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Location meublée et parahôtellerie

Démêlez les noeuds de la fiscalité
vendredi, 05 juillet 2013 13:18

Résidences hôtelières : le régime de la clause recettes

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Lorsqu'une résidence hôtelière fait faillite, une des difficultés rencontrées par les propriétaires est la recherche d'un nouvel exploitant. La fixation d'un loyer est un point pouvant bloquer les négociations.

Le propriétaire veut la sécurité d'un loyer fixe pour rembourser les échéances de l'emprunt. Le nouvel exploitant veut éviter de s'engager à verser un loyer trop élevé alors que la rentabilité de la résidence est incertaine.

Face à ces intérêts opposés, il est souvent prévu l'insertion dans le bail d'une clause de variation de prix, dite clause recettes.

En général, il est prévu un loyer fixe réduit complété par un loyer variable, en fonction d'un chiffre d'affaires ou d'un résultat net d'exploitation. Le loyer fixe peut lui-même évoluer en fonction d'un indice.

En pratique, il est possible de mettre en place des modes de calcul plus compliqué qu'un simple pourcentage, par exemple avec un pourcentage variable selon des seuils.

La clause recettes est demandée par certains exploitants et elle est souvent envisagée dans les schémas d'auto-exploitation (reprise de l'exploitation par une société créée par des propriétaires).

Mais cette clause pose des problèmes fiscaux et juridiques.

 

REGIME DEMESSINE

A titre préliminaire, le régime DEMESSINE admet, de manière dérogatoire au droit commun et sous certaines conditions, l'indexation des loyers sur le chiffre d'affaires.

En principe, les loyers provenant d'une location nue sont imposés dans la catégorie des revenus fonciers. Lorsque le bailleur est intéressé au résultat, il court le risque de voir l'administration requalifier ces revenus en BIC et remettre en cause la réduction d'impôt, laquelle suppose en principe la location nue en revenus fonciers.

L'article 199 E decies du CGI prévoit néanmoins :

" Tout contribuable qui, entre le 1er janvier 1999 et le 31 décembre 2010, acquiert un logement neuf ou en l'état futur d'achèvement faisant partie d'une résidence de tourisme classée dans une zone de revitalisation rurale et qui le destine à une location dont le produit est imposé dans la catégorie des revenus fonciers bénéficie d'une réduction d'impôt sur le revenu. L'indexation d'une part minoritaire du loyer sur le chiffre d'affaires ne fait pas obstacle à l'imposition dans la catégorie des revenus fonciers".

Le Bulletin Officiel des Finances Publiques précise :

"A cet égard, la loi prévoit que la part d'indexation du loyer sur le chiffre d'affaires doit être minoritaire. En d'autres termes, elle doit être strictement inférieure à 50 % du montant du loyer". (BOI-IR-RICI-50-10-10 n°410, 12-09-2012)

"Le caractère minoritaire de cette part du loyer est justifié par le contribuable par la production d'une copie du contrat de bail (ou de son avenant) conclu avec l'exploitant". (BOI-IR-RICI-50-10-10 n°420, 12-09-2012)

Lorsqu'une location est régie par le régime DEMESSINE, la part variable du loyer doit être inférieure à 50 % des loyers, au risque pour le bailleur de voir ses loyers requalifiés en BIC.

"Lorsque la part du loyer indexée sur le chiffre d'affaires est supérieure ou égale à 50 % du montant du loyer, les produits tirés de la location relèvent de la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux et la réduction d'impôt obtenue est remise en cause". (BOI-IR-RICI-50-10-10 n°430, 12-09-2012)

Attention : cette dérogation légale ne vaut que pour le régime DEMESSINE et pour la durée de 9 ans de ce régime. Après 9 ans, si la clause est maintenue, l'administration pourra invoquer le passage en mode BIC hôtelier mais sans que cela ne puisse toutefois remettre en cause la réduction d'impôt du régime DEMESSINE. De même, après 9 ans, si les propriétaires souhaitent passer en régime fiscal de la location meublée, cela risque d'être refusé, s'ils conservent la clause recettes car le régime de la location meublée est incompatible, en principe, avec le régime spécial du meublé (qui est un sous-régime BIC).

 

CONSEQUENCES FISCALES

En présence de clause recettes, l'administration peut considérer que l'activité exercée s'analyse comme une forme de co-exploitation de l'activité du locataire. Autrement dit, avec une clause recettes, l'administration considère que le bailleur participe à l'activité du locataire et doit relever du même régime fiscal. Comme le locataire est un exploitant hôtelier, le propriétaire doit être taxé comme un exploitant hôtelier. L'administration l'a notamment précisé dans sa doctrine sur la définition de la location meublée.

En fait, la requalification n'est pas automatique. La clause recettes est un élément qui peut justifier la requalification. L'administration le précise dans sa doctrine sur la définition de la location meublée :

"La location à un exploitant qui, sous sa seule responsabilité, effectue les prestations de service inhérentes à son activité hôtelière ou para-hôtelière, de lots de copropriété comprenant des parties privatives et des parties communes constituées, outre les dépendances habituelles (hall, parking, voie d'accès ...), d'espaces nécessaires à cette activité (salle de restauration, local pour le personnel, salle médicalisée...), relève du régime fiscal de la location meublée lorsque : (...)

- la location ne constitue pas pour le bailleur le moyen de participer à la gestion ou aux résultats de la société d'exploitation (les formules de rémunération du bailleur se référant ou combinant des données propres à l'activité, au chiffre d'affaires ou aux résultats de l'entreprise locataire peuvent constituer des moyens de participation à la gestion ou aux résultats. (...)" (BOI-BIC-CHAMP-40-10-20120912).

Un autre indice d'une co-exploitation est la situation où le bailleur et le locataire ont des liens patrimoniaux. C'est pourquoi, il faut selon moi éviter la clause recettes en cas d'auto-exploitation car, dans cette situation, les propriétaires contrôlent le locataire. Il faut préférer d'autre mode d'adaptation du loyer.

En tout état de cause, dans tous les cas, si le système de la clause recettes est choisi, pour réduire les risques de requalification fiscale, il faut prévoir son plafonnement à un niveau réduit, comme 20 % du loyer total. Mais un tel plafonnement ne correspond pas à la logique économique de la clause recettes.

 

CONSEQUENCES JURIDIQUES DE LA CLAUSE RECETTES DANS UN BAIL COMMERCIAL

Dans un bail classique, à l'occasion du renouvellement, le loyer peut être modifié en fonction de la valeur locative. Dans certaines limites, le bailleur, comme le locataire, peuvent demander une modification du loyer, si ce dernier est trop faible ou trop élevé par rapport à la valeur locative, c'est-à-dire le loyer normal constaté pour ce type de bien.

En présence de clause recettes, même en complément d'un loyer fixe, aucune modification du loyer n'est possible et donc en cas de renouvellement du bail, le loyer reste fixé tel que prévu dans le premier bail.

Il est toutefois possible de déroger à cette règle et de prévoir dans le bail que, en cas de renouvellement, le loyer sera fixé selon de nouvelles modalités. Il est possible par exemple de prévoir que, à l'occasion du premier renouvellement, le loyer sera fixé selon une autre méthode de calcul, par exemple une clause recettes différente ou au contraire que le nouveau loyer deviendra fixe et déterminé, en début de bail, sur la base d'un calcul forfaitaire de la valeur locative (par exemple 30 % du chiffre d'affaires moyen réalisé sur les trois dernières années).

 

COMMENT EVITER LA CLAUSE RECETTES

Pour éviter tout risque de requalification fiscale, le mieux est d'éviter les clauses recettes.

Cela pose problème car la clause recettes est économiquement adaptée à la situation d'une résidence dont la rentabilité est incertaine.

Si le schéma est celui d'une auto-exploitation, il vaut mieux un loyer fixe faible, quitte à le revoir ensuite par avenant, s'il s'avère trop réduit par rapport à la rentabilité réelle de la résidence.

Si les propriétaires font appel à un exploitant indépendant, il vaut mieux créer aussi une société d'auto-exploitation intermédiaire et celle-ci conclut un contrat de mandat avec l'exploitant. Le mandat offre en effet plus de souplesse que le bail commercial. Certains exploitants proposent ce type de contrat. C'est leur intérêt car ils ne prennent aucun risque. Il faut le négocier avec beaucoup d'attention et garder notamment la liberté d'y mettre fin à un coût réduit.

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