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mercredi, 16 mars 2016 15:49

Le prélèvement à la source, l'année blanche et la démagogie

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Une nouvelle réforme fiscale vient d'être annoncée fièrement par M. SAPIN.

Il s'agit d'instaurer le prélèvement à la source de l'impôt sur le revenu.

Il reste à espérer que le président élu en 2017 l'annulera.

L'année blanche : la grosse bêtise technique

Par ailleurs il est prévu une année blanche, c’est-à-dire que les revenus de l'année 2017 ne seront jamais imposés.

M. SAPIN a dit exactement le contraire dans son discours de présentation : "Il n'y aura ni année blanche ni année double".

Et si.

C'est vrai qu'il n'y aura pas d'année sans impôt mais il a été décidé de rattraper l'année de retard pour que la retenue de l'année n porte sur les revenus de l'année n.

Voilà comment la réforme est présentée dans le communiqué du ministre

"L’impôt sur le revenu sera payé chaque année : en 2017 sur les revenus de 2016, en 2018 sur les revenus de 2018 et en 2019 sur les revenus de 2019.

Il n’y aura pas de double imposition en 2018 sur les salaires, les retraites, les revenus de remplacement, les revenus des indépendants et les revenus fonciers récurrents.
Le bénéfice des réductions et des crédits d’impôt dus au titre de 2017 sera conservé.
Les revenus exceptionnels par nature ainsi que les autres revenus exclus du champ de la réforme perçus en 2017 resteront imposés en 2018 selon les modalités habituelles.
Des mesures spécifiques seront mises en place pour éviter les optimisations."


Pour être plus clair.

En 2017, on continue de payer l'impôt de n-1, donc sur les revenus 2016. Le changement c'est juste que l'impôt est prélevé à la source.

En 2018, on paie les impôts des revenus de 2018.

Donc les revenus de 2017 ne seront jamais taxés.

Mais attention, le bénéfice des réductions et des crédits d'impôt dus au titre de 2017 sera conservé, les revenus exceptionnels de 2017 seront taxés et "des mesures spécifiques seront mises en place pour lutter contre les optimisations."

Mon avis

Si cette réforme avec une année blanche est mise en œuvre (elle est sans doute inconstitutionnelle), les contribuables vont avoir un gros intérêt à gonfler par tous les moyens possibles les revenus de l'année 2017 puisque ces revenus ne devraient pas être imposés, en s'assurant qu'ils ne soient pas considérés comme des revenus exceptionnels.

Et là le jeu du chat et de la souris va atteindre les sommets.

Si je suis un avocat et que mon client me paie en 2017, qui pourra démontrer que la facture est afférente à des travaux faits en 2018 ?

Si je suis dirigeant d'entreprise, je vais éviter de passer une provision pour risque en 2017.

Je vais faire plutôt une grosse distribution de bénéfices en 2017.

Si je suis salarié, je vais demander à être mieux payé en 2017, etc.

Bien sûr, les optimisations et les anticipations artificielles vont être pourchassées par l'administration fiscale.

Les textes anti-abus vont être nombreux, compliqués et sources de contentieux. Une énorme usine à gaz va devoir être construite.

Cela va donner du travail aux agents des impôts, aux avocats fiscalistes et aux juges fiscaux (c'est vrai qu'ils s'ennuyaient un peu).

Mais beaucoup de contribuables passeront entre les mailles du filet et c'est l'Etat qui sera le grand perdant.

Je peux déjà l'annoncer : l'année 2017 sera une année de gros revenus et l'année 2018 une année de faibles revenus.

Comment une telle bêtise technique peut-elle être proposée par Bercy ? Je ne doute pas une seconde que les énarques techniciens (et il y en a de très compétents) de Bercy s'y sont fermement opposés. Mais probablement, les conseillers qui sont écoutés par le Ministre sont ceux qui lui disent ce qu'il a envie d'entendre.

J'avais proposé un moyen simple de contourner la difficulté, c'était de taxer en 2018, à la fois les revenus de 2017 et 2018, en divisant par deux le taux. Cette solution n'est pas sans défaut mais elle a le gros mérite d'éviter le gigantesque pousse-au-crime de l'année blanche. On peut imaginer d'autres solutions comme un étalement du paiement de l'impôt sur 20 ans.

Le prélèvement à la source : l'atteinte à la démocratie

Il y a un principe essentiel dans une démocratie, c'est le consentement à l'impôt.

Avec le prélèvement à la source, l'impôt sur le revenu devient, comme les cotisations sociales et la TVA, un impôt indolore.

Le caractère indolore est présenté par beaucoup de commentateurs comme un grand progrès.

Mais l'impôt indolore, c'est le rêve des politiciens démago.

Un bon impôt est un impôt ressenti car il faut que les citoyens aient pleinement conscience que la richesse qu'ils ont produite va dans les poches de l'Etat.

Cette histoire de la retenue à la source n'est pas très grave en soi. Mais la manière dont la réforme est présentée est très révélatrice du fait que notre démocratie est devenue une démagogie dirigée par des populistes.

Les politiciens sont incompétents, et ils surfent sur les sondages et l'opinion du moment.

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