Le cas des pensions de retraite
Une question pratique importante est de savoir si les pensions de retraite doivent être considérées comme des revenus professionnels.
Autrement dit, dans mon exemple, si au lieu de toucher un salaire annuel de 40 000 euros, je touchais une retraite du même montant, pourrais-je être exonéré d'ISF au titre des biens loués en meublé.
La réponse est que les pensions de retraite sont des revenus professionnels car ils relèvent de la catégorie fiscale des traitements et salaires.
Certains auteurs, et non des moindres, ont une position différente et considèrent qu'une pension de retraite n'est pas un revenu professionnel. Cela paraît juste car, dans le langage courant, il paraît délirant de prétendre qu'une retraite est un revenu correspondant à l'exercice d'une profession.
Mais attention, dans le droit fiscal, les mots ont un sens spécial.
Contrairement à ce que disent ces auteurs, l'administration fiscale n'a jamais admis qu'une pension de retraite ne soit pas un revenu professionnel au sens de l'ISF pour les loueurs en meublé. Elle l'a juste admis pour une autre catégorie, celle des dirigeants de société de capitaux, or ce que dit l'administration lui est certes opposable mais sans pouvoir faire de raisonnement par analogie. La doctrine administrative n'a pas d'esprit.
En conclusion, un retraité loueur en meublé peut être exonéré d'ISF pour ces biens loués meublés mais à condition que sa retraite soit inférieure à ses revenus nets de location meublée.
Le cas de la SARL de famille (et de l'EURL)
Beaucoup de personnes exercent leur activité de loueur en meublé sous la forme d'une SARL de famille, c'est-à-dire une SARL constituée par des associés appartenant à la même famille (parents, enfants, conjoints) et qui relève du régime fiscal de la transparence au sens de l'impôt sur le revenu. La transparence fiscale signifie que la société n'est pas assujettie à l'impôt sur les sociétés et que ses résultats peuvent donc être rangés dans la catégorie des revenus de location meublée. Il peut s'agir notamment de location meublée professionnelle au sens de l'impôt sur le revenu si les critères sont remplis, sachant que les deux critères relatifs aux recettes s'apprécie alors, par transparence, au niveau de chacun des associés, et non au niveau de la société.
La question se pose alors de savoir si le même type de raisonnement pourrait être repris en matière d'ISF. En fait cela ne va pas de soi. En effet si la SARL de famille est transparente, c'est uniquement pour l'impôt sur le revenu. Rien de tel n'est prévu pour l'ISF.
Le texte légal, l'article 885 R du CGI, prévoit que sont considérés comme des biens professionnels au titre de l'ISF les locaux d'habitation loués meublés ou destinés à être loués meublés par des personnes louant directement ou indirectement ces locaux et qui remplissent les 3 critères déjà évoqués.
Le texte n'évoque pas expressément le cas des sociétés de personnes exerçant une activité de location meublée. L'administration a donc considéré que ce texte ne pouvait pas s'appliquer aux associés d'une société de personnes :
"Ce dispositif d'exception s'applique aux seuls locaux d'habitation loués meublés détenus directement par le redevable. Par suite, dans l'hypothèse envisagée de la détention et de l'exploitation des locaux loués meublés par une SARL de famille, la participation des associés dans cette société est imposable à l'impôt de solidarité sur la fortune dans les conditions de droit commun à l'exception effectivement des parts détenues par la gérante dès lors que les conditions prévues aux articles 885 O ou 885 O bis du code général des impôts sont remplies." (Réponse ZOCCHETO, Sénat 24 octobre 2002 p. 2467 n° 991).
L'administration considère donc que le texte spécifique à la location meublée en matière d'ISF ne peut pas s'appliquer aux associés d'une société de personnes (SARL de famille mais aussi selon moi EURL transparente ou SNC). Cette position me paraît très contestable en équité mais plutôt juste en droit strict. Il est difficile de dire ce que serait la position de la cour de cassation si elle était saisie sur ce point.
Toutefois l'administration renvoie aux règles de droit commun pour tous les associés des sociétés de personnes et aux articles 885 O et 885 O bis du CGI.
L'article 885 O bis est hors sujet puisqu'il évoque le cas des sociétés assujetties à l'impôt sur les sociétés.
L'article 885 O prévoit : "Sont également considérées comme des biens professionnels les parts de sociétés de personnes soumises à l'impôt sur le revenu visées aux articles 8 et 8 ter lorsque le redevable exerce dans la société son activité professionnelle principale."
Sur cet article, l'administration précise que l'exonération suppose que l'associé exerce dans la société des fonctions professionnelles à titre principal et de manière effective. Les fonctions doivent constituer l'essentiel des activités économiques du redevable. Si la personne exerce plusieurs activités économiques, il est retenue la fonction qui procure la plus grande partie des revenus professionnels.
Sur cette question je vous propose quelques citations de la doctrine administrative relative aux entreprises individuelles mais qui pourrait être reprise éventuellement (ce point est discutable) pour les associés des sociétés de personnes :
"En règle générale, la détermination du caractère principal de l'activité, qui résulte essentiellement des circonstances dans lesquelles la profession est exercée, ne présente pas de difficulté.
Lorsque l'exploitant exerce simultanément plusieurs professions, l'activité principale s'entend normalement de celle qui constitue pour le redevable l'essentiel de ses activités économiques, même si elle ne dégage pas la plus grande part de ses revenus (cas de l'entreprise déficitaire).
Au sein de cet ensemble, la profession qui, constituant l'essentiel des activités économiques du redevable, apparaît comme exercée à titre principal ne peut être déterminée que par un examen attentif de chaque cas particulier. A titre de faisceau d'indices, l'administration s'attache à des éléments comme le temps passé dans chaque activité, l'importance des responsabilités exercées et des difficultés rencontrées, la taille des diverses exploitations, etc.
Dans l'hypothèse où un tel critère ne peut être retenu (par exemple lorsque les diverses activités professionnelles sont d'égale importance), il convient de considérer que l'activité principale est celle qui procure à l'intéressé la plus grande part de ses revenus."
Ainsi en pratique, si le gérant de la SARL de famille est par ailleurs en même temps salarié, il doit démontrer que son activité de gérant est principale par rapport à celle de salarié. A mon avis, c'est difficile et même si l'activité de location meublée rapporte plus de revenus que celle de salariés. Si l'activité se limite à la location par bail commercial à l'exploitant d'une résidence de tourisme, je ne vois pas comment il est possible de prétendre que le gérant exerce une activité principale et effective. En pratique, l'exonération du gérant est possible à mon avis si l'activité de location meublée entraîne des diligences concrètes effectives du gérant, comme la sélection des locataires et le suivi technique des locaux.
Il faut donc distinguer selon moi le cas de la location meublée passive (qui n'implique aucune diligence réelle comme la location par bail commercial à un exploitant), de la location meublée active (comme la gestion d'un parc d'appartements meublés loués directement par le propriétaire).
Point important : dans le cas de la SARL de famille, il n'est pas nécessairement obligatoire que les revenus nets de la location meublée soient supérieurs aux autres revenus professionnels puisque, selon l'administration, les critères de droit commun du loueur en meublé professionnel au sens de l'ISF ne s'appliquent pas à l'associé d'une SARL de famille.
Si je reprends le cas du retraité qui veut se lancer dans une activité de location meublée en visant l'exonération ISF, si cette activité de location meublée va lui procurer des revenus nets inférieurs à sa pension, par exemple parce qu'il doit emprunter pour acheter ses biens, il peut quand même obtenir l'exonération ISF s'il s'agit de location meublée active, à condition d'exercer son activité sous la forme d'une SARL de famille. Ici la notion d'activité professionnelle renvoie bien au sens courant du mot et donc la situation de pensionné n'est évidemment pas considérée comme une activité professionnelle.
A l'inverse, une personne, qui vise une activité de location meublée passive et l'exonération ISF, doit selon moi éviter d'exercer cette activité sous la forme d'une SARL de famille. Il doit plutôt exercer sous la forme individuelle, mais il doit alors avoir un revenu net de location meublée supérieur aux autres revenus professionnels.
Dernière minute : attention cette note n'est pas à jour des évolutions de la doctrine administrative (voir commentaires ci-après).