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Location meublée et parahôtellerie

Démêlez les noeuds de la fiscalité
mardi, 31 décembre 2024 16:28

URSSAF un jour, URSSAF toujours ? oui selon la Cour d'appel d'Amiens

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Dans la décision jointe ci-après du 9 avril 2024, la Cour d'appel d'Amiens valide la position de l'URSSAF selon laquelle si vous êtes assujetti une année, vous devez le restez tant que votre activité de location meublée continue, et cela quand bien même vous perdriez le motif d'assujettissement initial au titre des années suivantes.

Par exemple, vous faites de la location meublée longue durée et vous êtes LMNP et puis, une année, vous devenez LMP et donc assujetti à l'URSSAF au titre des travailleurs indépendants.

Et bien, selon l'URSSAF, vous devez rester assujetti à l'URSSAF tant que dure l'activité de location meublée, quand bien même vous êtes ensuite redevenu LMNP.

Selon moi, c'est contraire à une interprétation littérale de la loi.

Si un régime d'assujettissement pose des conditions sur la base d'un seuil de chiffre d'affaires, il paraît logique de considérer que cet assujettissement cesse si le chiffre d'affaires passe sous le seuil.

Rien dans le texte ne prévoit que l'assujettissement est définitif. Le seuil définit le caractère professionnel de l'activité au sens social. Donc si le seuil n'est plus atteint, l'activité n'est plus professionnelle. Cette position est conforme au régime fiscal auquel le texte social renvoie. Si la personne n'est plus professionnelle au sens fiscal, elle ne devrait plus l'être également au sens social.

Enfin, d'une manière générale et de toute façon, le texte est inconstitutionnel pour plusieurs raisons.

Tout d'abord, et de façon générale, le texte définit l'assujettissement sur la base des critères de revenus professionnels et de recettes réalisés en cumulant ceux du foyer fiscal.

Ainsi, une même personne peut être assujettie si elle est célibataire, et non-assujettie si elle est mariée, ou inversement. Par ailleurs l'assujettissement ne dépend pas des conditions d'exercice individuelles de l'activité mais d'un environnement familial. De nombreux arguments peuvent être soulevés selon moi pour faire constater par le juge le caractère inconstitutionnel du texte.

Ensuite, si le texte doit s'interpréter comme maintenant l'assujettissement même si le chiffre d'affaires baisse, il crée une rupture d'égalité. Ainsi, une personne, LMNP avec exactement le même chiffre d'affaires qu'une autre, pourrait être assujettie, compte tenu d'un passé lointain de LMP, alors que l'autre personnne LMNP, n'ayant jamais été LMP, resterait exonérée.

Dans l'exposé des motifs de la loi qui a assujetti les LMP au régime des indépendants, il y avait l'idée d'aligner le régime social sur le régime fiscal, en considérant que si une personne était professionnelle au sens fiscal, elle devait aussi l'être au sens social. En ce sens la position de l'URSSAF n'est pas conforme à l'esprit du texte.

La Cour d'Appel d'Amiens en a décidé autrement.

Mais tout indique que le dossier a été mal défendu car le caractère inconstitutionnel n'a pas été sérieusement invoqué puisqu'il n'y a pas eu de QPC (question prioritaire d'inconstitutionnalité), ce qui est une obligation procédurale quand un motif d'inconstitutionnalité est soulevé.

Par ailleurs, le juge d'appel d'Amiens ne paraît pas d'une grande compétence. Il se limite à reprendre la position de l'URSSAF sans trop se poser de question.

Notez en particulier l'argument pour refuser la discrimination : selon le juge, il n'y a pas de discrimination quand les situations sont différentes.

Mais ce n'est pas la bonne définition de la discrimination.

La discrimination ce n'est pas quand la loi est appliquée différemment à deux personnes dont la situation est strictement identique. Un telle situation relève de violation pure et simple de la loi.

La discrimination inconstitutionnelle c'est quand la loi donne lieu à une application différenciée entre deux personnes, sur la base d'une différence réelle, mais qui est sans rapport avec l'objectif légitime de la loi.

Par exemple, si la loi prévoit d'appliquer un impôt aux seules personnes qui ont les yeux bleus, il y a une discrimination inconstitutionnelle car la couleur des yeux ne peut pas être un critère d'assujettissement pour un impôt.

Au cas particulier, il y a selon moi une discrimination inconstitutionnelle car l'assujettissement se base sur une situation passée, peu importe la situation actuelle, et aussi parce que l'assujettissement se base notamment sur la situation de recettes ou de revenus de mon conjoint alors que les activités d'un éventuel conjoint sont sans rapport avec les miennes, et qu'il n'y a pas lieu d'assujettir une personne en raison des revenus de son conjoint sans aucun rapport avec son activité.

Par ailleurs, il y a lieu de se demander s'il est légitime de baser un assujettissement aux cotisations sociales sur la base du seul critère des recettes. Une activité professionnelle devrait être qualifiée comme telle sur la base de sa nature intrinsèque, et non pas sur le montant des recettes obtenues. Un commerçant reste assujetti au régime social même si ses recettes diminuent fortement.

Selon moi, seules les activités de meublé touristique devraient être assujetties obligatoirement au régime social des indépendants, compte tenu de leur caractère commercial, alors que les activités de location meublée longue durée sans service, de nature civile, devraient y échapper.

A ma connaissance, le seul autre cas d'assujettissement sur la base d'un seuil est celui des exploitant des chambre d'hôtes qui sont assujettis si leur revenu (et non leurs recettes) dépasse le seuil de 13 % du plafond de la sécurité sociale.

Cette décision de la Cour d'Appel d'Amiens est très gênante et j'espère qu'il y aura bientôt un autre contentieux, avec une défense plus sérieuse, pour essayer de l'annuler.

Je lance un appel à tout loueur en meublé en conflit avec l'URSSAF sur ce type de litige et qui souhaite faire du contentieux : je suis motivé (et armé) pour attaquer.

 

COUR D'APPEL D'AMIENS
2EME PROTECTION SOCIALE
ARRET DU 09 AVRIL 2024
N° RG 22/00917 - N° Portalis DBV4-V-B7G-ILRM - N° registre 1ère instance : 21/00477
JUGEMENT DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE VALENCIENNES EN DATE DU 08 décembre 2021

PARTIES EN CAUSE :

APPELANT

Monsieur [R] [F]

Représenté et plaidant par Me Caroline AUTRET, avocat au barreau de NANTES, vestiaire : 54 et ayant pour avocat postulant Me Patrice DUPONCHELLE de la SCP VAN MARIS-DUPONCHELLE, avocat au barreau d'AMIENS, vestiaire : 106

ET :

INTIMEE
URSSAF CHAMPAGNE ARDENNE agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentée et plaidant par Me Laetitia BEREZIG de la SCP BROCHARD-BEDIER ET BEREZIG, avocat au barreau d'AMIENS

Le 09 Avril 2024, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2e alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, Mme Jocelyne RUBANTEL, Président a signé la minute avec Mme Blanche THARAUD, Greffier.

DECISION

Le 27 mars 2020, l'Urssaf Champagne a notifié à M. [F], loueur de meublés de courte durée, son affiliation à compter du 31 décembre 2019 dans la mesure où ses revenus annuels de location avaient été supérieurs à 23 000 euros pour l'année 2019.

Par mail du 1er mars 2021, M. [F] a sollicité la radiation de son compte au motif que les revenus de son activité de location étaient inférieurs à 23 000 euros pour l'année 2020.

L'Urssaf ayant rejeté sa demande le 11 mars 2021, M. [F] a saisi la commission de recours amiable, laquelle, par décision du 5 mai 2021 a maintenu la décision de l'Urssaf.

Saisi par M. [F], le tribunal judiciaire de Valenciennes par jugement prononcé le 14 janvier 2022 a :

- débouté M. [F] de ses demandes,

- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné M. [F] aux dépens.

Par déclaration du 28 février 2022, M. [F] a relevé appel de ce jugement qui lui avait été notifié par courrier recommandé dont il avait accusé réception le 1er février 2022.

Les parties ont été convoquées à l'audience du 13 avril 2023, date à laquelle un renvoi a été accordé à la demande de l'appelant et l'affaire a ainsi été fixée au 8 février 2024.

Aux termes de ses conclusions transmises par RPVA le 30 mars 2023, M. [F] demande à la cour de :

- réformer le jugement du tribunal judiciaire de Valenciennes en date du 14 janvier 2022,

- annuler la décision de la commission de recours amiable du 16 juillet 2021,

- rembourser à M. [F] les cotisations sociales payées au titre de son activité de location de meublés de courte durée en 2020 dès lors que ses recettes étaient inférieures à 23 000 euros,

- condamner l'Urssaf à lui payer la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Au soutien de ses demandes, M. [F] soutient que l'obligation alléguée par l'Urssaf de maintien de l'affiliation même lorsque les revenus sont inférieurs à 23 000 euros ne repose sur aucun fondement textuel.

Le tribunal judiciaire a fondé sa décision sur les dispositions de l'article L. 311-2 du code de la sécurité sociale, ce qui ne justifie pas du caractère définitif de l'affiliation. En raisonnant par analogie avec le système fiscal, le jugement devrait être infirmé.

Il soutient d'autre part que le raisonnement des premiers juges ne repose pas sur une analyse juridique mais seulement sur l'application des principes édictés par l'Urssaf sur son site internet.

Or, le fait que loueur de meublé de courte durée bénéficie d'un abattement lors de sa première affiliation ne signifie pas que l'affiliation est pérenne.

M. [F] soutient enfin que l'affiliation définitive, jusqu'à la cessation d'activité, est inconstitutionnelle dès lors qu'elle entraîne une rupture d'égalité entre des particuliers qui au cours d'une même année auraient des recettes identiques.

L'Urssaf, aux termes de ses écritures transmises par courrier réceptionné le 11 avril 2023 demande à la cour de :

- la recevoir en ses demandes et l'en déclarer bien-fondée,

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement du pôle social du tribunal judiciaire de Valenciennes du 14 janvier 2022,

- débouter M. [F] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- condamner M. [F] au paiement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Au soutien de ses demandes, l'Urssaf expose en substance que la loi de financement de la sécurité sociale pour 2017 a élargi l'obligation d'affiliation et de cotisations aux particuliers ayant une activité de location de logement meublé et qui ne sont pas professionnels au sens fiscal ayant un revenu égal ou supérieur à 23 000 euros. Le franchissement de ce seuil déclenche l'affiliation , peu important que les revenus deviennent inférieurs à 23 000 euros l'année suivante.

En deçà de 23 000 euros, les revenus sont considérés comme des revenus du patrimoine et sont soumis à des prélèvements sociaux au taux de 17,20 %.

L'Urssaf soutient que M. [F] ne peut se prévaloir de son statut de non-professionnel au sens du droit fiscal pour se soustraire aux cotisations de sécurité sociale.

Dès lors que le seuil est franchi, l'affiliation est pérenne, quels que soient les revenus ensuite procurés par l'activité de location.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé aux écritures des parties pour un plus ample exposé des demandes des parties et des moyens qui les fondent.

Motifs

Sur la demande principale

En vertu de l'article L. 311-2 du code de la sécurité sociale, sont affiliées obligatoirement aux assurances sociales du régime général, quel que soit leur âge et même si elles sont titulaires d'une pension, toutes les personnes quelle que soit leur nationalité, de l'un ou de l'autre sexe, salariées ou travaillant à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs et quels que soient le montant et la nature de leur rémunération, la forme, la nature ou la validité de leur contrat ou la nature de leur statut.

Selon l'article L.311-3, en son 35 ° du même code, dans sa version applicable, sont compris parmi les personnes auxquelles s'impose l'obligation d'affiliation les personnes mentionnées au 6°et 7° de l'article L 611-1 du présent code qui exercent l'option mentionnée à cet article dès lors que leurs recettes ne dépassent pas les seuils mentionnés aux a et b du 1° du I de l'article 293 B du code général des impôts. Les cotisations et contributions de sécurité sociale dues par ces personnes sont calculées sur une assiette constituée de leurs recettes diminuées d'un abattement de 60 %. Par dérogation, cet abattement est fixé à 87 % pour les personnes mentionnées au 6° de l'article L. 611-1 du présent code lorsqu'elles exercent une location de locaux d'habitation meublés de tourisme, définis conformément à l'article L. 324-1du code du tourisme.

L'article L 611-1 du code de la sécurité sociale, dans sa version applicable au litige dispose :

Le présent livre s'applique aux personnes suivantes :

1° Les travailleurs non salariés qui ne sont pas affiliés au régime mentionné au 3° de l'article L.722-8 du code rural et de la pêche ;

2° Les débitants de tabacs ;

3° Pour des raisons impérieuses de sécurité, les moniteurs de ski titulaires d'un brevet d'État ou d'une autorisation d'exercer, organisés en association ou en syndicat professionnel pour la mise en oeuvre de leur activité ; ces moniteurs sont considérés comme exerçant une activité non salariée, quel que soit le public auquel ils s'adressent ;

4° Les personnes bénéficiaires de l'agrément prévu à l'article L.472-1 du code de l'action sociale et des familles ;

5° Sous réserve des dispositions du 1° de l'article L. 722-1 du code rural et de la pêche maritime, les loueurs de chambres d'hôtes mentionnées à l'article L. 324-3 du code du tourisme dont le revenu imposable de l'activité est supérieur à un montant fixé par décret ;

6° Les personnes, autres que celles mentionnées au 7° du présent article, exerçant une activité de location de locaux d'habitation meublés dont les recettes sont supérieures au seuil mentionné au 2° du 2 du IV de l'article 155 du code général des impôts, lorsque ces locaux sont loués à une clientèle y effectuant un séjour à la journée, à la semaine ou au mois et n'y élisant pas domicile, sauf option contraire de ces personnes lors de l'affiliation pour relever du régime général dans les conditions prévues au 35° de l'article L. 311-3 du présent code, ou lorsque ces personnes remplissent les conditions mentionnées au 1° du 2 du IV de l'article 155 du code général des impôts ;

7° Les personnes exerçant une activité de location de biens meubles mentionnée au 4° de l'article L.110-1 du code de commerce et dont les recettes annuelles tirées de cette activité sont supérieures à 20 % du montant annuel du plafond mentionné à l'article L. 241-3 du présent code, sauf option contraire de ces personnes lors de l'affiliation pour relever du régime général dans les conditions prévues au 35° de l'article L. 311-3.

Il s'applique en outre aux conjoints collaborateurs et associés des personnes mentionnées au 1° dans les conditions fixées par le titre 6.

Il résulte de l'article 155 du code général des impôts que le seuil fixé est de 23 000 euros par an.

L'article L. 611-1 précise donc que le livre IV applicable aux travailleurs indépendants du code de la sécurité sociale s'applique aux personnes dont il donne la liste.

Il résulte donc de ces textes que le bailleur non professionnel de locaux meublés, loués à une clientèle y effectuant des séjours à la journée, à la semaine ou au mois, et n'y élisant pas domicile dont l'activité procure un revenu supérieur à 23 000 euros doivent être affiliés au régime des indépendants.

Selon l'article R. 611-3 du même code, les personnes mentionnées à l'article L. 611-1 sont affiliées par les organismes dans la circonscription desquels est située leur résidence principale.

Un arrêté du ministre chargé de la sécurité sociale et du ministre chargé du commerce, de l'artisanat et des professions libérales peut apporter à la règle énoncée ci-dessus des dérogations motivées par l'état de santé ou la nature des activités des assurés ou par leur résidence hors de France.

La date d'effet de l'affiliation ou de la radiation est le jour du début ou de la fin de l'activité professionnelle.

Il résulte donc clairement de l'application combinée des articles L. 611-1 et R. 611-3 que le loueur reste affilié, sans conditions de seuil de revenus, soit jusqu'à sa radiation, soit jusqu'à cessation de son activité.

Contrairement à ce que soutient M. [F], il n'y a pas de rupture d'égalité entre le loueur dont les revenus ont déjà atteint le seuil de 23 000 euros, et celui qui ne l'a jamais atteint puisque leurs situations respectives sont différentes.

Il convient dès lors de débouter M. [F] de l'ensemble de ses demandes et de confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions.

Dépens

Conformément aux dispositions de l'article 696 du code de procédure civile, M. [F] est condamné aux entiers dépens de l'instance.

Il serait inéquitable de laisser à la charge de l'Urssaf les frais non compris dans les dépens qu'elle a été contrainte d'exposer pour assurer la défense de ses intérêts.

En conséquence, M. [F] sera condamné à payer à l'Urssaf Champagne-Ardenne la somme de 800 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt rendu par mise à disposition au greffe, contradictoire, en dernier ressort,

Déclare l'appel recevable mais mal fondé,

Déboute M. [F] de l'ensemble de ses demandes,

Confirme en toutes ses dispositions le jugement déféré,

Condamne M. [F] aux entiers dépens de l'instance,

Le condamne à payer à l'Urssaf Champagne-Ardenne la somme de 800 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

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