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Location meublée et parahôtellerie

Démêlez les noeuds de la fiscalité
jeudi, 22 septembre 2011 14:23

Les exploitants parahôteliers victimes de rappels fiscaux illicites

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Les activités de location meublée de locaux d'habitation sont en principe exonérées de TVA.

Mais, dans la mesure où ces activités se rapprochent de celles de l'activité du secteur hôtelier, elles doivent être assujetties à la TVA.

En pratique, les services fiscaux, et parfois certains juges français, retiennent une conception restrictive du champ d'application de l'assujettissement à la TVA.

 

L'assujettissement des secteurs ayant une fonction similaire à l'activité hôtelière

Il faut rappeler que la réglementation en matière de TVA est d'origine européenne. Ce sont les textes européens qui définissent l'ensemble des règles applicables et chaque pays doit les mettre en oeuvre dans sa législation.

L'article 13 B de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires prévoit :

"B. Autres exonérations [...]

b) l'affermage et la location de biens immeubles, à l'exception: 1. des opérations d'hébergement telles qu'elles sont définies dans la législation des États membres qui sont effectuées dans le cadre du secteur hôtelier ou de secteurs ayant une fonction similaire, y compris les locations de camps de vacances ou de terrains aménagés pour camper;"

Par ce texte le législateur européen a voulu éviter une concurrence déloyale des prestataires des secteurs qui pourraient faire concurrence aux hôtels, nécessairement assujettis à la TVA.

Il s'agit d'éviter par exemple que les campings échappent à la TVA alors que les nuits d'hôtel sont nécessairement facturées avec TVA.

Le critère retenu pour l'assujettissement à la TVA au regard de la directive européenne est celui de la "concurrence potentielle" au secteur hôtelier.

C'est pour cette raison que les activités de location meublée peuvent être assujetties à la TVA, du moins lorsqu'elles font une concurrence potentielle au secteur hôtelier.

 

La nécessité d'une interprétation large de l'assujettissement

En droit fiscal, il existe un principe constant selon lequel le champ d'application de l'assujettissement à un impôt doit être interprété extensivement alors que, inversement, le champ d'application de l'exonération doit être interprété restrictivement. Autrement dit, les juges doivent retenir une application large de la définition des activités taxées et une application réduite de la définition des activités exonérées.

La Cour de Justice de l'Union Européenne a d'ailleurs déjà jugé en ce sens pour le régime TVA des activités pouvant faire concurrence au secteur hôtelier.

A ce sujet l'avocat général M.F.G. JACOBS, dans ses conclusions présentées à l'occasion de l'affaire Blasi (CJCE 12 février 1998, aff. 346/95, RJF 1989 n° 1183), a indiqué :

"A l'inverse des exonérations, qui sont en principe d'interprétation stricte parce qu'elles constituent des dérogations au principe général selon lequel la taxe sur le chiffre d'affaires est perçue sur chaque prestation de service effectuée à titre onéreux par un assujetti, le fait d'exclure certaines opérations du champ d'application de l'exonération est conforme à ce principe général. Nous ne voyons aucun intérêt pour la Communauté à chercher à interpréter strictement la latitude, offerte par cette disposition aux Etats membres, d'ajouter de nouvelles opérations au champ d'application de l'assujettissement".

Le commissaire du gouvernement Laurent OLLEON a explicité cette position :

"La CJCE a précisé le sens de ces dispositions dans un arrêt Blasi (...). Elle a tout d'abord rappelé, dans les points 18 et 19 de cet arrêt, le principe selon lequel la règle générale étant l'assujettissement à la TVA, les exonérations sont d'interprétation stricte. En revanche les exceptions aux exonérations, qui renvoient à la règle générale, sont d'interprétation large.
Ainsi en est-il de la notion d'opérations d'hébergement effectuées dans le cadre du secteur hôtelier ou de secteurs ayant une fonction similaire" (CE 27 février 2006 n° 258807, 8e et 3e s.-s., BDCF 6/06 n° 57).

 

Le caractère souvent avantageux de l'assujettissement à la TVA

La réglementation est certes paradoxale car, s'il a été prévu que les activités proches de l'activité hôtelière soient assujetties à la TVA comme les hôtels pour éviter qu'elles puissent tirer un avantage de l'exonération de leurs recettes, en réalité l'assujettissement à la TVA est souvent un avantage.

En effet, en matière de TVA, le fait d'être assujetti permet de récupérer la TVA grevant les dépenses.

En pratique, un investisseur qui construit une résidence hôtelière a souvent intérêt à être assujetti à la TVA car cela lui permet de récupérer la TVA grevant le coût de la construction de la résidence. La TVA à 19,60 % grevant le coût d'une construction peut représenter un montant très élevé.

Bien sûr en contrepartie, les recettes sont assujetties à la TVA mais, en France, c'est le taux réduit de 5,5 % qui s'applique.

De toute façon, le gain financier représenté par la récupération de la TVA sur le coût de la construction dépasserait souvent encore largement le coût représenté par l'assujettissement des recettes, même si le taux applicable aux recettes était le taux de 19,60 %.

Notons toutefois que, dans certains cas, l'assujettissement n'est pas avantageux et notamment lorsque l'activité est commencée avec des locaux déjà anciens.

 

Le caractère douteux de la validité de la réglementation française

Pour définir les critères d'assujettissement à la TVA de l'activité parahôtelière, le législateur français applique des critères relatifs aux services.

Les loueurs meublés sont assujettis à la TVA au sens de la législation française dès lors qu'ils fournissent trois des quatre services énumérés par l'article 261 du code général des impôts qui précise :

"b. Aux prestations de mise à disposition d'un local meublé ou garni effectuées à titre onéreux et de manière habituelle, comportant en sus de l'hébergement au moins trois des prestations suivantes, rendues dans des conditions similaires à celles proposées par les établissements d'hébergement à caractère hôtelier exploités de manière professionnelle : le petit déjeuner, le nettoyage régulier des locaux, la fourniture de linge de maison et la réception, même non personnalisée, de la clientèle ; (...)".

Cette définition paraît non-conforme à la réglementation européenne.

En effet, même si les Etats disposent d'une certaine liberté pour définir les critères d'assujettissement des activités proches de celui des hôtels, il est impératif qu'ils retiennent des critères propres à définir l'existence d'une concurrence potentielle avec le secteur hôtelier, et cela en tenant compte de la nécessité de l'interprétation extensive de la notion.

Or, le texte français impose l'existence de certaines prestations hôtelières très spécifiques qui ne sont pas nécessairement fournies par les prestataires d'hébergement des secteurs ayant une fonction similaire à celui des hôtels.

Dans un camping, il est rare que soient proposés le nettoyage des locaux, le petit déjeuner et la fourniture de linge de maison. Pourtant la directive européenne considère bien les campings comme des établissements faisant concurrence au secteur hôtelier.

En plus, en pratique, la réglementation hôtelière n'impose pas toujours la réalisation de ces services.

Il serait plus judicieux de retenir comme critère celui de la durée du séjour : les chambres meublées louées à la semaine font concurrence au secteur hôtelier, même si aucun service hôtelier n'est offert.

 

La conception restrictive de la France

Non seulement le texte de la réglementation française est d'une validité douteuse au regard du droit européen parce qu'il est trop restrictif mais, en plus, l'administration fiscale française en fait une interprétation stricte.

Les services fiscaux français considèrent que l'assujettissement à la TVA représente un régime de faveur pour les prestataires, comme si c'était une exonération.

Il n'appartient cependant pas à l'administration fiscale de réécrire la sixième directive et de violer ce texte, même si c'est pour préserver les intérêts du Trésor Public.

C'est pourtant ce qu'il se passe en pratique.

 

Illustration de la pratique des services fiscaux français

Par exemple, l'administration a pu considérer que la prestation de nettoyage des locaux n'était pas réalisée car le nettoyage, bien que régulier (deux fois par semaine et en début et fin de séjour), n'était pas quotidien.

Or, si le législateur a modifié le texte de l'article 261 du CGI en transformant "nettoyage quotidien" en "nettoyage régulier“ des locaux, c'est précisément pour ne pas imposer de nettoyage quotidien aux activités parahôtelières.

En ce qui concerne la fourniture du linge de maison, l'administration refuse souvent de considérer que ce critère est rempli lorsque le linge est fourni en option et par facturation d'un complément de prix.

Cette position des services fiscaux est en contradiction avec ses propres textes qui se contentent d'imposer une obligation de moyens quant à la fourniture du linge de maison.

Mais c'est sur le critère de l'accueil que l'administration fiscale a les exigences les plus aberrantes. En effet elle exige parfois que l'accueil donne lieu à une présence permanente du personnel de l'établissement. Il s'agit d'une confusion entre le service de réception, prévu par la loi, et le service de conciergerie, nullement prévu.

Les exigences des services fiscaux sont donc fantaisistes au regard des règles prévues par le droit européen mais même au regard de la réglementation française.

L'administration fiscale procède ainsi à des rappels de plus en plus nombreux, et vise principalement les petits contribuables.

Sur le terrain, les gros exploitants de résidence de tourisme échappent à tout rappel, bénéficient de l'assujettissement à la TVA sans fournir les services hôteliers, du moins tels qui sont imposés par l'administration aux petits exploitants.

Il convient de contester ces rappels en invoquant le respect du droit communautaire.

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