De plus, l'administration fiscale a expressément admis que si les propriétaires n'arrivent pas à retrouver un repreneur qui ne baisse les loyers, ils peuvent reprendre eux-mêmes l'exploitation de la résidence, le cas échéant avec l'assistance d'autres entreprises.
Six réponses ministérielles récentes, rédigées dans les mêmes termes, pourraient s'interpréter comme validant la thèse selon laquelle les propriétaires sont obligés d'accepter une baisse de loyers "dans leur intérêt" (Réponses toutes publiées au JO AN du 7 juin 2011, page 6 052 : Henri NAYROU publiée au JO le 1er février 2011, Sophie PRIMAS publiée au JO le 8 février 2011, Michel BOUVARD publiée au JO le 8 février 2011, Henriette MARTINEZ publiées le 15 et le 22 février 2011, Joël GIRAUD publiée au JO le 22 février 2011).
Je propose une mise au point.
1 Les règles de droit sont très claires
1.1 Le sacro-saint principe de la faillite
En cas de faillite, le tribunal peut forcer les fournisseurs et les clients à maintenir leurs relations juridiques avec l'entreprise en faillite.
Cependant, ce maintien forcé des relations contractuelles n'est possible que si les termes des contrats sont respectés, notamment les prix.
Prenons l'exemple d'un propriétaire qui loue ses locaux à un commerçant.
Si ce commerçant fait faillite, le propriétaire ne peut pas prétexter de la faillite pour résilier le bail. Il est tenu d'accepter le repreneur si ce dernier lui paie les loyers prévus intialement.
En revanche, le juge de la faillite ne peut en aucun cas forcer le propriétaire à baisser le montant de ses loyers ou à accepter le repreneur malgré une baisse des loyers demandée par le repreneur.
1.2 La vente du fonds de commerce
En cas de faillite, le juge du tribunal de commerce peut vendre le fonds de commerce à un repreneur.
Le droit au bail est un élément essentiel du fonds de commerce.
Le juge ne peut pas décider de la vente du fonds de commerce si le droit au bail n'est pas lui-même vendu.
C'est le cas notamment si l'exploitation du fonds de commerce implique nécessairement le contrôle des locaux, par exemple pour un hôtel.
Qui accepterait de racheter le fonds de commerce d'un hôtel s'il ne peut pas récupérer les locaux de l'hôtel ?
2 Application aux faits
2.1 La tentation de certains administrateurs
Dans les faits, certains administrateurs judiciaires cherchent à trouver à toute force des repreneurs.
Certains administrateurs judiciaires et certains repreneurs essaient de faire croire que les propriétaires sont obligés d'accepter de signer des nouveaux baux commerciaux en baissant les loyers.
Quelques décisions de justice vont en ce sens (TGI de Gap, ordonnance de référé n° 10/00124, du 26 mai 2010 et TGI de Saintes, ordonnance de référé n° 10/01132, du 1er juin 2010).
2.2 La jurisprudence dominante
Les décisions précédemment évoquées constituent des exceptions car d'autres tribunaux de première instance et les cours d'appel donnent systématiquement raison aux copropriétaires (Cour d'appel de Paris, 16e chambre, 15 décembre 1999, TGI de Saint-Gaudens, ordonnance de référé n°10/00079, du 28 mai 2010, TGI de Draguignan, ordonnance de référé n° 10/04291, du 2 juin 2010, TGI de Gap, ordonnance de référé n°10/00149, du 16 juin 2010, TGI de Colmar, ordonnance de référé 10/00157, du 18 juin 2010 et TGI de Gap, ordonnance de référé n°10/00170, du 7 juillet 2010).
Ainsi, dans l'ordonnance du TGI de Colmar du 18 juin 2010, le juge indique :
"Elle (la société D. ESTATE, repreneur désigné par le tribunal de commerce) se trouve maintenant exploitant d'un hôtel sans être propriétaire notamment des chambres qu'elle offre à la clientèle alors que les baux auraient pu être transférés légalement dès lors qu'ils étaient nécessaires au maintien de l'activité s'ils avaient été maintenus.
Leur résiliation postérieurement à la liquidation judiciaire et alors que le tribunal avait autorisé la poursuite de l'activité pour une durée de trois mois pour permettre la reprise des actifs laisse perplexe dès lors que la situation particulière liée à l'existence de la copropriété et la nécessité de disposer des baux pour garantir le maintien de l'activité auraient pu conduire à les conserver moyennant paiement du loyer même économiqueou du moins à s'assurer avant toute cession de l'accord des bailleurs.
La société D. ESTATE, en acquérant le fonds de commerce de la société MLHR sans les baux nécessaires tout particulièrement dans cette situation spécifique, l'a fait à ses risques et périls, acceptant le risque de ne pas pouvoir conclure de baux commerciaux avec les copropriétaires à défaut d'obtenir leur accord.
En aucun cas la cession d'actifs à son profit du fonds de commerce de la société MLHR prononcée le 6 mai 2010 ne saurait constituer un titre l'autorisant à occuper sans bail les locaux des copropriétaires.
La société D. ESTATE était parfaitement consciente de la situation puisqu'elle produit un courrier daté du 14 mai 2010 adressé aux propriétaires, dans lequel elle déclare que "la proposition de bail que vous recevrez tiendra compte de vos impératifs fiscaux".
"Ainsi, la société D. ESTATE, dont le périmètre de la reprise ne comprenait pas les baux commerciaux précédemment résiliés par le liquidateur se trouve, par conséquent,occupant sans droit ni titre des locaux qu'elle exploite et qui appartiennent aux requérants.
Une telle occupation constitue bien un trouble manifestement illicite, au sens de l'article 809 du Code de procédure civile, et justifie de prononcer l'évacuation des lieux par la société D. ESTATE. (...)"
Dans cette affaire, le repreneur avait obtenu les clés de l'administrateur judiciaire et s'était installé dans les locaux : le juge ordonne son expulsion.
2.3 La réglementation fiscale
La loi permet aux copropriétaires d'une résidence de tourisme de conserver leur réduction d'impôt DEMESSINE après la faillite de l'exploitant, mais cela dans certains cas seulement.
Il est notamment prévu que les propriétaires peuvent choisir d'exploiter eux-mêmes leur résidence si aucun autre gestionnaire ne s'est porté candidat à la reprise de la résidence ou si :
"Les copropriétaires détenant au moins 70 % des appartements de la résidence n'ont pas souhaité signer un bail commercial aux conditions proposées, tenant notamment au montant des loyers, par le ou les candidats éventuels." (Voir en ce sens l'instruction du 4 novembre 2010, 5 B-22-10 n° 19)
Pour être complet, il y a une forme de confusion entre ce pourcentage de 70 % des appartements et le pourcentage de 50 % qui est requis pour qu'une solution alternative soit proposée.
Il faut que les propriétaires soient au moins 70 % à refuser une baisse de loyer et qu'ils soient au moins 50 % à proposer une solution alternative.
Précisons que les copropriétaires ne sont pas obligés d'attendre 12 mois pour proposer une alternative, s'il est constaté que les perspectives de reprise de l'exploitation par un nouveau gestionnaire ne peuvent pas aboutir. C'est évidemment le cas si aucun repreneur ne propose le maintien des loyers et s'il paraît exclu qu'il puisse se trouver un repreneur qui le propose un jour.
Bien sûr le chantage fiscal est fréquent dans la pratique : l'exploitant initial ou le repreneur essaient de faire croire aux propriétaire qu'ils vont perdre leur avantage fiscal s'ils n'acceptent pas une baisse de loyer. En fait, les propriétaires peuvent reprendre l'exploitation de la résidence et conserver leur avantage fiscal.
2.4 Tentative avortée des députés pour renverser la doctrine
Dans leurs questions, les députés tentent d'infléchir le ministre en voulant faire supprimer la possibilité pour les copropriétaires de ne pas contracter avec le repreneur désigné par le jugement du tribunal de commerce.
Heureusement c'est un échec.
Le ministre refuse de faire modifier la doctrine administrative sur ce point : les propriétaires sont en droit de refuser un repreneur qui leur imposerait une baisse de loyer.
Mais le ministre semble donner raison aux députés en faisant valoir toutefois dans sa réponse que, si le fonds est vendu à un repreneur, les propriétaires ne peuvent eux-mêmes exploiter le fonds et que seul le repreneur désigné par le juge est alors en droit de le faire.
Cette position du ministre est exacte, à condition de ne pas oublier que, pour qu'il y ait une vente de fonds d'hôtel valide, encore faut-il qu'il y ait eu la vente du droit au bail.
Or une telle vente n'est possible que dans deux cas :
1) Le bail initial est maintenu avec les loyers prévus initialement, dans ce cas les propriétaires ne peuvent pas s'opposer au transfert du fonds (mais on ne voit pas très bien pourquoi ils s'y opposeraient).
2) Le bail est modifié avec une baisse de loyer et les propriétaires acceptent cette baisse de loyer en signant un nouveau bail.
En effet, si le repreneur ne maintient pas le bail initial et que les propriétaires refusent la baisse de loyer, il ne peut y avoir eu vente de fonds.
Le jugement d'un tribunal de commerce qui décide de la vente d'un fonds de commerce alors que le droit au bail n'est pas transmis est une ineptie juridique. Une telle vente est fictive, au minimum elle laisse perplexe.
Encore une fois, aucun juge ne peut forcer les propriétaires à accepter un repreneur qui baisse les loyers.
En pratique, il peut arriver qu'un juge de première instance se trompe sur ce point, mais le juge d'appel ne validera pas une erreur aussi grossière et une atteinte à la loi aussi manifeste.
Sur un plan général, il y a lieu de regretter la démarche de ces députés, qui ne paraît pas directement inspirée par la défense de l'intérêt général.
Pour reprendre le mot du président du TGI de Colmar dans sa décision précitée, la démarche de ces députés me laisse perplexe.
Je reproduis ci-dessous l'intégralité de la réponse BOUVARD :
"TEXTE DE LA QUESTION :
M. Michel Bouvard attire l'attention de M. le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'État sur les conditions d'éligibilité au dispositif de reprise en autoexploitation des résidences de tourisme dont l'opérateur est défaillant, prévu à l'article 87 du projet de loi de finances pour 2010.
En effet, l'instruction fiscale du 25 octobre 2010 conditionne cette faculté à ce qu'aucun autre gestionnaire ne se soit porté candidat à la reprise de l'exploitation de la résidence, ou à ce que les copropriétaires détenant au moins 50 % des appartements de la résidence n'aient pas souhaité signer un bail commercial aux conditions proposées par d'éventuels candidats.
La rédaction retenue soulève un problème de droit dans les cas où une reprise d'activité a été homologuée par un tribunal de commerce.
Il peut, en effet, arriver qu'une partie des copropriétaires s'appuie sur cette faculté pour s'opposer à la décision du tribunal de commerce et refuser de signer des baux avec le repreneur désigné pour préférer une solution d'autoexploitation écartée par le tribunal, voire n'ayant pas même fait acte de candidature dans ce cadre.
Cette situation est extrêmement problématique.
D'une part, elle conduit à vider de sa substance une décision de justice, pourtant prise à l'issue d'un processus d'appel d'offres et permettant de choisir le repreneur le mieux disant à l'égard des créanciers et de la préservation de l'emploi, et d'opter pour le projet économique le mieux à même de garantir à l'ensemble des acteurs concernés la viabilité de l'activité.
D'autre part, elle perturbe très fortement l'exploitation de la résidence, à rebours des objectifs du régime d'incitation fiscale et au détriment de l'économie locale, des collectivités d'implantation et des copropriétaires eux-mêmes.
En outre, elle fait peser sur l'ensemble des copropriétaires un risque de remise en cause de leurs avantages fiscaux, si l'exploitation ne peut se faire.
Enfin, elle est contraire à l'intention du législateur qui visait à réserver l'assouplissement du régime aux seuls cas d'absence de repreneur ou de reprises abusives fondées sur des conditions léonines, ce qui n'est pas le cas lorsqu'une décision de poursuite d'activité est prise par le juge et sous son contrôle.
Il lui demande donc de bien vouloir préciser la possibilité ou non de recourir aux dispositions de l'article 87 en cas d'homologation par le jugement d'un tribunal de commerce d'un repreneur pour poursuivre l'activité d'exploitation.
TEXTE DE LA REPONSE :
Le bénéfice des réductions d'impôt sur le revenu au titre des investissements locatifs réalisés dans le secteur du tourisme, prévues aux articles 199 decies E et suivants du code général des impôts (CGI), est subordonné à un engagement du contribuable de louer le logement de manière effective et continue pendant au moins neuf ans à l'exploitant de la résidence de tourisme. La location doit prendre effet dans le mois qui suit la date d'achèvement de l'immeuble ou de son acquisition, si elle est postérieure, ou dans le mois qui suit la date d'achèvement des travaux.
En cas de changement d'exploitant de la résidence au cours de la période couverte par l'engagement de location, le logement doit en principe être loué au nouvel exploitant dans un délai d'un mois et jusqu'à la fin de cette période.
Par ailleurs, conformément aux dispositions de l'article D. 321-2 du code du tourisme, les copropriétaires ont une obligation durable de location d'au moins 70 % des appartements de la résidence et le gestionnaire doit être unique pour l'ensemble de la résidence de tourisme.
Celui-ci doit en outre être à même d'assurer les prestations mentionnées au b du 4° de l'article 261 D du CGI nécessaires à l'exploitation de la résidence, c'est-à-dire les prestations de mise à disposition d'un local meublé ou garni effectuées à titre onéreux et de manière habituelle, comportant en sus de l'hébergement au moins trois des prestations suivantes : le petit-déjeuner, le nettoyage régulier des locaux, la fourniture de linge de maison et la réception, même non personnalisée, de la clientèle.
En cas de non-respect de l'engagement de location, la réduction d'impôt pratiquée fait l'objet d'une reprise au titre de l'année de la rupture de l'engagement ou de la cession du logement.
Cette rupture de l'engagement peut notamment être constituée lorsque l'exploitant cesse d'être en mesure de prendre le logement en location et qu'aucun nouvel exploitant ne prend le logement à bail dans le délai d'un mois et jusqu'à la fin de la période couverte par l'engagement.
Toutefois, par mesure de tempérament, il a été admis que la période de vacance du logement concerné avant sa location à un nouvel exploitant puisse, dans certains cas limitativement énumérés de défaillance de l'exploitant précédent, être supérieure à un mois sans toutefois pouvoir en principe excéder douze mois.
Cette précision doctrinale a été commentée dans l'instruction administrative publiée au Bulletin officiel des impôts le 11 juillet 2008 sous la référence 5 B-17-08.
En outre, afin de protéger les investisseurs confrontés aux défaillances des gestionnaires de résidences de tourisme, l'article 87 de la loi de finances pour 2010 (n° 2009-1673 du 30 décembre 2009) a prévu une exception à la remise en cause de la réduction d'impôt dans le cas où la candidature d'un autre gestionnaire n'ayant pu être retenue après un délai d'un an et les copropriétaires détenant ensemble au moins 50 % des logements de la résidence, ceux-ci substituent au gestionnaire défaillant une ou un ensemble d'entreprises qui assurent les mêmes prestations pour la période de location restant à courir, dans des conditions fixées par décret.
Cette faculté de substituer au gestionnaire défaillant, non pas un nouvel exploitant, mais une ou un ensemble d'entreprises assurant les mêmes prestations est ouverte aux copropriétaires de la résidence à la condition que la candidature d'un autre gestionnaire n'ait pas pu être retenue au cours de la période de vacance autorisée de douze mois en cas de changement d'exploitant.
Cette condition est considérée comme remplie lorsqu'au terme du délai de douze mois, aucun autre gestionnaire ne s'est porté candidat à la reprise de l'exploitation de la résidence ou lorsque les copropriétaires détenant au moins 70 % des appartements de la résidence n'ont pas souhaité signer un bail commercial aux conditions proposées, tenant notamment au montant des loyers, par le ou les candidats éventuels.
Cela étant, lorsque la reprise d'activité a été homologuée par un tribunal de commerce, il existe alors un repreneur titulaire du droit d'exploiter la résidence et qui dispose à ce titre des prérogatives de l'exploitant unique de la résidence (fonds de commerce, gestion des parties communes, détention du mobilier, prestations aux résidents, ...). Ainsi, le repreneur désigné par le tribunal de commerce est le seul à même d'assurer l'exécution des services et prestations caractéristiques d'une résidence de tourisme, permettant de respecter les conditions d'éligibilité à la réduction d'impôt sur le revenu.
Par suite, nonobstant les dispositions de l'article 87 de la loi de finances précitée, les copropriétaires qui souhaiteraient contracter avec un exploitant autre que le repreneur désigné par le tribunal de commerce ou se substituer à celui-ci en contractant avec une ou un ensemble d'entreprises, seraient dans l'impossibilité d'offrir les services et d'exploiter la résidence dans les conditions imposées pour le bénéfice de la réduction d'impôt.
Ces précisions répondent aux préoccupations exprimées par l'auteur de la question."