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Location meublée et parahôtellerie

Démêlez les noeuds de la fiscalité
mercredi, 02 mai 2012 13:50

Résidence de tourisme et gestionnaire unique

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Dans de nombreuses résidences de tourisme classées détenues par des copropriétés, la question se pose de savoir s'il est possible d'imposer aux copropriétaires minoritaires de conclure un bail avec le gestionnaire choisi par la majorité des autres copropriétaires.

Je précise tout de suite un point très important : je ne vais évoquer que le cas des copropriétés dont la destination est de faire l'objet d'une exploitation en tant que résidence de tourisme classée.

J'exclus de mon étude le cas très différent des copropriétés qui ont juste pour objet de gérer des résidences parahôtelières, sans qu'elles soient nécessairement classées.

Pour simplifier, je n'évoquerais pas la réglementation fiscale mais rappelons que le régime DEMESSINE et le régime CENSI BOUVARD (dans certains cas) supposent que les biens soient loués à l'exploitant d'une résidence de tourisme classée et que, dans le régime DEMESSINE, dans certains cas et temporairement, le taux de 70 % évoqué ci-après est réduit à 50 %.

 

Rappel des règles légales

La loi du 10 juillet 1965 sur le régime de la copropriété prévoit :

"Un règlement conventionnel de copropriété, incluant ou non l'état descriptif de division, détermine la destination des parties tant privatives que communes, ainsi que les conditions de leur jouissance ; il fixe également, sous réserve des dispositions de la présente loi, les règles relatives à l'administration des parties communes.

Le règlement de copropriété ne peut imposer aucune restriction aux droits des copropriétaires en dehors de celles qui seraient justifiées par la destination de l'immeuble, telle qu'elle est définie aux actes, par ses caractères ou sa situation. (...)

Chaque copropriétaire dispose des parties privatives comprises dans son lot ; il use et jouit librement des parties privatives et des parties communes sous la condition de ne porter atteinte ni aux droits des autres copropriétaires ni à la destination de l'immeuble."

Il faut également citer le code du tourisme.

L'article D 321-1 définit la résidence de tourisme :

"La résidence de tourisme est un établissement commercial d'hébergement classé, faisant l'objet d'une exploitation permanente ou saisonnière. Elle est constituée d'un ou plusieurs bâtiments d'habitation individuels ou collectifs regroupant, en un ensemble homogène, des locaux d'habitation meublés et des locaux à usage collectif. Les locaux d'habitation meublés sont proposés à une clientèle touristique qui n'y élit pas domicile, pour une occupation à la journée, à la semaine ou au mois. Elle est dotée d'un minimum d'équipements et de services communs. Elle est gérée dans tous les cas par une seule personne physique ou morale."

L'article D 321-2 évoque le cas des résidences détenues en copropriété :

"La résidence de tourisme peut être placée sous le statut de copropriété des immeubles bâtis fixé par la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 modifiée ou sous le régime des sociétés d'attribution d'immeubles en jouissance à temps partagé défini par la loi n° 86-18 du 6 janvier 1986 relative aux sociétés d'attribution d'immeubles en jouissance à temps partagé, sous réserve que le règlement de copropriété ou les documents prévus par l'article 8 de la loi n° 86-18 du 6 janvier 1986 prévoient expressément :

1° Une destination et des conditions de jouissance des parties tant privatives que communes conformes au mode d'utilisation défini au présent article pour ce type de classement et comportant une obligation durable de location d'au moins 70 % des locaux d'habitation meublés qui ne saurait être inférieure à neuf ans, les copropriétaires ou les associés des sociétés d'attribution pouvant bénéficier d'une réservation prioritaire ;

2° Une gestion assurée pour l'ensemble de la résidence de tourisme par une seule personne physique ou morale, liée par un contrat de louage ou mandat aux copropriétaires ou associés des sociétés d'attribution."

 

L'obligation de l'exploitant unique

Il résulte de ces textes plusieurs règles.

Tout d'abord, il ne peut y avoir qu'un seul gestionnaire dans une résidence de tourisme classée.

Rappelons que ce n'est pas la résidence au sens physique qui est classée mais seulement l'exploitant.

C'est l'exploitant qui doit demander le classement et qui en est le titulaire.

Il ne peut obtenir ce classement que s'il est le seul gestionnaire de la résidence puisque la réglementation prévoit qu'il ne peut y avoir qu'un seul gestionnaire dans la résidence.

Ensuite le contrat entre l'exploitant et les propriétaires peut être un contrat de location ou un mandat mais, dans une copropriété, il doit être prévu que 70 % des locaux soient loués pour au moins 9 ans à l'exploitant.

En principe ces obligations doivent figurer dans le règlement de copropriété.

Mais si le règlement de copropriété indique que la destination de la résidence est celle d'une résidence de tourisme classée, cela implique que les copropriétaires doivent respecter les obligations induites par le classement et prévues par le code du tourisme et cela même si le règlement de copropriété ne les rappelle pas.

Ensuite il faut combiner les règles du code de tourisme avec celle de la réglementation générale des copropriétés. Ces règles générales prévoient que les copropriétaires doivent conserver la liberté de jouissance des parties privatives et des parties communes mais dans le respect de la destination de la copropriété.

Selon moi, cela signifie que les copropriétaires ne peuvent pas librement disposer de leurs appartements. Sauf, cas particulier, ils tous sont tenus de louer leur bien à l'exploitant choisi par la majorité des copropriétaires.

 

Le taux de 70 %

Certes, la réglementation n'impose qu'un taux de 70 %.

Il paraît donc possible de considérer que certains propriétaires pourraient faire dissidence et refuser de louer leurs biens au gestionnaire si le taux de dissidence reste inférieur à 30 %.

Cela étant, s'il y a plus de 70 % de propriétaires souhaitant faire dissidence, comment attribuer ce droit à dissidence à certains, et pas à d'autres ?

La possibilité d'obtenir le classement si les minoritaires sont moins de 30 % n'implique pas selon moi un droit à dissidence tant qu'il reste inférieur à 30 %.

A supposer que les demandeurs à la dissidence ne soient qu'une minorité inférieure à 30 %, faut-il considérer que tous les autres copropriétaires ont perdu le droit définitivement de faire dissidence ? Sur quels critères accorder ce droit à dissidence à certains, ce qui priveraient ou réduiraient de facto le droit aux autres d'en bénéficier à leur tour ?

Il est seulement possible selon moi de concevoir une résidence où, dès l'origine et donc dès la rédaction du règlement, certains lots disposeraient du droit de ne pas être loués à l'exploitant, les autres lots étant alors impérativement loués à l'exploitant.

En effet, sauf ce cas particulier, il n'y a aucune raison d'accorder un droit à dissidence à certains propriétaires alors que ce droit porterait atteinte aux intérêts légitimes des autres propriétaires.

 

Le choix d'une majorité

Il paraît raisonnable de considérer que, en cas de litige entre propriétaires, ce soit la majorité des propriétaires qui désigne le gestionnaire et que ce gestionnaire soit imposé à tous les propriétaires.

Aucun texte ne le prévoit clairement.

Mais, le syndicat de copropriété est au minimum compétent pour gérer les parties communes conformément à la destination de l'immeuble.

Il pourrait selon moi interdire à un gestionnaire désigné par les dissidents d'utiliser les parties communes, en faisant valoir que l'activité de ce gestionnaire dissident porte atteinte à la destination de la copropriété en risquant de lui faire perdre le classement.

Plus généralement, le respect de la destination de l'immeuble pourrait justifier le droit du syndicat de s'immiscer dans la gestion des parties privatives et interdire toute autre mode d'exploitation que la location au gestionnaire choisi par la majorité.

Sauf fraude, abus ou motif sérieux, les propriétaires minoritaires des logements qui s'opposeraient au choix d'un gestionnaire proposé par la majorité s'exposeraient, selon moi, à une action en justice pour faute, notamment si leur opposition aboutit à rendre impossible le classement de la résidence.

Mais si les propriétaires récalcitrants sont peu nombreux et que leur dissidence ne porte pas réellement préjudice à la majorité, il sera difficile d'engager une action en justice contre eux, faute de texte précis et faute de préjudice.

En dehors de tout débat juridique, il faut rappeler qu'il ne faut jamais signer un nouveau bail ou un avenant sur la pression d'un gestionnaire ou d'un administrateur judiciaire, sans avoir préalablement organisé une assemblée des copropriétaires pour discuter ensemble et sans avoir consulté un avocat.

Il faut toujours essayer de retenir une position commune à tous les copropriétaires. Il faut éviter les dissidences, ce qui implique de faire preuve d'esprit d'équipe. Selon moi une résidence bien gérée est une résidence unifiée mais il faut aussi avoir un esprit de conciliation et d'équité pour éviter les conflits. Dans certains cas, il faut accepter la dissidence et trouver un accord amiable pour, malgré tout, maintenir une forme d'unité.

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