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Location meublée et parahôtellerie

Démêlez les noeuds de la fiscalité
jeudi, 10 septembre 2009 15:01

Le mailing des loueurs en meublé

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Je rappelle à tous les loueurs en meublé le courrier qu'ils doivent impérativement envoyer à leur député, leur sénateur, leur président, leur premier ministre et leur ministre du budget.

C'est le moment ou jamais.

Pour l'instant, les politiques sont indifférents mais plus il y aura de courriers, plus ce dossier sera pris au sérieux.

 

Objet : réforme du régime des loueurs en meublé professionnels

 

Monsieur le Député,

J'ai l'honneur d'attirer votre attention sur une violation récente du principe de sécurité juridique et de non-rétroactivité de la loi fiscale.

Ainsi que l'avait déjà relevé Monsieur Nicolas Sarkozy lorsqu'il était député en 1998, en déposant un texte de proposition de loi visant à protéger ces principes : « comment demander aux Français de croire aux engagements politiques si l'Etat s'autorise à revenir sur la parole donnée, si le législateur s'arroge le droit exorbitant de pouvoir rompre avant son terme et dans des conditions non prévues initialement, l'équilibre même du contrat tacite conclu avec le contribuable ? »

Le Sénat avait d'ailleurs préparé, lors de sa séance du 8 février 2001, une proposition de loi organique limitant le recours aux dispositions fiscales de portée rétroactive.

L'actuel Président de la République avait à nouveau insisté sur ce principe lors de sa campagne présidentielle :

« Je défendrai le principe de non-rétroactivité de la loi fiscale (...), je souhaiterais inscrire dans notre Constitution les principes de sécurité juridique et de confiance légitime ».

Monsieur Olivier Fouquet, Président de section au Conseil d'Etat, a remis le 23 juin 2008 au ministre du Budget et des Comptes publics un rapport contenant 52 propositions opérationnelles visant à améliorer la sécurité juridique en matière fiscale. Parmi celles-ci, figure notamment la légalisation d'un principe de non rétroactivité de la loi fiscale lorsque des dispositions défavorables aux contribuables sont adoptées (O. Fouquet, G. Monsellato, JC Bouchard « Vers de nouveaux rapports entre l'administration fiscale et le contribuable : quelle sécurité juridique et quelle confiance ? » Droit fiscal n° 15, 10 Avril 2008, 253).

Or, dans la loi de finances pour 2009 votée le 27 décembre 2008 et applicable dès le 1er janvier 2009, est intervenue une réforme importante qui a modifié en profondeur le régime fiscal de la location meublée professionnelle, à tel point que certains y ont vu, et à juste titre, l'arrêt de mort du LMP (AGEFI du 28 novembre 2008 « Le gouvernement signe l'arrêt de mort du LMP »).

Cette réforme a pour effet de faire perdre à de nombreux contribuables les avantages fiscaux sur lesquels l'Etat s'était engagé et dont dépend la rentabilité de leur investissement.

De surcroît, la suppression de ces avantages est applicable aux personnes ayant déjà investi avant le 1er janvier 2009, au mépris du principe de sécurité juridique.

Si l'on peut concevoir que le législateur envisage de modifier la loi fiscale, une telle modification ne peut valoir que pour l'avenir, à l'exclusion des investissements déjà réalisés.

*

Le législateur ne peut à la fois pendant des années inciter les contribuables à choisir un mode d'investissement, puis brusquement le supprimer, y compris pour les investissements effectués avant l'entrée en vigueur de la loi.

Cette réforme porte atteinte au principe constitutionnel de sécurité juridique ainsi qu'au principe de non-rétroactivité de la loi fiscale consacré par l'article 1er du protocole additionnel n°1 à la Convention européenne des droits de l'homme.

Le Conseil constitutionnel relevait déjà en 1986 que l'application rétroactive de la loi fiscale se heurtait à une double limite : le respect de la non-rétroactivité des lois fiscales plus sévères, et la subordination de la rétroactivité à l'existence d'une justification d'intérêt général qui ne peut se limiter au seul intérêt financier de l'Etat (86-223 DC du 29 décembre 1986). En 1998 et 2002, il a exercé un contrôle de proportionnalité en vérifiant si le législateur aurait pu prendre des mesures non-rétroactives et de nature à poursuivre les mêmes objectifs financiers (98-204 DC du 18 décembre 1998 et 2002-458 DC du 7 février 2002). Dans l'affirmative, la loi encourt la censure.

Par ailleurs, le Conseil d'Etat a tout récemment fait usage en matière fiscale de la notion d'« espérance légitime » (CE 19 novembre 2008 Sté Getecom, n°292948) dégagée par la Cour européenne des droits de l'homme qui exige d'impérieux motifs d'intérêt général (que ne peut justifier le seul intérêt financier) pour admettre une atteinte rétroactive à un bien protégé par l'article 1 du Protocole n°1 (CEDH 14 février 2006 Lecarpentier c/ France, n°67847/01; CEDH 9 janvier 2007 Aubert et autres c/ France, n°31501/03), en se fondant sur le principe de « prééminence du droit ».

Le principe de sécurité juridique a été dégagé depuis fort longtemps par la Cour de justice des Communautés européennes au regard des exigences de certitudes de prévisibilité de la règle de droit (CJCE 9 juillet 1969 Portelange c/ Smith corona Merchant International, aff. 10/60, Rec. p. 309), et la plupart des pays européens l'ont consacré. Sauf la France.

Monsieur Olivier Fouquet, Président de section au Conseil d'Etat, précisait en 1994 que :

« les avocats ou conseils spécialisés en droit fiscal sont unanimes à dénoncer les conditions d'application dans le temps des lois fiscales françaises aux yeux de leurs clients étrangers, la rétroaction donne à la France, cet « Etat de droit » des discours officiels, l'image d'une république bananière. » (Olivier Fouquet, « La rétroactivité des lois fiscales » La Revue Administrative 1994 T 1 p. 345).

La loi de finance 2009 réformant la location meublée professionnelle est, hélas, un parfait exemple de violation du principe de sécurité juridique paralysant les investisseurs, qui étaient légitimement en droit de penser que les avantages fiscaux, consentis en contrepartie de leurs engagements, étaient acquis. Alors que les investisseurs ont respecté leurs engagements, l'Etat ne tient pas les siens et supprime les avantages assurés aux loueurs en meublés professionnels en contrepartie de leurs investissements...

Il va de soi qu'une telle mesure n'incitera pas ces derniers à investir ou réinvestir. Tout ceci est évidemment regrettable tant sur le plan économique (particulièrement en période de récession où l'initiative privée doit être, plus que jamais, encouragée) que sur le plan social en raison de l'impérieuse nécessité de développer et de rénover le parc locatif, notamment dans les grandes villes, car la demande de locations meublées ne cesse de croître (étudiants, stagiaires, salariés détachés, jeunes à la recherche d'un premier emploi, personnes en CDD ou en instance de divorce...).

De plus, cette réforme ne manquera pas d'engendrer de nombreux contentieux en raison de la violation manifeste du principe de sécurité légitime à l'égard des investissements réalisés avant le vote de la loi de finance du 27 décembre 2008 (applicable au 1er décembre 2009), et au regard des multiples situations inéquitables qu'elle provoque (dont certaines sont développées dans l'annexe 1).

Nous espérons cependant qu'à l'occasion d'une prochaine loi de finances rectificative, ce texte sera modifié en vue de respecter l'Etat de droit pour ces raisons évidentes ci-dessus exposées et de maintenir les anciennes règles pour tous les investissements réalisés par les loueurs en meublés professionnels avant le 31 décembre 2008 au regard du principe de confiance légitime.

Je vous prie d'agréer, Monsieur le Député, l'expression de ma considération la plus distinguée.

 

ANNEXE

INCIDENCES DE LA LOI DE LOI DE FINANCE POUR 2009 SUR LE LMP

Il n'est pas admissible de supprimer les conditions sans lesquelles les investisseurs n'auraient pas réalisé leur investissement

Trois dispositions doivent être distinguées :

1°) - Premièrement, l'accès au régime de loueurs en meublé professionnels a été considérablement restreint.

Une nouvelle condition a été rajoutée dans la loi : elle réserve désormais le régime du loueur en meublé professionnel aux investisseurs dont les recettes locatives sont supérieures à leurs autres revenus professionnels.

Cette réforme fait brutalement perdre le régime du LMP à la quasi-totalité des investisseurs ayant ce statut en 2008.

Dans ce cas, il a certes été prévu une période transitoire, mais elle est d'une portée insignifiante :

a) Tout d'abord, elle ne peut pas bénéficier aux investisseurs détenant leurs biens depuis plus de 10 ans ;

b) Ensuite, pour les autres, elle offre en théorie seulement un adoucissement temporaire et dégressif des conditions de calcul de la nouvelle condition.

En pratique, elle n'aura pas d'effet significatif.

Les personnes qui ont investi dans le passé en contrepartie des avantages fiscaux promis au statut de LMP sont très majoritairement des personnes ayant une activité professionnelle avec des revenus supérieurs à leurs recettes de loueur en meublé (fort heureusement du reste, car la plupart du temps, les recettes locatives ne couvrent pas, ou à peine, les mensualités de remboursement des prêts, sans compter les autres charges).

Par ailleurs, les investisseurs qui avaient acheté des appartements pour se préserver un revenu au moment de leur départ en retraite sont particulièrement spoliés puisque les pensions de retraite sont traitées par le nouveau texte comme des revenus professionnels.

Les rares personnes qui peuvent bénéficier du dispositif transitoire ne conserveront le statut LMP qu'un an ou deux, ce qui est dérisoire.

De surcroît, cette réforme est d'une complexité inextricable : certains contribuables se trouveront ainsi, en fonction des leurs revenus professionnels, successivement sous le régime du LMP telle année (si leurs revenus sont inférieurs à leurs recettes locatives) puis du LMNP telle autre (si leurs revenus sont supérieurs à leurs recettes locatives), etc... sans aucune prévisibilité car les revenus d'une activité professionnelle ne sont en général connus avec exactitude qu'en fin d'année.

Il aurait été pourtant simple de prévoir un dispositif conciliant les nouvelles mesures avec le respect des investissements déjà réalisés : il suffisait tout simplement de maintenir les anciennes règles pour tous les investissements réalisés avant le 1er janvier 2009.

2°) - Deuxièmement, les loueurs en meublé ayant un chiffre d'affaires inférieur à 76.300 € pouvaient profiter du régime d'imposition des micro-entreprises permettant notamment de bénéficier d'un abattement de 71 %.

Depuis la loi de finance 2009, le seuil de ce régime a été abaissé à 32.000 € et l'abattement a été réduit à 50 %.

En conséquence, de nombreux investisseurs ont perdu le bénéfice du régime micro, et ceux qui peuvent le garder voient le montant de l'abattement fortement réduit.

Cette nouvelle disposition s'applique automatiquement à compter du 1er janvier 2009 sans qu'aucune période transitoire n'ait été prévue pour permettre aux investisseurs de s'adapter aux nouvelles règles.

Là encore, les nouvelles mesures auraient dû tenir compte des investissements déjà réalisés.

3°) – Enfin, les loueurs en meublé professionnels dont les recettes locatives étaient inférieures à 250.000 € pouvaient profiter d'une exonération de plus-value après 5 ans d'activité.

Or, le seuil des recettes permettant de bénéficier de cette exonération est brutalement passé de 250.000 € à 90.000 € à compter du 1er janvier 2009. Aucun régime transitoire n'a été prévu.

En effet, il n'a même pas été envisagé une période transitoire respectant les intérêts des investisseurs ayant plus de 5 ans d'activité au 31.12.2008 et dont les recettes sont comprises entre 90.000 et 250.000 € afin de leur laisser un délai raisonnable pour vendre leurs biens en profitant de l'exonération de plus-values dont ils étaient jusqu'alors assurés (et sans laquelle ils n'auraient pas réalisé les mêmes investissements).

Nombre d'investisseurs dans ce cas qui envisageaient, avant l'adoption de la loi de finance pour 2009, de vendre un bien afin de réinvestir y ont renoncé du fait de la réforme.

L'application immédiate de la loi de finance dès le 1er janvier 2009 est préjudiciable aux investisseurs ayant acquis leurs bien avant cette réforme.

En effet, les loueurs en meublé professionnel dont les recettes excèdent 90.000 € (mais restent inférieures à 250.000 €) et ayant plus de 5 ans d'activité se voient à la fois :

- privés de l'exonération des plus-values qui leur avait été assurée lors de leur investissement, et ce au mépris du principe de sécurité juridique et de non-rétroactivité de la loi fiscale ;

- privés de l'abattement de 10% par année de détention au-delà de la 5ème année (qui bénéficie pourtant à tous les autres contribuables relevant du BIC quel que soit leur chiffre d'affaires en application de l'article 151 septies B du CGI), l'administration fiscale considérant curieusement que les loueurs en meublés professionnels ne peuvent en bénéficier (Mémento fiscal Francis Lefebvre 2009 n°8043)..

Ce dispositif défavorable aux loueurs en meublés professionnel est discriminatoire. En pareil cas, les articles 14 de la Convention européenne des droits de l'homme et 1er du premier protocole additionnel peuvent aussi être utilement invoquées à l'appui de discriminations injustifiées entre contribuables instaurées par une loi fiscale (en ce sens : CE Assemblée, 12 avril 2002, n°239693 ; CE 10 août 2005, n° 259741).

De plus, les loueurs en meublé professionnels atteignant 5 ans d'activité fin 2008 ou début 2009, qui étaient assurés de bénéficier d'une exonération totale de plus-value dès lors que leurs recettes étaient inférieures à 250.000 €, se trouvent injustement pénalisés puisque, depuis le 1er janvier 2009, toute revente serait soumise à plus-value si leurs recettes locatives excèdent 90.000 €. Autrement dit, le dispositif fiscal incitatif est supprimé le jour où l'investisseur ayant 5 ans d'activité peut enfin profiter de l'avantage assuré en contrepartie.

Cette réforme est particulièrement pénalisante pour tous les loueurs en meublé professionnels étant précisé que l'on ne devient pas LMP sans un investissement personnel souvent conséquent, en sus, bien souvent, d'une autre activité professionnelle, ni sans prendre des risques financiers importants.

Cette atteinte est particulièrement grave en période de crise économique, d'autant que les biens immobiliers relèvent d'une gestion lourde à long terme. Ils ne peuvent être cédés et acquis aussi facilement que des actions et nécessitent une certaine prévisibilité reposant sur le respect des engagements pris par l'Etat lors de l'investissement.

Le législateur aurait dû maintenir les anciennes règles pour tous les investissements réalisés avant le vote de la loi de finance 2009. Une telle solution avait d'ailleurs été retenue par le législateur lorsqu'il a supprimé pour les contribuables relevant des BIC, dans la loi de finance pour 1996 du 30 décembre 1995, le droit d'imputer leurs déficits provenant d'une activité non professionnelle sur le revenu global (sauf pour les LMP qui conservaient ce droit d'imputation dans le cadre de leur régime spécifique) à compter du 1er janvier 1996 : il a été prévu que cette réforme ne s'appliquait pas aux personnes ayant déjà effectué leur investissement. Ainsi, tous les contribuables qui avaient investi avant le 1er janvier 1996 ont pu conserver le droit d'imputer leurs déficits sur le revenu global.

Le même principe devrait s'appliquer pour la réforme du LMP.

Ce serait d'autant plus justifié que le régime du LMP est un régime incitatif dérogatoire accordant effectivement des avantages importants mais légitimes car ils sont la contrepartie d'investissements risqués palliant l'initiative publique (qu'il s'agisse de la rénovation de logements anciens ou de l'acquisition de logements neufs, de résidences de tourisme, ou de maisons de retraites médicalisées) et cette activité nécessite très souvent - contrairement aux idées reçues - un investissement personnel important, en sus d'une autre activité professionnelle.

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