Quel est le régime IFI d'une activité mixte de location meublée incluant une entreprise individuelle, une société de personnes et une société assujettie à l'impôt sur les sociétés ?
Cette question pose le problème du régime des entreprises similaires, connexes et complémentaires au titre du régime des entreprises professionnelles principales permettant l'exonération IFI des immeubles qui leur sont affectés.
Appelons ci-après ce régime, le régime de "connexité", en visant également les cas d'activités similaires ou complémentaires.
Dans ce régime de connexité, il est admis que les entreprises qui ont des activités similaires, connexes et complémentaires forment une seule entité au sens de l'IFI. Donc tous les immeubles utilisés per cette entité sont en principe exonérés d'IFI au bénéfice du contribuable qui est exploitant dans toutes ces entreprises et qui détient également les immeubles utilisés par ces entreprises.
Selon moi, les entreprises qui ont la même activité doivent êre considérées comme étant visées par ce régime de connexité. Les entreprises sont distinctes même si elles ont la même activité. Donc cela vise le cas d'une personne qui a plusieurs entreprises de location meublée. Mais cela pourrait aussi concerner les personnes qui ont des activités similaires comme la location meublée et la parahôtellerie.
Appréciation globale
Lorsque ce régime s'applique, la condition d'activité principale s'apprécie globalement.
Cela signifie tout d'abord que le contribuable doit exercer son activité professionnelle principale dans toutes les entreprises.
Mais cela signifie également que le caractère principal de l'activité s'apprécie en faisant la masse de toutes les diligences et/ou de toutes les rémunérations reçues dans chacune des entreprises.
La loi traite de la connexité dans une même catagorie
L'article 975 du CGI prévoit trois cas de connexité possible correspondant à des cas de connexité d'entreprises appartenant toutes à l'une des trois catégories d'exonération : entreprise individuelle, société de personnes et sociétés assujetties à l'impôt sur les sociétés.
Au I, il est prévu le cas de la connexité de plusieurs entreprises individuelles.
Au II, il est prévu le cas de la connexité de plusieurs sociétés de personnes.
Au IV, il est prévu le cas de connexité de plusieurs sociétés assujetties à l'impôt sur les sociétés. Dans ce type de société, en cas de connexité, les 2 conditions relatives à la rémunération (rémunération normale et rémunération représentant plus de la moitié du revenu professionnel du dirigeant) s'apprécient globalement en faisant la masse de toutes les rémunérations reçues dans toutes les sociétés connexes.
Même en l'absence de connexité, il est prévu que la deuxième condition (selon laquelle la rémunération doit représenter plus de la moitié des revenus professionnels) s'apprécie globalement si la personne est dirigeante de plusieurs sociétés assujetties à l'impôt sur les société.
La connexité d'entreprises de catagories différentes
Mais la loi ne prévoit pas les cas de connexité entre des entreprises relevant chacune d'une catégorie différente. Par exemple, comment traiter le cas d'un loueur en meublé qui exerce à la fois en entreprise individuelle et en société de personnes, comme une EURL IR ? Cette situation n'est pas visée par le texte de loi.
En matière d'ISF, l'ancien article 885 N prévoyait une forme de connexité généralisée à toutes les catégories :
"Sont présumées constituer une seule profession les différentes activités professionnelles exercées par une même personne et qui sont soit similaires, soit connexes et complémentaires."
Une ancienne doctrine administrative prévoyait également le cas d'une activité professionnelle mixte :
"Cas des entrepreneurs individuels ou des associés de sociétés de personnes soumises à l'impôt sur le revenu qui détiennent par ailleurs des parts ou actions de sociétés soumises à l'impôt sur les sociétés
En principe, un redevable qui détient une participation professionnelle dans une société soumise à l'impôt sur les sociétés et qui y exerce une fonction de direction dont la rémunération excède la moitié de ses revenus professionnels imposables, ne peut prétendre exercer une autre activité professionnelle principale dans le cadre d'une entreprise individuelle ou d'une société de personnes.
Toutefois, si l'activité exercée par la société soumise à l'impôt sur les sociétés et celle exercée par l'entreprise soumise à l'impôt sur le revenu présentent un lien soit de similitude soit de connexité et complémentarité, il est admis que les participations dans ces sociétés et les biens affectés à l'activité de l'entreprise individuelle constituent un seul et même bien professionnel.
Dans ce cas, le caractère principal de l'activité exercée dans ces différentes entreprises est considéré comme rempli si la rémunération perçue au titre des fonctions de direction exercées dans la société soumise à l'impôt sur les sociétés augmentée du bénéfice fiscal réalisé dans l'entreprise individuelle (ou de la fraction du bénéfice fiscal qui lui revient dans les résultats de la société de personnes), excède plus de la moitié de l'ensemble de ses revenus professionnels."
(D. adm. 7 S-3313 1er octobre 1999 n°7)
Selon moi, même si le nouveau texte de l'IFI ne le prévoit pas expressément, il paraît logique d'admettre l'extension du régime de connexité aux situations où le chef d'entreprise détient plusieurs entreprises relevant de plusieurs catégories et y exerce de facto son activité principale.
En cas de connexité d'entreprises de catégorie distincte, il faut faire une appréciation à la fois distributive et cumulative
Je vais proposer une formule de synthèse "spécial énarque".
En cas de connexité entre entreprises de différentes catégories, les critères d'exonération doivent être retenus distributivement par catégorie mais l'appréciation de ces critères doit se faire cumulativement.
Autrement dit, pour ceux qui n'ont pas encore fait l'ENA, il faut vérifier que chaque entreprise respecte les conditions d'exonération de sa catégorie, mais pour faire ce contrôle, il est possible de cumuler les modalités de fonctionnement.
Pour l'entreprise individuelle, je dois vérifier le respect de la catagorie des entreprises individuelles, c'est à dire l'implication personnelle principale (appréciation distributive), mais pour l'appréciation de cette condition, je peux prendre en compte les diligences réalisées dans une société (appréciation cumulative).
Idem pour la société de personnes.
Pour la société de capitaux, je dois vérifier les conditions de rémunération (application distributive), mais je peux prendre en compte les revenus nets encaissés dans l'entreprise individuelle et la société de personnes (application cumulative).
Attention au fait que, selon moi, ne peuvent être prises en compte dans un calcul cumulé que les éléments des entreprises qui remplissent bien les conditions intrinsèques d'exonération IFI. Par exemple, si j'ai une société assujettie à l'impôt sur les sociétés et que je n'y suis pas dirigeant, je ne peux pas utiliser le chiffre d'affaires de cette société pour démontrer que j'atteins le seuil de 23 K€ de recettes pour avoir l'exonération IFI de mon entreprise individuelle de location meublée.
La connexité dans la location meublée
Pour l'activité de location meublée, il y a une complexité supplémentaire car les conditions d'exonération des entreprises individuelles sont spécifiques et portent sur deux seuils et non pas sur l'implication personnelle.
Dès lors la question se pose de savoir comment doivent s'apprécier les seuils d'exonération prévue pour l'entreprise individuelle alors que le contribuable exerce aussi son activité professionnelle principale par l'intermédiaire d'une société assujettie à l'impôt sur les sociétés et/ou d'une société de personnes.
Selon moi la seule réponse satisfaisante et conforme à l'esprit du texte est de considérer qu'il faut faire le cumul des diligences et des seuils pour apprécier le respect des conditions d'exonération de chaque catégorie.
Pour l'entreprise individuelle, le seuil de chiffre d'affaires de 23 K€ doit s'apprécier en cumulant les chiffre d'affaires de toutes les entreprises. Lorsque cette entreprise est une société, il faut appliquer un prorata en fonction du pourcentage du capital détenu par le foyer fiscal.
Pour l'entreprise individuelle, la condition selon laquelle les recettes doivent être supérieurs aux autres revenus professionnels du foyer fiscal doit s'apprécier en cumulant toutes les recettes de toutes les entreprises de location meublée du contribuable.
Pour la société assujettie à l'impôt sur les sociétés, il faut cumuler les revenus nets des activités de location meublée pour apprécier la condition de rémunération.
Le cas des conjoints ayant des entreprises personnelles dans la même activité
Si deux conjoints ont des entreprises distinctes, il n'est pas possible en principe de faire le cumul des diligences ou des rémunérations pour démontrer le caractère principal de chacune des entreprises.
L'appréciation doit se faire par conjoint exploitant ou dirigeant.
"Dans le cadre du foyer fiscal, il y a lieu, pour apprécier le caractère principal de la profession, de considérer distinctement la situation de chaque époux."
(BOI-PAT-ISF-30-30-10-30 n° 40, 12-9-2012.)
De même, il n'y a pas de connexité interconjugale :
"Cette solution [principe de connexité] est limitée aux diverses activités exercées par une même personne. Elle n'est pas applicable à celles exercées par différents membres du foyer fiscal.
Exemple. Un redevable fabrique des bijoux, son épouse exploite à titre principal un fonds de parfumerie et à titre secondaire un fonds de joaillerie. L'éventuelle connexité entre l'activité de l'époux et celle de joaillerie de l'épouse n'a aucune incidence pour l'assiette de l'ISF. Seuls la fabrique de bijoux et le fonds de parfumerie seront exonérés."
(BOI-PAT-ISF-30-30-10-30 n° 60, 12-9-2012.)
En revanche, même si cela ne résulte pas des textes, la question de la propriété juridique de l'entreprise est indifférente. Si un premier conjoint est l'exploitant d'une entreprise propriété du deuxième conjoint, l'exonération IFI est possible si les conditions de diligences ou de rémunération sont remplies pour le conjoint exploitant.
L'appréciation distincte par conjoint n'est pas favorable. Si je veux par exemple justifier d'une exonération IFI de mon local meublé d'une EURL, il importe de montrer que c'est moi qui réalise les diligences d'exploitation et peu importe ce que fait mon conjoint.
La connexité des entreprises de location meublée du couple
La situation des entreprises individuelles de location meublée est délicate sur ce point car les critères de seuil doivent s'apprécier au niveau du foyer fiscal.
Selon moi, les entreprises individuelles de location meublée font exception au principe d'appréciation par conjoint puisque les conditions d'exonération ne peuvent s'apprécier qu'en cumulant les recettes ou les revenus au niveau du foyer.
Mais ce cumul ne porte que sur les seuils de l'entreprise individuelle.
Prenons un exemple.
M. DUPONT exploite une entreprise individuelle de location meublée et il est associé gérant d'une EURL de location meublée. Mme DUPONT est associée gérante d'une autre EURL de location meublée.
Pour l'exonération IFI de l'entreprise individuelle de M. DUPONT, il faudra faire le cumul des chiffres du foyer, notamment en cumulant toutes les recettes de toutes les entreprises de location meublée du couple.
Pour l'exonération IFI de l'EURL de Mme DUPONT, il faudra démontrer son implication personnelle principale dans la société.
Conclusion
L'IFI c'est compliqué. Et il faut bien réfléchir à qui fait quoi dans le couple, et dans quelle structure, pour viser l'exonération IFI.