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Location meublée et parahôtellerie

Démêlez les noeuds de la fiscalité
mercredi, 25 juillet 2012 13:44

Le dernier piège du bail commercial

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Les investisseurs qui achètent un appartement dans une résidence services dans le cadre d'un placement se font généralement avoir et j'ai déjà expliqué dans le détail dans d'autres notes les différents pièges de cet investissement soit disant sécurisé et idéal pour préparer sa retraite.

J'ai déjà notamment expliqué que les investisseurs se retrouvaient piégés en signant un bail commercial avec l'exploitant.

En effet, le bail commercial est un cadre juridique très protecteur du locataire et, le plus souvent, les investisseurs ne sont en aucune façon informés des conséquences juridiques de ce type de location.

Un premier effet méconnu est le principe de l'indemnité d'éviction. Si les investisseurs veulent reprendre la libre disposition de leur bien à l'issue du bail, ils doivent verser au gestionnaire une indemnité d'éviction égale à la valeur du fonds de commerce. Beaucoup d'investisseurs dans le régime DEMESSINE croyaient pouvoir récupérer leur bien à l'issue de l'engagement fiscal de location de 9 ans. En fait, ils ne pourront pas récupérer leur bien, sauf à verser cette indemnité d'éviction.

Quel est le montant normal de l'indenmité d'éviction ? Il n'y a pas de montant fixe prévu par la loi, c'est au juge de déterminer la valeur du fonds de commerce, en demandant l'avis d'un expert judiciaire, avec la difficulté spécifique liée au fait que c'est nécessairement une quote-part du fonds de commerce puisque le non-renouvellement du bail ne porte que sur l'un des appartements de la résidence. En pratique, la valeur d'un fonds de commerce d'hôtellerie peut se calculer sur base d'un multiple (entre 1 et 2 ans de chiffre d'affaires procuré par l'appartement).

Si la résidence est structuelllement déficitaire depuis plusieurs années, il me semble difficile pour l'exploitant de prétendre recevoir une indemnité d'éviction. En pratique selon moi, la question de l'indemnité ne se pose vraiment que si l'exploitation est rentable.

De fait, lorsqu'un gestionnaire fait faillite parce que les loyers versés aux propriétaires sont trop élevés, le fonds de commerce ne vaut presque rien. Cela s'est vérifié dans de nombreux dossiers où le prix de rachat payé par le repreneur est souvent particulièrement faible. Dans ce cas, le fonds est inexploitable si des avenants ne sont pas signés pour réduire les loyers.

En principe, dans ce type de cas, l'exploitant ne devrait pas être gêné par la perte de la résidence et c'est plutôt lui qui souhaite la résiliation des baux. Souvent il part sans demander le renouvellemnet du bail et il laisse les propriétaires sans exploitant.

Un deuxième effet méconnu est le droit pour le locataire d'obtenir une baisse des loyers au moment du renouvellement du bail.

En effet, la réglementation en matière de baux commerciaux prévoit que le locataire peut obtenir une baisse du loyer s'il est trop élevé par rapport aux conditions du marché et à la situation particulière du bien (notion de valeur locative).

En cas de conflit sur ce point, un expert est nommé et il fixe le loyer du bail renouvelé sur la base de la situation de la résidence et son chiffre d'affaires théorique. En pratique, le loyer est égal à un pourcentage des recettes, généralement autour de 30 % pour une résidence services de type hôtelier, plutôt 40 % pour une résidence étudiante.

Or dans de nombreuses résidences, l'exploitant a fixé un loyer initial trop élevé qu'il n'arrive pas à payer. Cette différence entre le loyer promis et le loyer normal que l'exploitant peut payer s'explique généralement par l'arnaque initiale des fonds de concours (voir mes précédentes notes sur ce point). Cette différence peut aussi s'expliquer par le jeu de l'indexation sur l'indice du coût de la construction.

En pratique, quand l'exploitant a fait faillite en cours de bail, le propriétaire peut obtenir son départ.

Mais il peut arriver que l'exploitant initial arrive à payer ses loyers tout au long du premier bail de 9 ans. Et au moment du renouvellement du bail, il va exiger une baisse du loyer en faisant valoir que le loyer du bail en cours est excessif. Et le juge risque de lui donner raison.

Selon moi, cette demande de révision à la baisse du loyer peut être contestée par le propriétaire s'il peut démontrer que le loyer initial a été artificiellement fixé à un montant élevé dans le cadre de l'arnaque initiale de la vente du bien. Il faut invoquer la fraude. Une telle position doit toutefois s'appuyer sur l'analyse d'un expert.

Paradoxalement, l'action en révision à la baisse du loyer par l'exploitant peut servir les intérêts des propriétaires qui veulent agir contre les intervenants de l'investissement initial (promoteur, commercialisateur, notaire, banquier et exploitant) car cette action peut démontrer incidemment que le loyer initial a été grossièrement gonflé.

Toutefois, ce n'est pas automatique car l'analyse de l'expert au moment du renouvellement porte uniquement sur la question de savoir si, 9 ans après, au moment du renouvellement, le loyer est excessif et non sur la question de savoir si, dès l'origine, le loyer avait été artificiellement gonflé pour arnaquer les investisseurs.

En pratique, les propriétaires ont intérêt à prendre l'initiative d'attaquer le gestionnaire sur ce point et ne pas attendre le débat judiciaire qui peut s'ouvrir lors du renouvellement du bail et la fixation du loyer renouvelé.

Selon moi, l'action judiciaire peut prendre la forme d'une plainte pénale, par exemple en invoquant la publicité mensongère, sous réserve de pouvoir démontrer l'existence de documents publicitaires mensongers.

Pour être complet, il faut rappeler le troisième piège du bail commercial : c'est l'obligation du propriétaire de prendre à sa charge les gros travaux.

Au moment du renouvellement, l'exploitant fait valoir que la résidence est en mauvais état et il exige des travaux de réfection. Le coût de ces travaux est généralement mis à la charge des propriétaires dans le bail (point à vérifier au cas par cas). Ce coût des travaux de réfection n'avait bien évidemment pas été évoqué au moment de l'achat du bien et encore moins mentionné dans la simulation financière.

Il peut arriver que la résidence soit volontairement mal entretenue par le gestionnaire. C'est donc aux propriétaires de contrôler régulièrement si l'exploitant assure son obligation d'assurer les travaux d'entretien courants et si son inaction ne risque pas de donner lieu à des travaux plus importants de réfection complète.

En conclusion, je voudrais insister sur la tromperie initiale la plus grave du placement dans les résidences services. L'arnaque principale porte sur la nature de l'investissement.

Les propriétaires croient acheter un placement financier ou un appartement dans une résidence.

Ils achètent en fait un local commercial qui, pour être bien géré, suppose une compétence particulière et un suivi régulier. En plus, c'est un local commercial qui ne peut servir qu'à un seul usage, celui d'une résidence hôtelière. Enfin, pour gérer le bien efficacement, tous les investisseurs de la même résidence doivent impérativement agir de concert. Il faut donc s'entendre avec tous les autres investisseurs, l'expérience n'est pas toujours facile.

Quand j'entends des conseils préconiser ce type de placement pour préparer sa retraite, je suppose qu'ils pensent au fait qu'il faut donner aux retraités des raisons de s'occuper. Je connais des retraités qui ont investi dans une résidence services et qui sont effectivement bien occupés à cause des problèmes rencontrés pour gérer leur investissement. Mais, le plus souvent, les ennuis arrivent avant la retraite.

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