Un premier problème peut se poser si l'exploitant cesse de payer le loyer, cela doit-il s'analyser comme une cessation d'activité ?
La réponse est négative, au moins dans un premier temps. Le fait de ne pas être payé par son client ne signifie pas que l'activité a cessé. Si l'impayé se prolonge pendant plusieurs mois et que le propriétaire n'est pas diligent pour se faire payer ou pour résilier le bail, les services fiscaux pourraient sans doute faire valoir que l'activité a de facto cessé, le propriétaire n'agissant pas dans le cadre d'un exercice normal de l'activité. Mais il s'agit d'une question de fait. En pratique, il peut arriver que l'intérêt du propriétaire soit de renoncer temporairement à encaisser les loyers. Malheureusement, il peut arriver souvent que les propriétaires d'appartements dans une résidence de tourisme se retrouvent contraints de ne pas résilier le bail, faute de trouver un autre exploitant. L'absence prolongée de perception de loyers ne doit pas être considérée comme démontrant une cessation d'activité si elle s'explique par les conditions particulières de la gestion.
Ce principe a été admis dans une décision de la cour administrative d'appel de Lyon (CAA Lyon 23 février 2006 n° 00-2614, 5e ch, SCI du Bec de l'Aigle : RJF 10/06 n° 1180) dans une affaire où un propriétaire, une SCI, louait des locaux à une SARL exploitant un hôtel-restaurant :
"Considérant, d'une part, que les biens en cause n'ont pas cessé, de 1988, année de leur réalisation ou de leur acquisition, jusqu'en 2000, année de leur cession, d'être utilisés par la SARL locataire pour ses activités hôtelières, et que la société civile immobilière requérante et cette SARL ont continué d'être liées par un contrat de bail commercial stipulant le paiement par la preneuse de loyers annuels d'un montant de 510 000 F ; que, d'autre part, il est vrai, les loyers payés en 1988, 1989, 1990, 1991 ont été d'un montant, quoique significatif, inférieur aux montants stipulés, et ont été nuls pendant les quatre années 1992 à 1995, leur paiement ayant repris de 1996 à 2000, pour un montant total de 534 272 F ; que cependant la société civile immobilière requérante expose qu'il existait des motifs, tenant à la situation financière de la SARL, qui connaissait une situation nette négative de - 3 113 521 F au 30 novembre 1993, et à une conjoncture locale difficile dans le secteur d'activité considéré, pour qu'elle ne réclamât pas le paiement intégral et immédiat des loyers dus et ne tentât pas une substitution de locataire ; que, quelle que soit la qualité de leur pertinence au regard d'une gestion commerciale optimale, ces motifs qui n'étaient pas étrangers à la gestion de l'entreprise, n'étaient ni abusifs ni frauduleux et, dans les circonstances sus-relatées de l'espèce, ne traduisaient pas une volonté de cesser l'exploitation ; qu'ainsi la circonstance que la société civile immobilière requérante n'a pas réclamé l'intégralité des loyers contractuellement dus par la société preneuse, et que celle-ci a constaté dans les écritures de l'exercice clos en 1994 l'extinction de sa dette, ne peuvent être regardées comme impliquant que la société requérante avait cessé en 1994 d'exercer une activité économique, ou qu'elle avait cessé d'affecter les biens en cause à une telle activité ; que, dès lors, l'administration ne pouvait remettre en cause la déduction de la TVA opérée par la société sur le fondement des dispositions précitées du CGI ;"
Une deuxième question est de savoir s'il faut considérer qu'il y a une cessation d'activité si le bail est résilié et que le bien reste sans être loué pendant plusieurs mois.
Là encore, il faut apprécier la situation selon les circonstances particulières du dossier. Il ne faut pas confondre interruption momentanée et cessation définitive d'activité.
Si l'activité est interrompue pendant plusieurs mois, voire plusieurs années, en raison de motifs légitimes, il est possible de faire valoir que l'activité n'a pas réellement cessé et qu'il s'agit d'une simple interruption sans effet sur le droit à déduction de la TVA.
Dans l'activité de location d'immeuble, il arrive souvent en effet qu'il soit difficile de trouver un nouveau locataire et il n'est pas nécessairement judicieux de relouer au premier venu. Le délai de vacance peut être assez long. Dans le cas des appartements des résidences de tourisme, malheureusement, il est souvent très difficile de retrouver un exploitant sérieux. L'existence d'un délai de vacance, même assez long, n'est pas révélatrice d'une cessation d'activité. C'est seulement si le propriétaire manifeste clairement son intention de ne plus louer à un exploitant ou de ne plus louer lui-même en fournissant les prestations parahôtelières que les services fiscaux pourront remettre en cause la déduction de la TVA pour la période restant à courir.
En pratique, les propriétaires doivent démontrer qu'ils ont cherché à relouer leur bien et qu'il y a eu la recherche d'un nouvel exploitant. Ils doivent impérativement continuer à déposer une déclaration de TVA. Ils ne doivent pas utiliser le bien en attendant pour leur usage personnel ou pour une activité locative sans prestation hôtelière. La période de vacance ne doit pas durer trop longtemps et il faut s'attacher à trouver une solution alternative dans un délai raisonnable.
Rappelons que dans le régime DEMESSINE, la loi prévoit expressément que les propriétaires doivent rechercher un nouvel exploitant dans le délai d'un an. Mais pendant la période transitoire avant la publication du décret, la période de vacance admise de facto a pu être beaucoup plus longue. Selon moi, les services fiscaux ne peuvent utiliser les délais expressément admis dans le régime DEMESSINE pour invoquer l'existence d'une cessation d'activité, alors que c'est la loi fiscale qui a expressément admis le délai de vacance.
Pour finir, je souhaite attirer l'attention des propriétaires sur le fait que l'assujettissement à la TVA suppose de toute façon, soit la location à l'exploitant d'une résidence classée ayant pris un engagement de promotion touristique à l'étranger, soit la réalisation d'au moins 3 des 4 prestations parahôtelières. Les services fiscaux ont souvent une interprétation très restrictive de ces deux régimes, par exemple en contestant l'existence des services hôteliers parce qu'ils ne sont pas fournis comme dans un hôtel. Il faut prendre certaines précautions pour réduire les risques de rappel.