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Démêlez les noeuds de la fiscalité
mercredi, 19 février 2014 13:52

Modification du régime juridique des lots techniques dans les résidences de tourisme

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Dans le cadre de la loi ALUR (accès au logement et urbanisme rénové), un amendement a été déposé par le député d'Isère François BROTTES et par la députée de Corrèze Sophie DESSUS.

Il a été adopté le 10 janvier 2014 à l'assemblée nationale mais il s'agit encore d'un projet et il faut attendre le vote définitif de la loi pour être sûr qu'il devienne applicable.

Cet amendement est une très bonne idée mais il est critiquable sur le fond et sur la forme.

 

Le problème

Les appartements des résidences services (résidences de tourisme, résidences étudiantes, résidences pour personnes âgées) sont régis par le droit de la copropriété.

Le droit de la copropriété prévoit qu'il existe deux types de biens. Il y a les biens communs à tous les copropriétaires, c'est-à-dire ce qui s'appelle en droit les parties communes. Et puis il y a les biens qui appartiennent exclusivement à un propriétaire sous forme de lot privatif. Chaque appartement est un lot privatif. Les escaliers appartiennent aux parties communes.

Le problème se pose pour les lots techniques. Il s'agit des parties d'immeuble qui sont essentielles au bon fonctionnement de la résidence : le local d'accueil, les locaux de rangement, les locaux affectés à la laverie, la cafétéria, la piscine, la salle de jeux, etc. Selon les résidences ces locaux peuvent être différents mais il y a toujours au moins un local d'accueil.

Pour ces lots techniques, il y deux pratiques différentes. Les promoteurs honnêtes font rédiger un règlement de copropriété qui prévoit que les lots techniques sont inclus dans les parties communes, au même titre que les escaliers. Les promoteurs malhonnêtes font rédiger un règlement de copropriété qui prévoit que les lots techniques restent leur propriété ou plutôt soient la propriété de l'exploitant mis en place à l'origine.

Pourquoi est-ce malhonnête de ne pas mettre les lots techniques dans les parties communes ?

Parce que ces lots techniques sont essentiels au bon fonctionnement de la résidence hôtelière. Donc celui qui est propriétaire de ces lots techniques contrôle de facto la résidence en empêche qu'elle soit exploitée sans son accord.

En pratique, le problème se pose notamment quand l'exploitant veut forcer les propriétaires à accepter une baisse de loyer. L'exploitant fait valoir que les propriétaires sont obligés d'accepter car il est le seul à pouvoir exploiter la résidence.

Un autre problème se pose quand l'exploitant fait faillite (et ce n'est pas une hypothèse d'école). Les propriétaires qui veulent récupérer le contrôle de la résidence sont alors tenus de racheter ces lots techniques et, en général, le mandataire liquidateur de l'exploitant refuse de les céder sans recevoir un prix le plus élevé possible.

Des dizaines de milliers d'investisseurs dans des résidences hôtelières se retrouvent piégés par cette situation et malheureusement aucune modification de la réglementation n'a jusqu'alors été envisagée par les gouvernements successifs, malgré les demandes répétées des investisseurs, notamment de la FEDARS.

Pourquoi une telle inaction des pouvoirs publics, de droite comme de gauche ? Deux réponses sont possibles : soit l'incompétence des services du ministère, soit une trop grande prise en compte des intérêts de certains promoteurs peu scrupuleux.

La bonne idée, c'est donc de mettre un terme à une pratique courante chez les promoteurs de résidence services qui consiste à prévoir que les lots techniques des résidences soient des lots privatifs et ne soient pas inclus dans les parties communes.

 

Ce que prévoit l'amendement

L'amendement modifie d'abord la réglementation pour les résidences construites à partir du 1er juillet 2014, en interdisant d'exclure les lots techniques des parties communes, même si la règle est exprimée de façon particulièrement confuse.

L'amendement porte également sur les constructions de résidences construites avant le 1er juillet 2014. Il prévoit que si le propriétaire de ces lots techniques les laisse "non entretenues", le syndicat des copropriétaires est alors en droit de les gérer et peut même en récupérer la propriété si elles sont abandonnées.

Un texte très mal rédigé

Ce projet de réglementation est très mal rédigé, comme souvent lorsqu'il s'agit d'un texte d'origine parlementaire. Nos parlementaires chargés de voter les lois sont de piètres juristes et n'ont pas l'idée de faire appel à des juristes compétents pour rédiger les textes.

D'abord le principe principal est exprimé de manière absurde. Dire que les parties communes ne doivent pas faire l'objet d'un lot distinct vendu à un copropriétaire est absurde puisque, par définition, une partie commune n'est juridiquement pas un lot distinct. Il fallait plutôt dire que les lots techniques nécessaires au bon fonctionnement de la résidence doivent être obligatoirement inclus dans les parties communes.

Un texte insuffisant

La réglementation devrait être présentée comme étant d'ordre public.

De même, il ne faudrait pas la limiter aux résidences de tourisme classées mais elle devrait s'appliquer à toutes les résidences hôtelières.

Par ailleurs, pour les résidences déjà construites, il suffirait de prévoir que ces parties communes doivent impérativement être mises à la disposition gratuite de l'exploitant désigné par le syndic. En contrepartie, l'exploitant devrait prendre à sa charge les charges et frais relatifs à l'utilisation gratuite de ces lots.

Bien sûr il ne faut pas limiter cette contrainte au cas très particulier de l'abandon des lots techniques mais en faire une règle de principe applicable dans tous les cas.

 

Présentation du projet d'amendement et d'un exposé sommaire

Vous trouverez ci-joint la reproduction du projet d'amendement n° 634 présenté par Mme DESSUS et M. BROTTES ainsi que l'exposé sommaire des motifs.

 

L'amendement n° 634

ARTICLE 27
Complétez cet article par les quatre aliénas suivants:
"V. - Pour les copropriétés telles que définies à l'article L.321-1 du code du tourisme construites à partir du 1er juillet 2014, les parties communes ne peuvent faire l'objet d'un lot distinct vendu à son copropriétaire.
Dans les copropriétés existantes où les parties communes faisant l'objet d'un lot distinct propriété d'un copropriétaire seraient non entretenues, entrainant un déclassement de la résidence ou l'impossibilité de la commercialiser en offrant l'intégralité des prestations collectives initialement prévue lors de la vente des logements aux copropriétaires, l'assemblée générale peut saisir le tribunal de grande instance afin qu'il prononce un état de carence.
Les parties communes sont dès lors confiées au syndicat des copropriétaires. Le propriétaire des parties communes reste redevable des charges engagées par le syndicat des copropriétaires pour leur entretien.
"Les parties communes abandonnés redeviennent la propriété du syndicat des copropriétaires, qui ne peut les céder dans le cadre d'un lot distinct."

 

Exposé sommaires des motifs

"Le propriétaire des parties communes d'une résidence de tourisme, si elles constituent un lot distinct, est, dans l'état actuel du droit positif, en situation d'imposer aux copropriétaires des autres lots de la résidence en gestionnaires des lieux, le cas échéant défaillant, ou de faire obstacle à un autre choix de gestion des copropriétaires, et plus largement de faire obstacle au bon usage des lieux et de leur commercialisation. Ceci peut avoir des conséquences pécuniaires lourdes, parfois dramatiques, sur les petits investisseurs concernés.
Cette situation est l'un des difficultés, rencontrées par de nombreux copropriétaires en résidence de tourisme, à laquelle le législateur peut apporter une solution, en même temps qu'il en prévient la survenance pour l'avenir. Tel est l'objet des présentes dispositions."

 

Dernière minute (le 19 février 2014)

Le texte définitif serait le suivant :

"V. - Pour les résidences de tourisme mentionnées à l'article L. 321-1 du code du tourisme, construites à partir du 1er juillet 2014, et placées sous le statut de la copropriété des immeubles bâtis fixé par la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis, les locaux à usage collectif composés d'équipements et de services communs au sens de l'article D. 321-1 du même code ne peuvent faire l'objet d'un lot distinct vendu à un copropriétaire et font l'objet d'une propriété indivise du syndicat des copropriétaires.
Dans les résidences de tourisme, placées sous le statut de la copropriété des immeubles bâtis fixé par la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 précitée, déjà existantes au 1er juillet 2014, lorsque les locaux à usage collectif faisant l'objet d'un lot distinct propriété d'un copropriétaire ne sont pas entretenus, entraînant un déclassement de cette résidence ou l'impossibilité de la commercialiser en offrant l'intégralité des prestations collectives initialement prévues lors de la vente des logements aux autres copropriétaires, l'assemblée générale des copropriétaires peut saisir le tribunal de grande instance d'une demande aux fins de voir prononcer un état de carence ou de constater abandon.
La responsabilité de l'entretien des locaux à usage collectif, pour lesquels est prononcé un état de carence, peut être confiée par le juge, à titre temporaire, au syndicat des copropriétaires. Le propriétaire de ces parties communes reste redevable des charges engagées par le syndicat des copropriétaires pour cet entretien.
En cas de défaillance avérée du propriétaire du lot considéré, les locaux à usage collectif dont est judiciairement constaté l'aba ndon peuvent devenir la propriété indivise du syndicat des copropriétaires, après le paiement d'une juste et préalable indemnité déterminée par le juge et versée au précédent propriétaire. Le syndicat des copropriétaires ne peut alors céder la propriété de ces locaux à usage collectif dans le cadre d'un lot distinct."

Commentaire perso : c'est déjà bien mieux au plan juridique (notamment sur la définition des lots techniques) mais sur les principes généraux, il y a lieu de s'étonner que le texte ne vise que les résidences de tourisme classées et que les résidences déjà construites ne soient pas suffisamment prises en compte (sauf le cas d'abandon assez rare).

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