A cause de la crise liée au virus, de nombreux locataires, entreprise ou particulier, ne pourront pas payer leurs loyers. Le propriétaire peut-il leur accorder des délais de paiement ou même des remises définitives sans risquer un rappel fiscal ?
Cette question peut surprendre mais il y a un principe général en fiscalité c'est celui de l'interdiction de l'acte anormal de gestion.
C'est une pure invention du Conseil d'Etat.
L'idée est que toute entreprise est tenue de rechercher le maximum de profits, en évitant les dépenses inutiles, et sans renoncer à des recettes.
J'ai une bonne nouvelle et une mauvaise nouvelle.
A ce jour aucune annonce n'a été faite par les services fiscaux pour accorder une suspension des délais dans les procédures fiscales le temps du confinement.
Mais dans un de mes dossiers, je l'ai demandée et je l'ai eue.
Merci à l'agent des impôts compréhensif.
Cela dit à mon avis c'est de droit, sauf à violer les droits du contribuable.
Dans une loi (LOI n° 2020-290 du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19, article 11) , il est prévu que le gouvernement puisse légalement instaurer ce type de suspension par une ordonnance. Affaire à suivre.
Dernière minute : l'ordonnance est publiée et elle indique :
Article 8
Lorsqu'ils n'ont pas expiré avant le 12 mars 2020, les délais imposés par l'administration, conformément à la loi et au règlement, à toute personne pour réaliser des contrôles et des travaux ou pour se conformer à des prescriptions de toute nature sont, à cette date, suspendus jusqu'à la fin de la période mentionnée au I de l'article 1er, sauf lorsqu'ils résultent d'une décision de justice.
Le point de départ des délais de même nature qui auraient dû commencer à courir pendant la période mentionnée au I de l'article 1er est reporté jusqu'à l'achèvement de celle-ci.
La France est en guerre contre le virus. Les gens se confinent et certains décèdent.
Mais la vie (fiscale) continue comme si de rien n'était !
En effet à ce jour, les services de Bercy n'ont rien annoncé pour ce qui est des procédures fiscales : les rappels en cours et les contentieux notamment.
Or, pour toutes ces procédures, les contribuables risquent d'avoir de graves difficultés pour respecter les délais et pour rencontrer leurs conseils.
Dans ces conditions, il faut que Bercy annonce une suspension de tous les délais des procédures fiscales pendant la durée du confinement, sauf à provoquer de graves atteintes à des droits constitutionnels.
Affaire à suivre….
Je vous propose un nouvel épisode de notre grande série : quels sont les effets de la décision du Conseil Contitutionnel du 8 février 2018 qui a abrogé la condition d'inscription au RCS comme condition pour être loueur en meublé professionnel (LMP) ?
(attention : cet épisode est réservé aux habitués de la série, les autres ne peuvent pas comprendre)
En effet, dans l'épisode précédent, la loi de finances pour 2020 est intervenue pour abroger cette condition mais avec effet seulement au 1er janvier 2020.
Dans ce contexte, il est possible de faire valoir, pour ceux qui y ont intérêt, que la suppression de la condition n'est intervenue qu'au 1er janvier 2020, ce qui peut leur permettre notamment de faire prévaloir le régime LMNP en 2019 du fait de leur non-inscription au RCS.
Mais l'administration dans sa doctrine de 2019 indiquait qu'il fallait considérer que la condition d'immatriculation avait été abrogée dès le 8 février 2018.
Nouvel épisode : l'administration change sa doctrine
Dans sa nouvelle doctrine au BOFIP portant sur la location meublée et publiée le 5 février 2020, il n'y a plus aucune mention sur la date à prendre en compte pour appliquer l'abrogation de la condition. Donc, l'administration a, de facto, selon moi, pris acte de la date d'entrée en vigueur de l'abrogation fixée au 1 er janvier 2020.
En pratique, cela signifie selon moi que l'adminisration ne va pas contester la date d'entrée en vigueur au 1 janvier 2020, alors même que, selon moi, cette entrée en vigueur est inconstitutionnelle puisqu'elle aboutit à retarder l'entrée en vigueur d'une décision du Conseil Constititutionnel, mais il est vrai que le rôle de l'administration est d'appliquer la loi.
Donc, ceux qui y ont intérêt peuvent demander à rester LMNP en 2019 s'ils n'étaient pas inscrits au RCS (et alors même qu'ils remplissaient les 2 conditions de seuil), ce qui n'interdit pas ceux qui y ont intérêt, à faire valoir l'inconstitutionnalité de l'inscription au RCS depuis février 2018, pour rester LMP, voir avant dans certains cas mais c'est déjà beaucoup plus incertain.
Pour les LMNP de 2019 devenant LMP en 2020, il y a lieu de se demander s'il ne serait pas judicieux de faire des retraits d'actif datés de 2019, ce qui est encore possible puisque les déclarations fiscales de l'année 2019 ne sont pas encore déposées. Mais cette question est très technique et supposerait des explications que je réserve à mes clients.
Attente du prochain épisode
En bonne logique l'article L 611-1 du code de la sécurité sociale devrait être modifié dans les prochains mois ou les prochaines années. En attendant, selon moi, seuls les loueurs en meublé qui font du court séjour et qui dépassent 23 K€ doivent être assujettis au régime des indépendants. Les autres non, même s'ils sont LMP, et mêmes s'ils sont toujours inscrits au RCS. Les chambres d'hôtes relèvent d'un autre régime.
Que penser de cette série ?
Le scénario est effroyablement compliqué et peu crédible pourtant c'est l'histoire du régime fiscal et social de centaines de milliers de français !
Pour se détendre, vous pouvez préférer une bonne série sur Netflix comme "Better call Saul" qu'on pourrait traduire pour les loueurs en meublé par "Mieux vaut appeler Paul (DUVAUX)"
Cette année, le jury du prix CAHUZAC s'est réuni le 8 janvier dans une grande brasserie parisienne en vue de fixer le palmarès pour 2020 (année 2019).
Le jury regroupait des sommités en matière fiscale, c’est-à-dire Frédéric LORENZINI, Philippe LOIZELET, Jean-Jacques LUBIN et votre serviteur.
Les débats ont été parfois engagés, mais toujours cordiaux, les convictions les plus tranchées pouvant parfois se délayer dans les boissons alcoolisées, ce qui est heureux.
Chers amis,
Deux nouvelles dates de formation sont prévues en 2020 : le 11 juin et le 9 juillet.
J'anime ces formations.
Le prix est de 675 € HT soit 810 € TTC (déjeuner inclus) avec un support extrêmement complet et dense de près de 260 pages, hors annexe.
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Elle s'adresse aux personnes ayant déjà un niveau minimum sur le sujet. C'est une formation d'approfondissement, donc avec un niveau technique élevé. Il est abordé les questions juridiques, comptables, fiscales et sociales, en partie à la carte, sur les sujets demandés par les stagiaires.
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Dernière minute (le 1er juin 2020) : ces formations sont annulées à cause du virus. Prochaine formation le mardi 6 octobre 2020.
Dans cette note, je propose d'évoquer les impôts locaux pouvant viser la location meublée et la parahôtellerie. Il s'agit de la taxe d'habitation, de la CFE et de la taxe foncière.
Comme d'habitude, ce n'est pas simple.
Quels sont les locaux meublés assujettis à la taxe d'habitation ?
En vertu de l'article 1407-I du CGI,
" I. La taxe d'habitation est due :
1° Pour tous les locaux meublés affectés à l'habitation ;
2° Pour les locaux meublés conformément à leur destination et occupés à titre privatif par les sociétés, associations et organismes privés et qui ne sont pas retenus pour l'établissement de la cotisation foncière des entreprises ;
3° Pour les locaux meublés sans caractère industriel ou commercial occupés par les organismes de l'Etat, des départements et des communes, ainsi que par les établissements publics autres que ceux visés à l'article 1408 II 1°."
Le local doit être pourvu d'un ameublement suffisant pour en permettre l'habitation.
L'importance et le confort du mobilier sont sans influence.
Sont considérés comme affectés à l'habitation les locaux meublés utilisés à des fins personnelles ou familiales à titre de résidence principale ou secondaire, ainsi que leurs dépendances.
En application du II de l'article 1407 du CGI,
"II. Ne sont pas imposables à la taxe :
1° Les locaux passibles de la cotisation foncière des entreprises lorsqu'ils ne font pas partie de l'habitation personnelle des contribuables ;"
S'agissant des locaux qui ne sont ni des résidences secondaires ni des résidences principales du loueur, il ne peut y avoir cumul de cotisation foncière et de taxe d'habitation.
La taxe d'habitation est-elle due même si le bien n'est pas occupé ?
La taxe est due si le local est à la disposition du contribuable.
La possibilité d'occuper un local à tout moment, suppose la réunion de deux conditions, la libre disposition d'un local imposable et la disposition permanente de ce local.
Un contribuable doit être considéré comme ayant la libre disposition d'une habitation lorsqu'il a la possibilité juridique ou matérielle de s'y installer à tout moment ou d'y installer des proches.
L'occupation effective de ces locaux est sans influence.
La taxe d'habitation n'est donc pas due si le contribuable ou sa famille sont dans l'impossibilité absolue d'occuper le local.
De plus, la libre disposition du local ne doit pas être précaire et temporaire. Elle doit revêtir un caractère suffisant de permanence.
La permanence ne doit pas être confondue avec la durée du séjour.
Aucune imposition ne doit être établie au nom d'un contribuable qui, pour un motif quelconque (santé, travail ou tourisme) prend en location une habitation meublée pendant quelques mois seulement.
En revanche, si nonobstant la courte durée du séjour, les locaux restaient à la disposition du contribuable toute l'année, l'imposition serait maintenue.
Le caractère privatif de l'occupation
La jouissance à titre privatif d'un local suppose qu'il y ait usage à titre personnel d'un logement distinct et que cet usage ne soit pas limité par des restrictions de caractère anormal.
D'une manière générale, les limitations à la jouissance qui résultent du règlement de copropriété ou du contrat de location ne sont pas de nature à ôter à l'occupation son caractère privatif.
La taxe d'habitation est-elle due par le loueur si le bien est affecté en totalité toute l'année à une activité de location meublée ou de parahôtellerie ?
Non, mais il est n'est pas toujours facile de démontrer cette affectation annuelle totale. Il faut pouvoir prouver que jamais le loueur ne peut l'occuper, par exemple par un contrat de mandat à un gérant qui porte sur toute l'année et exclut expressément tout droit d'occupation par le loueur.
La CFE
La contribution foncière des entreprises (CFE, à ne pas confondre avec la taxe foncière) est une des composantes de la contribution économique territoriale (CET) qui remplace la taxe professionnelle. La CET n'est pas due par les petites entreprises mais la CFE peut les concerner.
La taxe foncière est un autre impôt que la CFE et ne vise que les propriétaires alors que la CFE vise les exploitants.
Toute personne qui détient un immeuble dans une commune et qu'il l'utilise pour son activité professionnelle doit déclarer son activité dans cette commune pour être taxé à la CFE.
Quel est le champ d'application de la CFE ?
Toutes les activités fiscales sont en principe assujetties à cet impôt.
La location meublée et l'activité parahôtelière, même non professionnelle, est en principe assujettie à la CFE mais il y a des cas d'exonération.
Les cas d'exonération de la CFE sont visés à l'article 1459 du CGI :
"1° Les propriétaires ou locataires qui louent accidentellement une partie de leur habitation personnelle, lorsque d'ailleurs cette location ne présente aucun caractère périodique ;
2° Les personnes qui louent ou sous-louent en meublé une ou plusieurs pièces de leur habitation principale, sous réserve que les pièces louées constituent pour le locataire ou le sous-locataire en meublé sa résidence principale, et que le prix de location demeure fixé dans des limites raisonnables ;
3° Sauf délibération contraire de la commune ou de l'établissement public de coopération intercommunale doté d'une fiscalité propre :
b. Les personnes qui louent en meublé des locaux classés dans les conditions prévues à l'article L 324-1 du code du tourisme, lorsque ces locaux sont compris dans leur habitation personnelle ;
c. Les personnes autres que celles visées aux 1° et 2° du présent article ainsi qu'au b qui louent ou sous-louent en meublé tout ou partie de leur habitation personnelle."
Il y a donc 4 cas d'exonération possibles avec 2 cas de droit et 2 cas sous réserve de décision contraire de la collectivité locale.
Les cas d'exonération de droit sont :
1) la location accidentelle d'une partie de la résidence personnelle, meublé ou pas.
2) la location meublée à une personne qui en fait sa résidence principale, sous réserve d'un loyer raisonnable,
Les cas d'exonération sous réserve de décision contraire :
3) la location de meublé classé si le meublé est dans la résidence personnelle,
4) tout autre cas de location meublée de la résidence personnelle.
1) La location accidentelle d'une partie de sa résidence personnelle
La location est accidentelle même si elle dure plus d'un an, du moment qu'elle ne se renouvelle pas, et du moment qu'elle ne dure pas plusieurs années successives.
La location n'est pas accidentelle si elle se renouvelle plusieurs fois, même sur plusieurs années différentes et à des périodes différentes.
2) la location meublée à une personne qui en fait sa résidence principale, sous réserve d'un loyer raisonnable
L'habitation principale s'entend du logement où le redevable réside habituellement.
Mais il peut s'agir d'une pièce jamais occupée par le loueur ou d'un étage d'une maison qui en comporte plusieurs.
Il n'y a pas de définition du loyer raisonnable. Mais la doctrine administrative donne une telle définition indicative pour le régime d'exonération d'impôt sur le revenu de certaines locations visées à l'article 35 bis I du CGI : 138 € ou 187 € (Ile de France) par m² par an en résidence principale.
3) La location de meublé classé si le meublé est dans la résidence personnelle
Le logement doit être classé au sens du code du tourisme.
4) Tout autre cas de location meublée de la résidence personnelle
Le cas visé est celui d'une location meublée qui n'est pas classée comme meublé de tourisme, par exemple la chambre d'hôtes avec les prestations au sens du code de tourisme ou sans prestation.
Remarque sur la notion de résidence personnelle
Dans les cas 1, 3 et 4, l'exonération suppose de louer tout ou partie de sa résidence personnelle.
Une résidence personnelle est une résidence principale ou secondaire. Donc il faut que le loueur y habite, même de temps en temps, pour avoir droit à l'exonération. Cela exclut la location des habitations où le loueur n'habite jamais et où en conséquence il ne paie jamais la taxe d'habitation.
Il y a un lien entre la CFE et la taxe d'habitation.
Comme le loueur habite, même ponctuellement, dans les lieux, il est tenu de payer la taxe d'habitation. En contrepartie il peut échapper à CFE
Si le loueur affecte le bien toute l'année à l'activité, il échappe à la taxe d'habitation mais en contrepartie il n'échappe pas en principe à la CFE.
Mais dans certains cas, il peut quand même se retrouver dans une situation où il doit payer les deux taxes, notamment si la collectivité locale a exclu l'exonération prévue au cas 3 ou 4.
Dans le cas 2, il échappe à la fois à la taxe d'habitation et à la CFE.
Le Conseil d'Etat a considéré qu'une location de chambre d'hôtes ne pouvait échapper à la CFE si la chambre d'hôtes étaient mise en location toute l'année car alors, le loueur ne l'occupant jamais, elle ne pouvait pas être considérée comme sa résidence personnelle (CE 9e-10e ch. 9-10-2019 n° 417676, min. c/ Mme B. : RJF 1/20).
Cette décision est très critiquable car, par principe, le loueur chambre d'hôtes loue une pièce de sa résidence. Et peu importe que la chambre soit mise en location toute l'année.
Mais le Conseil d'Etat, en forçant la lettre du texte, a voulu aligner le cas d'exonération de CFE sur celui d'assujettissement à la taxe d'habitation. Si le loueur de chambre d'hôtes met la chambre en location toute l'année, il échappe à la taxe d'habitation mais ne peut pas éviter la CFE. Si le loueur de chambre d'hôtes conserve le droit d'utiliser la chambre une partie de l'année, il doit être assujetti à la taxe d'habitation sur cette chambre mais il peut éviter la CFE si la collectivité n'a pas exclu le cas d'exonération n°4.
Taxe d'habitation pour le loueur | CFE pour le le loueur | |
Location accidentelle de moins d'un an d'une partie de sa résidence personnelle* | Oui | Non |
Location meublée à une personne qui en fait sa résidence principale, sous réserve d'un loyer raisonnable | Non | Non |
Location meublée non accidentelle de sa résidence personnelle | Oui | Non** |
Autre cas de location meublée avec affectation permanente à l'activité | Non | Oui |
Autre cas de location meublée sans affectation permanente à l'activité | Oui | Oui |
*la résidence personnelle est la résidence principale ou secondaire | ||
**si l'exonération n'est pas exclue par la collectivité locale |
Quel est le régime en taxe foncière des meublés et des parahôteliers ?
La taxe foncière est due par tous les propriétaires d'immeubles, y-compris en principe pas les propriétaires qui sont aussi exploitants d'une activité de meublé de tourisme et de parahôtellerie.
Il existe un régime d'exonération dans les zones de revitalisation rurale (ZRR) prévu à l'article 1383 E bis du CGI pour les meublés de tourisme classés et les chambres d'hôtes, sous réserve d'une décision de la collectivité locale.
Il y a un espoir d'obtenir un crédit d'impôt pour les investisseurs qui ont engagé des dépenses avant 2019 en vue d'exploiter un meublé de tourisme en Corse.
Rappel des épisodes précédents
Le régime initial
Le crédit d'impôt pour investissement en Corse (CIIC) existe depuis 2002.
Il a été inséré à l'article 244 quater E du Code général des impôts (CGI) par la loi n° 2002-92 du 22 janvier 2002 relative à la Corse.
Il s'agit d'une mesure incitative visant à favoriser l'activité économique en Corse, en permettant aux investisseurs de bénéficier d'un avantage fiscal.
Le dispositif s'adresse principalement aux petites et moyennes entreprises relevant d'un régime réel d'imposition réalisant un investissement en Corse en vue de développer une activité industrielle, commerciale, artisanale ou libérale.
Ce dispositif s'applique notamment aux investissements neufs dans le secteur hôtelier.
Il est admis que les entreprises de meublé touristique relève de ce secteur sous réserve que soient fournis aux clients touristes des services parahôteliers suffisants.
Il peut permettre notamment aux investisseurs de récupérer rapidement 30 % du coût de la construction d'un logement destiné à l'activité professionnelle de meublé touristique, sous certaines réserves prévues par le texte, et notamment d'affecter le bien à cette activité pendant au moins 5 ans.
Initialement, ce dispositif de faveur était réservé aux investissements réalisés entre le 1er janvier 2002 et le 31 décembre 2011. Or, sa durée a été prolongée deux fois.
Tout d'abord, l'article 39 de la quatrième loi de finances rectificative pour 2011 a étendu sa durée jusqu'au 31 décembre 2016.
Ensuite, une deuxième prorogation jusqu'au 31 décembre 2020 a été prévue à l'article 78 de la seconde loi de finances rectificative pour 2014.
L'amendement excluant les meublés touristiques du CIIC
Le 5 octobre 2018, M. Jean-Félix ACQUAVIVA a présenté un amendement n° I-893 au projet de loi de finances pour 2019 visant à modifier l'article 244 quater E du Code général des impôts, en vue d'exclure les meublés de tourisme des activités pouvant prétendre au crédit d'impôt pour investissement en Corse (CIIC).
Un amendement (n° 1574) strictement identique a été ensuite déposé par la Commission.
Repris à l'article 22 de la loi de finances pour 2019 (loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019), il a exclu du bénéfice du CIIC les investissements permettant l'exploitation d'une activité de gestion et de location de meublés de tourisme et plus précisément, ceux qui ont été réalisés à compter du 1er janvier 2019.
Article 22. - I. - Le I de l'article 244 quater E du CGI est ainsi modifié :
1° Après le a du 1°, il est inséré un a bis ainsi rédigé :
« a bis. la gestion et la location de meublés de tourisme situés en Corse ; »
2° Le premier alinéa du 3° est complété par les mots : «, à l'exclusion des meublés de tourisme ».
II. - Le I s'applique aux investissements réalisés à compter du 1er janvier 2019.
Le texte initial a finalement été modifié, pour prévoir l'exclusion de l'activité de location de meublé de tourisme pour les investissements réalisés à compter du 1er janvier 2019.
Le motif de la réforme
Dans le texte officiel de présentation de l'amendement à l'Assemblée Nationale (pièce 1), il est indiqué :
"Le Crédit d'impôt pour certains investissements réalisés et exploités en Corse (CIIC) est une mesure fiscale importante en faveur des petites et moyennes entreprises (…)
Cependant, cette mesure a clairement été détournée pour bon nombre de promoteurs immobiliers ou sociétés de gestion patrimoniale qui présentent le CIIC à grand renfort de publicités, comme je cite – "un formidable outil d'investissement immobilier au service de l'optimisation fiscale" qui faciliterait les investisseurs "désireux d'acquérir un bien immobilier en Corse et dédié à la location saisonnière avec services parahôteliers". Dans les faits, ce CIIC a permis un abattement de 30 % pour la construction d'une résidence secondaire, destinée à la location meublée, sur une durée minimum de 5 ans.
Ainsi, on peut aisément dire que le CIIC a grandement participé au phénomène de spéculation immobilière et de dépossession foncière à l'œuvre sur l'île, au détriment des finances publiques et de la population insulaire pour qui il est difficile de se loger ou d'accéder à la propriété, à cause de la flambée des prix. Pour rappel, le taux de résidence secondaire est de 37,2 % en Corse alors qu'il est de 9,6 % en France."
Les réponses ACQUAVIVA
Dans une première réponse publiée le 12 mars 2019 (question n° 15262 ), il est indiqué notamment :
"Par suite, les meublés de tourisme acquis par l'entreprise dans le cadre d'un contrat de vente en l'état futur d'achèvement conclu avant le 1er janvier 2019 seront éligibles au CIIC dès lors que ceux-ci sont achevés au 31 décembre 2020. Pour les biens fabriqués par l'entreprise elle-même, le paragraphe 490 du même BOFIP précise que « la date à retenir est celle de l'achèvement du bien ». Il en résulte que, les constructions achevées à compter du 1er janvier 2019 ne sont pas éligibles au CIIC. Néanmoins, pour les entreprises ayant conclu des contrats de construction avant le 1er janvier 2019 portant au moins sur le gros œuvre, hors d'eau et hors d'air, et ayant effectué une déclaration d'ouverture de chantier avant cette même date, il sera également admis que la date de conclusion du contrat correspond à la date de réalisation de l'investissement pris dans son ensemble dès lors que celui-ci est achevé au 31 décembre 2020."
Dans une deuxième réponse publiée le 30 avril 2019 (question n° 18137), il est indiqué notamment :
"En complément de la réponse à la question écrite n° 15262, il est précisé que par tempérament, lorsque le contrat de vente en l'état futur d'achèvement n'a pu intervenir avant le 1er janvier 2019, les investissements effectués dans des meublés de tourisme ayant fait l'objet d'un contrat préliminaire de réservation, prévu à l'article L. 261-15 du code de la construction et de l'habitation, signé et déposé au rang des minutes d'un notaire ou enregistré au service des impôts des entreprises au plus tard le 31 décembre 2018 seront également éligibles au CIIC dès lors que ces investissements sont achevés au 31 décembre 2020."
Caractère inconstitutionnel de la réforme
Selon moi, cette disposition légale est discriminatoire puisqu'elle maintient le droit au crédit d'impôt pour les chambres d'hôtes et l'exclut pour les meublés de tourisme en vue d'évincer les investisseurs continentaux et pour lutter contre la "dépossession foncière".
La décision du Conseil d'Etat
Un recours pour excès de pouvoir a été engagé contre la deuxième réponse Acquaviva, non en vue de l'annuler, mais en vue d'obtenir l'abrogation de cette réforme comme étant inconstitutionnelle.
Mais le Conseil d'Etat n'a pas pris en compte cette demande d'action en inconstitutionnalité, tout en annulant la réponse, ce qui n'était pas en fait l'objectif recherché, dans une décision du 27 septembre 2019 (n° 432067).
Un nouvel amendement
Le texte
Mais, suite à cette annulation, le député Acquaviva a introduit dans la loi de finances pour 2020 un nouveau texte en vue de rétablir le principe contenu dans la réponse annulé. Ce nouveau texte est intéressant car il pourrait permettre selon moi à certains investisseurs ayant déjà réalisé des démarches en 2018 pour établir leur entreprise de meublé de tourisme de bénéficier finalement du crédit d'impôt.
Ce texte a été intégré dans la version du projet de loi de finances adopté par l'Assemblée Nationale à l'article 13 decies. Mais il ne s'agit pas encore du texte définitif.
Ce texte prévoit :
Le II de l’article 22 de la loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019 est complété par deux phrases ainsi rédigées :
« Le I ne s’applique pas aux investissements que le contribuable justifie avoir pris l’engagement de réaliser avant le 31 décembre 2018, et dès lors que ces investissements sont achevés au 31 décembre 2020. À titre transitoire, les investissements effectués dans des meublés de tourisme ayant fait l’objet d’un contrat préliminaire de réservation prévu à l’article L. 261-15 du code de la construction et de l’habitation, signé et déposé au rang des minutes d’un notaire ou enregistré au service des impôts des entreprises au plus tard le 31 décembre 2018, sont éligibles au crédit d’impôt prévu à l’article 244 quater E du code général des impôts dès lors que ces investissements sont achevés au 31 décembre 2020. »
Un possible droit au crédit pour les personnes ayant pris un engagement avant la réforme
Le texte rétablit le droit pour les investisseurs ayant signé un contrat préliminaire de réservation enregistré avant le 31 décembre 2018 de bénéficier du crédit d'impôt.
Mais il indique également que ce texte d'exclusion des meublés de tourisme ne s'applique pas aux investissements que le contribuable justifie avoir pris l'engagement de réaliser avant le 31 décembre 2018 et dès lors que ces investissements sont achevés au 31 décembre 2020.
Sur ce point il est intéressant de citer le rapport de la Commission des finances du Sénat :
"Votre rapporteur général considère qu'il est légitime de permettre aux contribuables qui ont signé un contrat préliminaire de réservation avant le 31 décembre 2018 de pouvoir bénéficier du CIIC. Ceux-ci ont en effet pris un engagement ferme avant que le législateur ne remette en cause l'éligibilité de leur investissement au dispositif de crédit d'impôt.
Cependant, la rédaction du présent article va au-delà de ce seul cas et étend le dispositif à l'ensemble des engagements antérieurs au 31 décembre 2018 dont les contribuables peuvent se justifier.
Si la formulation actuelle de l'article laisse à l'administration fiscale le soin de qualifier les engagements antérieurs ouvrant droit au crédit d'impôt, une restriction aux seuls engagements contractés dans le cadre de contrats préliminaires de réservation pourrait avoir pour conséquence de faire persister une situation d'insécurité juridique pour les autres types d'engagement dont les contribuables pourraient se prévaloir."
Donc selon moi, toute personne qui peut justifier qu'il a pris l'engagement de réaliser un investissement avant la fin de l'année 2018 peut bénéficier du crédit d'impôt. Il ne s'agit pas nécessairement des cas de conclusion d'un accord de réservation enregistré mais de tous les cas d'engagement. Le problème est d'être capable de le prouver.
Pour les meublés de tourisme qui ont commencé leur investissement seulement en 2019 sans prendre d'engagement en 2018
S'agissant des exploitants de meublé de tourisme qui ont commencé leur investissement en 2019, et sans s'être engagé en 2018, et si le bien est achevé avant fin 2020, ils peuvent demander selon moi quand même à bénéficier du crédit d'impôt en faisant valoir l'inconstitutionnalité du texte. Mais à ce jour, aucune décision n'est venue confirmer ma position et je ne peux garantir le succès d'un contentieux sur ce point.
Dernière minute (6 janvier 2020).
Le texte figure bien à l'article 57 de la loi de finances publiée au JO :
Article 57. - Le II de l'article 22 de la loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019 est complété par deux phrases ainsi rédigées : « Le I ne s'applique pas aux investissements que le contribuable justifie avoir pris l'engagement de réaliser avant le 31 décembre 2018, et dès lors que ces investissements sont achevés au 31 décembre 2020. À titre transitoire, les investissements effectués dans des meublés de tourisme ayant fait l'objet d'un contrat préliminaire de réservation prévu à l'article L 261-15 du Code de la construction et de l'habitation, signé et déposé au rang des minutes d'un notaire ou enregistré au service des impôts des entreprises au plus tard le 31 décembre 2018, sont éligibles au crédit d'impôt prévu à l'article 244 quater E du CGI dès lors que ces investissements sont achevés au 31 décembre 2020. »
Le 8 février 2018, le Conseil Constitutionnel a déclaré inconstitutionnelle l'obligation imposée au loueur en meublé de s'inscrire au registre du commerce pour relever du régime du loueur en meublé professionnel, avec effet immédiat.
Inaction fautive du législateur et des organismes publics
Suite à cette décision, le législateur n'a rien fait pendant plus d'un an et demi pour modifier le texte.
C'est ainsi que, toujours à ce jour, et notamment sur le site Internet officiel de l'Etat, LEGIFRANCE, le code général des impôts mentionne cette obligation à l'article 155 IV.
Sur renvoi de l'article L 611 -1 du code de la sécurité sociale, l'immatriculation figure toujours à ce jour parmi les conditions d'assujettissement des loueurs en meublé au régime des travailleurs indépendants.
Les services fiscaux ont toutefois tenu compte de cette décision, un an après, en modifiant leur doctrine le 20 mars 2019 pour indiquer que la condition d'inscription devait être considérée comme ne s'appliquant plus depuis la décision du Conseil Constitutionnel du 8 février.
Mais sur son site Internet l'URSSAF continue à ce jour de considérer que cette condition est toujours en vigueur et l'URSSAF exige toujours l'inscription au RCS pour tous les loueurs en meublé qui cherchent à s'affilier au régime des travailleurs indépendants (sauf s'ils optent pour le régime général). Ainsi l'URSSAF viole la Constitution depuis près de 2 ans.
Le projet de loi de finances pour 2020 prévoit de supprimer la condition d'immatriculation
Mais dans le projet de loi de finances pour 2020 suite à un amendement inspiré par Bercy à M. GIRAUD, il est prévu l'abrogation du texte inconstitutionnel.
Curieusement, il est prévu que la modification du texte ne s'applique qu'à compter du 1er janvier 2020 alors que la décision d'inconstitutionnalité était d'application immédiate.
Selon moi, cette modification tardive du texte n'est pas opposable aux contribuables qui auraient intérêt à faire valoir leur absence d'immatriculation pour s'opposer à l'application du régime des loueurs en meublé professionnel, du moins au titre des années 2018 et 2019.
L'URSSAF ne fait rien et met les loueurs en meublé dans l'impossibilité de s'affilier
Curieusement, le législateur n'a pas prévu de modifier l'article L 611-1 du code de la sécurité sociale qui renvoie à cette condition.
Selon moi, les loueurs en meublé immatriculés au registre du commerce peuvent faire valoir le caractère inconstitutionnel du texte et refuser l'assujettissement.
Donc seuls les exploitants de meublé de tourisme qui dépassent 23 K€ de chiffre d'affaires doivent s'affilier à l'URSSAF.
Mais en pratique, ces professionnels ne peuvent pas s'affilier car l'URSSAF leur impose, dans ses procédures, de s'immatriculer au registre du commerce, ce qui est inconstitutionnel !
Le seul moyen de s'immatriculer sans s'inscrire au registre du commerce est d'opter pour le régime général, mais ce moyen ne devrait être qu'une option et non un régime obligatoire, et par ailleurs, cette option n'est possible que pour les professionnels dont le chiffre d'affaires ne dépasse pas 82 800 €.
De plus, à ce jour l'URSSAF n'a pas jugé utile de publier une circulaire pour expliciter les conditions d'application du régime social du loueur en meublé, de sorte qu'en pratique, les agents sur le terrain se révèlent incapables de répondre aux questions des loueurs en meublé.
Il est temps que l'URSSAF réagisse et prenne en compte la décision du Conseil Constitutionnel.
Texte de loi en projet (après première lecture à l'Assemblée Nationale)
Article 50 septies :
I. – Le 2 du IV de l’article 155 du code général des impôts est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, le mot : « trois » est remplacé par le mot : « deux » ;
2° Le 1° est abrogé.
II. – Le 2 du IV de l’article 155 du code général des impôts, dans sa rédaction résultant du I du présent article, s’applique aux revenus et profits perçus ou réalisés à compter du 1er janvier 2020.
Dernière minute au 8 janvier 2020 : le texte fiscal a été définitivement adopté par la loi de finance pour 2020
Il est assez délirant que la loi prévoit un effet au 1er janvier 2020. C'est inconstitutionnel car une décision du Conseil Constitutionnel est d'effet immédiat et la loi ne peut déroger à ce principe.
Comme le texte adopté renvoie à une date d'effet au 1er janvier 2020, cela pourrait servir à ceux qui y ont intérêt à revendiquer le régime LMNP en 2018 et 2019 en l'absence d'insciption au RCS, en partant du principe que la condition d'inscription était toujours obligatoire selon la loi avant 2020, en rappelant qu'à ce jour la doctrine administrative prévoit toujours un effet à la date de la décision.
Mais l'opposabilité de cette date de report prévue dans la loi ne me paraît pas certaine, s'agissant d'un texte inconstitutionnel.
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