales, cacher cet impôt que vous (les citoyens) ne seriez voir. Mais l'idée de faire une année sans impôt pour rattraper le décalage est une idée d'une bêtise maximale car c'est ignorer la forte créativité des fiscalistes pour en profiter au maximum pour pratiquer l'évasion fiscale, même si bien sûr il est annoncé des dispositifs anti-abus. Il ne reste plus qu'à espérer que l'idée rejoigne le gros tas des promesses non tenues de notre président. En attendant, François Hollande, pour cette idée de l'année blanche sans impôt, mérite largement d'être nominé au prix Cahuzac, sans compter que c'est bien lui qui a nommé M. Cahuzac comme ministre du Budget.
2) La deuxième nominée est Catherine Coutelle, députée, qui a proposé et obtenu la réduction du taux de la TVA sur les protections féminines. Au lieu du taux normal de 20 %, c'est le taux réduit de 5,5 % qui va dorénavant s'appliquer aux tampons, au motif que les tampons seraient des produits de première nécessité et que taxer les tampons seraient une forme de discrimination contre les femmes.
Grâce à Catherine Coutelle, une nouvelle fiche fiscale est née, une de plus.
Comme toutes les niches fiscales, elle paraît parfaitement justifiée : comment taxer ce qui est essentiel à la vie des femmes ? Ce serait nécessairement une forme de machisme, de discrimination sexiste, que de refuser aux femmes le droit d'acheter leurs tampons à prix réduit.
Rappelons tout d'abord que de très nombreux produits de première nécessité resteront de toute façon au taux normal de 20 % car en fait il n'y a pas de règle selon laquelle les produits de première nécessité bénéficieraient du taux réduit. Par exemple le savon et les brosses à dents resteront à 20 %, sans parler du papier hygiénique et des petites culottes. Pourtant tous les français doivent se laver. De même, les honoraires d'avocat resteront à 20 % ; pourtant il peut être vital dans certains cas de se payer les services d'un avocat, notamment pour faire valoir ses droits. La TVA à 20 % est aussi une infâme discrimination contre tous ceux qui doivent se laver et s'habiller. Seuls les hommes doivent porter des cravates pour travailler et le taux sur les cravates est à 20 %. C'est une infâme discrimination comme les hommes. Etc.
Selon moi, la TVA est un impôt qui taxe tous les produits de consommation et que, sauf pour des raisons techniques, il n'y a pas lieu d'en faire un mode de subventions de certaines consommations car le droit fiscal, idéalement, devrait être neutre. Il s'agit uniquement de taxer les consommations mais pas d'encourager certaines dépenses et en décourager d'autres.
Qui profitera en théorie de la baisse du taux de TVA sur les tampons ? Toutes les femmes, les riches comme les pauvres mais surtout les riches. La cause des femmes mériterait plutôt que l'Etat engage des moyens pour financer certaines actions plus ciblées comme la lutte contre le proxénétisme et les violences faites aux femmes. Mais il est tellement plus facile de faire passer un amendement fiscal que d'engager des actions concrètes, plus utiles, mais plus difficiles à définir et à mener.
Fiscaliser les dépenses aboutit à défavoriser tous ceux qui ont besoin de dépenser mais ceux qui font des dépenses ont de l'argent et l'Etat a besoin d'argent. En pratique, la baisse du taux de TVA sur les tampons sera très probablement sans effet concret sur le prix des tampons mais Mme Coutelle s'en moque. Ce qui compte à son niveau, c'est le symbole. L'enfer fiscal est pavé de bonnes intentions.
J'accorde à Mme Coutelle un prix Cahuzac, spécial niche fiscale. Mais ce n'est pas la palme d'or.
Il faut donc maintenant déchirer l'enveloppe pour désigner le véritable vainqueur du Prix Cahuzac année 2015.
Suspens terrible.
Je donne le prix à Yves Jégo qui a indiqué qu'il souhaitait instaurer une TVA kilométrique. Il propose un "socle commun de 15 % pour tout le monde" et un taux variable, "de 15 à 25 %", en fonction du nombre de kilomètres parcourus par les produits entre l'endroit où ils sont fabriqués et le point de vente. Un moyen, selon lui, de taxer davantage "ces circuits fous" qu’empruntent des yaourts fabriqués "à 10.000 kilomètres".
Un grand bravo à Yves Jégo qui a trouvé enfin comment lutter efficacement contre le réchauffement climatique. Il suffisait d'y penser. Une TVA à taux variable en fonction des kilomètres parcourus. Les yaourts chinois n'ont qu'à bien se tenir !
Bonne année 2016 à tous, avec plein de bonnes idées fiscales...Pas trop quand même.