Prenons un exemple.
Imaginons que je suis un fanatique de voile et que je décide d'y consacrer ma vie. Je décide d'être un skipper professionnel. Le problème est que, dans le secteur, il est difficile de bien gagner sa vie car les jobs sont intermittents et mal payés. Et là, je m'adresse aux salariés qui travaillent dans d'autres secteurs et à plein temps et je leur dis : "et les gars, soyez solidaires, payez-moi un salaire décent !"
Encore un autre exemple.
Je suis un bon joueur de foot et je décide d'en faire mon unique activité. Sauf que n'ayant pas un excellent niveau, je ne joue qu'en quatrième division. Les primes de match me paient un demi-smic mensuel. Et là, pareil, je demande à mes copains qui travaillent toute la journée dans des bureaux, de me financer la part manquante du smic.
Il ne s'agit pas de stigmatiser les artistes. J'ai beaucoup de respect pour ceux qui décident d'y consacrer leur vie. Mais je trouve anormal que ce soit aux autres salariés de financer leur passion. Il n'est pas interdit d'être un artiste semi-professionnel ou amateur, et d'avoir une autre profession plus rémunératrice. C'est ce que font les joueurs de foot non professionnels.
C'est d'autant plus vrai que le régime des intermittents favorise les abus ou même la fraude : les artistes travaillent au black une partie de l'année. Ils ne sont pas payés pendant les répétitions mais ils vivent grâce à l'UNEDIC. Ensuite ils sont effectivement payés pendant les représentations, ce qui leur permet de leur garantir des droits au chômage pour la période de répétition suivante.
Bien sûr, il n'est pas question de stigmatiser les intermittents, les abus et les fraudes de ce type existent dans tous les secteurs.
L'assurance chômage, comme toute assurance d'ailleurs, génèrent de nombreux abus et des fraudes et ce sont les gens honnêtes qui paient.
Mais utiliser le mot solidarité pour qualifier un financement d'activités structurellement non rentables me paraît un abus de langage. Je veux bien être solidaire pour aider une personne qui ne pouvait pas prévoir que son entreprise allait fermer et qui se retrouve au chômage après 20 ans de carrière mais je ne suis pas d'accord pour financer les passions personnelles non rentables de quelques français ou pour financer la production artistique française.
En tout état de cause, si les citoyens français sont d'accord pour financer le secteur culturel, cela doit se faire par l'intermédiaire de l'Etat et des impôts (et donc suite à une décision politique démocratique), et non pas par le biais du régime d'assurance chômage.
Ce sont surtout les syndicats professionnels qui gèrent le régime et qui en profitent. Ce sont les rentiers de la solidarité. Cela explique qu'ils ne sont pas favorables à une véritable réforme et que mêmes les syndicats patronaux finissent pas accepter les exigences des syndicats salariés.