Petit rappel sur l'imposition des plus-values professionnelles
Le LMP relève en principe du droit commun de la fiscalité des entreprises. C'est ainsi que si un LMP vend un immeuble, il est taxé sur la plus-value prise par cet immeuble. Cette plus-value se calcule en prenant en compte la différence entre le prix de vente et la valeur nette comptable.
Cela signifie que ce qui est imposable ce n'est pas seulement la prise de valeur du bien mais aussi l'amortissement pratiqué à tort sur le bien. C'est un amortissement à tort car en principe l'amortissement mesure l'usure du bien et donc sa perte de valeur. En pratique, pour les immeubles, il y a plutôt généralement une prise de valeur. Donc l'amortissement présente en quelque sorte un caractère inexact dans le cas où le bien a plutôt augmenté de valeur. Sa déduction fiscale était une forme d'avantage indu. Et au moment de la revente, cet avantage est de facto réintégré fiscalement.
Prenons un exemple. J'achète en 1995 un appartement pour une valeur de 120 K€. Je l'amortis chaque année à hauteur de 3 K€. En 2015, au bout de 20 ans, j'ai donc amorti le bien pour un montant total de 60 K€. La valeur nette comptable est égale à 120 – 60, soit 60 K€. Si je vends le bien pour un prix de 200 K€, je réalise une plus-value apparente de 80 K€ (200 – 120). Mais fiscalement, la plus-value est de 140 (200 – 60). Cette plus-value fiscale se décompose en deux plus-values. La plus-value long terme de 80 K€ qui correspond à la plus-value économique apparente et la plus-value court terme de 60 K€ qui correspond en fait à l'amortissement déduit à tort.
Ces deux plus-values n'ont pas le même régime fiscal et social. La plus-value à court terme est taxée comme un revenu normal. Elle s'ajoute donc au revenu courant. Elle est soumise aux cotisations sociales.
La plus-value à long terme est imposée à un taux réduit de 16 % majoré des prélèvements sociaux au taux de 15,5 %, soit une imposition globale de 31,5 %. Mais cette plus-value n'est pas soumise aux cotisations sociales.
Il y a plusieurs cas où l'imposition de la plus-value latente devient taxable. La vente de l'immeuble est le cas le plus évident. Il en va de même d'un retrait d'actif, c’est-à-dire le fait de retirer un immeuble de l'activité de location meublée. Mais toute cessation d'entreprise entraine aussi l'imposition de toutes les plus-values latentes existant sur les biens du LMP. C'est ainsi que les plus-values deviennent imposable en cas de transmission à titre gratuit, c’est-à-dire le transfert des biens qui s'opère en cas de donation ou de décès de l'exploitant.
Remarque sur le régime des plus-values sur les parts des sociétés de personnes exerçant l'activité de loueur en meublé
Il est possible de se demander quel est le régime de plus-values qui s'applique aux parts de sociétés de personnes qui exercent une activité de location meublée.
Trois solutions sont envisageables :
- plus-values privées sur titres,
- plus-values professionnelles,
- plus-values immobilières des particuliers.
Dans une réponse ministérielle Türk de 1994, non reprise au BOFIP, l'administration avait considéré que "les plus-values sur les sociétés qui exercent une activité de location meublée relèvent des plus-values immobilières."
Selon moi, cette position ne peut s'appliquer qu'aux associés de la société ayant le statut de loueurs en meublé non professionnel, car ces derniers relèvent effectivement du régime des plus-values immobilières des particuliers quand ils exercent leur activité à titre individuel.
En revanche, les plus-values sur les parts de sociétés de personnes devraient relever selon moi du régime des plus-values professionnelles pour les associés ayant la qualité de loueur en meublé professionnel au sens de l'article 155 IV 2 du CGI.
Il s'agit d'appliquer le principe de neutralité fiscale de l'exercice de l'activité sous la forme d'une société de personnes.
Les petits LMP
Application de l'article 151 septies du CGI
L'article 151 septies du CGI prévoit une exonération des plus-values pour les petites entreprises.
L'exonération est réservée aux plus-values réalisées dans le cadre d'une activité agricole, artisanale, commerciale ou libérale exercée à titre professionnel pendant au moins cinq ans.
Il peut s'agir d'une activité exercée dans une entreprise individuelle ou dans le cadre d'une société de personnes relevant de l'impôt sur le revenu. Dans ce dernier cas, l'exonération peut concerner tant les plus-values réalisées par la société que celles réalisées par les associés à l'occasion de la cession de leurs droits sociaux.
L'exonération est totale ou partielle selon les montants des recettes de l'entreprise. Elle est totale si les recettes n'excèdent pas :
- 250 000 € pour les entreprises industrielles et commerciales de vente ou fourniture de logements, à l'exception des locations meublées et des exploitants agricoles.
- 90 000 € pour les prestations de services.
L'exonération est partielle lorsque les recettes excèdent ces seuils sans dépasser respectivement 350 000 € et 126 000 €.
Depuis la loi de finance de 2009, les loueurs en meublé sont désormais assimilés à des prestataires de services normaux pour l'application des seuils de chiffre d'affaires.
La question se pose de savoir si le régime d'exonération des plus-values des petites entreprises de l'article 151 septies du CGI peut s'appliquer aux loueurs en meublé professionnels.
Rien ne le prévoit expressément dans la loi.
L'administration fiscale admet en fait sans problème l'application de l'article 151 septies du CGI pour les plus-values réalisées par une entreprise exerçant une activité de loueur en meublé professionnel (BOI-BIC-CHAMP-40-20 n° 410, 9 janvier 2013) :
"Elles sont susceptibles de bénéficier du régime d'exonération défini à l'article 151 septies du CGI, étant rappelé que celui-ci n'est ouvert, en tout état de cause, qu'aux contribuables exerçant leur activité depuis au moins cinq ans. Pour le décompte de la durée d'exercice à titre professionnel de l'activité, il y a lieu de cumuler les périodes d'exercice à titre professionnel de l'activité."
"Pour bénéficier de cette exonération, les loueurs en meublé professionnels doivent réaliser des recettes inférieures à 90 000 €, pour une exonération totale, et à 126 000 € pour une exonération partielle (BOI-BIC-CHAMP-40-20 n° 420, 9 janvier 2013)."
Ainsi, l'article 151 septies du CGI peut s'appliquer aux petits loueurs en meublés qui respectent les conditions de l'article 155 IV 2 du CGI.
Du fait de l'application de ce régime, les petits LMP évitent nécessairement, après 5 ans d'activité, toute imposition sur leur plus-value. Pour cette raison, les développements sur les autres régimes de faveur en matière de plus-value ont peu d'intérêt. Les petits LMP ne sont généralement pas concernés puisqu'ils disposent de toute façon d'un régime qui s'applique de droit et qui leur permet de bénéficier d'une exonération générale sur leur plus-value. Il n'en va pas de même des gros LMP qui, en principe, ne peuvent pas bénéficier de l'exonération des petites entreprises.
Le calcul des seuils pour les activités exercées sous la forme d'une société de personnes
La question peut se poser de savoir comment calculer les seuils de chiffre d'affaires pour une personne dont l'activité de location meublée se réalise par l'intermédiaire d'une société de personnes, type SARL de famille.
Le principe est que le calcul doit se faire au niveau de la société et non au niveau de l'associé. C'est ainsi que si la société de personnes réalise un chiffre d'affaires supérieur au seuil, ses associés, même très minoritaires ne peuvent pas bénéficier de l'exonération.
A l'inverse si la société réalise un chiffre d'affaires inférieur aux seuils, tous ses associés LMP bénéficient de l'exonération, même s'ils réalisent par ailleurs, par exemple en tant qu'exploitant individuel, un chiffre d'affaires supérieur.
Cette règle peut inciter les gros LMP à diviser leur activité de loueur en meublé dans plusieurs sociétés de personnes distinctes, pour pouvoir toujours rester en-dessous des seuils, et sous réserve de ne pas mettre en place un schéma exclusivement motivé par un intérêt fiscal, ce qui aboutirait à la remise en cause de l'exonération pour abus de droit.
Les gros LMP
Application de l'article 151 septies du CGI pour les vieux gros LMP
La loi de finance de 2009 a modifié le régime d'exonération des plus-values de cessions réalisées par les loueurs en meublé professionnels.
Depuis le 1er janvier 2009, le seuil des recettes permettant de bénéficier de l'exonération des plus-values des petites entreprises est brutalement passé de 250 K€ à 90 K€ pour les loueurs en meublé.
Cette mesure a été d'application immédiate. Elle annule ainsi un avantage essentiel pour de très nombreux contribuables.
Les contribuables s'étant engagés avant 2009 dans l'activité de loueur en meublé professionnel et pensant bénéficier d'une fiscalité favorable en cas de revente se retrouvent ainsi pénalisés.
Il s'agit selon moi d'une atteinte au principe constitutionnel de sécurité juridique ainsi qu'au principe de non rétroactivité de la loi fiscale.
Pour ne pas violer ces principes fondamentaux, la loi ne devrait pas s'appliquer aux investissements réalisés avant la réforme.
Ainsi, à mon avis, il me paraît possible d'invoquer l'application de l'article 151 septies du CGI aux gros loueurs en meublé vendant un bien acheté avant 2009, qui ont un chiffre d'affaires inférieur à 250 K€, et qui respectent les conditions de l'article 155 IV 2 du CGI.
Mais bien sûr il s'agit seulement d'une opinion de ma part, en l'absence de jurisprudence sur ce point.
Le manque d'intérêt de l'application des articles 151 septies A et 238 quindecies du CGI aux loueurs en meublé
Il existe deux régimes d'exonération de plus-value pour les entreprises individuelles qui sont très utilisés pour réduire les conséquences fiscales d'une cessation d'entreprise. Il s'agit d'abord du régime de l'article 151 septies A du CGI qui prévoit une exonération des plus-values en cas de départ à la retraite. Il s'agit ensuite du régime de l'article 238 quindecies du CGI qui prévoit quant à lui une exonération des plus-values des petites activités.
Mais le problème c'est que ces deux régimes ne s'appliquent pas aux immeubles. Autant dire qu'ils n'ont pratiquement aucun intérêt pour les loueurs en meublé car, presque toujours, les plus-values latentes de l'activité concernent exclusivement les immeubles. Je les cite donc pour mémoire, sachant que selon moi, les LMP pourraient en demander l'application si c'était utile.
Une exclusion illégale des loueurs en meublé de l'article 151 septies B du CGI
L'article 151 septies B du CGI prévoit une exonération des plus-values à long terme des entreprises sur les immeubles d'exploitation.
Ce régime prévoit un abattement en fonction de la durée de détention de 10 % par année au-delà de la cinquième, soit une exonération totale après 15 ans de détention.
L'administration fiscale excluait les loueurs en meublé de ce régime. Mais elle a modifié sa position et depuis avril 2017, elle admet son application aux LMP.
Application de l'article 41 du CGI et de l'article 151 nonies II du CGI pour les sociétés de personnes
L'article 41 du CGI prévoit que les bénéficiaires d'une transmission à titre gratuit d'entreprise individuelle peuvent, en cas de poursuite de l'activité, opter pour un régime de report d'imposition des plus-values d'actif constatées au jour de la transmission. Ce report se transforme en exonération définitive des plus-values si l'activité est poursuivie pendant au moins cinq ans par l'un des bénéficiaires de la transmission.
L'article 151 nonies II du CGI prévoit le même report et exonération pour la transmission à titre gratuit de parts ou de droits.
Ces deux régimes peuvent être très utiles aux gros LMP dans le cadre d'un schéma de transmission, et à condition selon moi que l'un des héritiers reprenne l'activité en tant que LMP. Il peut en effet leur permettre de transmettre l'entreprise individuelle ou les parts de la société de personnes (comme une SARL de famille) en purgeant la plus-value.
La question se pose de savoir si ce régime de report et d'exonération des plus-values peut s'appliquer à la location meublée professionnelle.
Selon moi, les loueurs en meublé ayant la qualité de loueur professionnel au sens de l'article 155 IV 2 du CGI peuvent bénéficier du régime de report et d'exonération des plus-values des articles 41 et 151 nonies II du CGI. Ce point a été admis par la doctrine administrative.
Application de l'article 151 octies du CGI
L'article 151 octies du CGI prévoit un mécanisme optionnel qui permet d'éviter l'imposition immédiate des plus-values constatées du fait de l'apport en société d'une entreprise individuelle ou d'une branche complète d'activité.
Le régime spécial concerne toutes les personnes physiques qui apportent à une société une entreprise individuelle ou une branche complète d'activité, quels que soient la nature (industrielle, commerciale, artisanale, non commerciale ou agricole) et le régime d'imposition de l'entreprise concernée.
La forme de la société bénéficiaire de l'apport (société de droit ou société de fait) est indifférente, de même que son régime fiscal (impôt sur les sociétés ou impôt sur le revenu), pourvu toutefois qu'elle relève d'un régime réel d'imposition à la date de l'apport.
Ce régime est très important car il peut faciliter l'apport en société d'une activité de location meublée. Il peut intéresser par exemple une personne qui veut exercer cette activité avec ses enfants, dans le cadre d'une SARL de famille, en vue de préparer la transmission de son patrimoine. Il peut aussi intéresser une personne qui souhaiterait gérer son activité de location meublée par l'intermédiaire d'une société assujettie à l'impôt sur les sociétés, ce qui plus judicieux dans certains cas.
La question se pose donc de savoir si le régime de report de plus-values de l'article 151 octies peut s'appliquer à la location meublée professionnelle.
L'administration fiscale exclut l'application de l'article 151 octies du CGI aux loueurs en meublés n'ayant pas la qualité de loueur professionnel :
"Pour entrer dans le champ d'application de l'article 151 octies du CGI, les apports doivent être réalisés par des contribuables exerçant une profession, c'est-à-dire qui réalisent habituellement des opérations pour leur compte et dans un but lucratif. Cette profession peut être industrielle, commerciale ou artisanale, libérale ou agricole.
En conséquence, ne sont pas considérés comme exerçant une véritable activité professionnelle, notamment les loueurs en meublé n'ayant pas la qualité de loueur professionnel au sens du VII de l'article 151 septies du CGI."
Une interprétation a contrario de cette doctrine administrative permet de considérer qu'il est possible d'appliquer l'article 151 octies aux loueurs en meublé ayant la qualité de loueur professionnel.
Cette interprétation a contrario n'est pas juridiquement opposable car la doctrine administrative doit s'interpréter strictement. Cela étant, en pratique, je ne pense pas que l'administration s'opposera à l'application du régime de l'article 151 octies à l'apport en société d'une activité de location meublée.
Cela étant, le régime de l'article 151 octies est un peu piégeux car il institue un report de plus-value qui n'est jamais purgé, même par une donation. Le report peut juste dans certains cas être à nouveau reporté. Il vaut donc mieux éviter d'attendre pour constituer une société et la constituer dès le début de l'activité, du moins quand un schéma de transmission est envisagé.
La question des cotisations sociales
Comme je l'ai déjà indiqué, les cotisations sociales s'appliquent aux plus-values à court terme des LMP. Et l'application d'un régime d'exonération d'impôt est sans conséquence en matière de cotisations sociales. Autrement dit, même exonérée d'impôt, une plus-value à court terme est assujettie aux cotisations sociales. Cet assujettissement aux cotisations sociales vient en partie réduire l'intérêt du régime LMP par rapport à celui du LMNP. Rappelons en effet que le LMNP n'est pas assujetti aux cotisations sociales. Il peut donc être intéressant dans certains cas pour des LMP de devenir LMNP en se désimatriculant du RCS. C'est le cas, si le régime des plus-values des particuliers leur permet d'être peu taxé compte tenu du délai de détention et en vue d'éviter les cotisations sociales du LMP.
Conclusion
Les petits LMP dont les recettes sont inférieures à 90 000 € peuvent bénéficier généralement de l'exonération des plus-values de l'article 151 septies du CGI à condition d'exercer leur activité de location meublée pendant au moins cinq ans.
En revanche la situation des gros LMP est plus délicate.
Selon moi, les "gros vieux LMP" (dans mon esprit, ce n'est pas péjoratif comme appellation) dont les recettes sont supérieures à 90 000 € et qui se sont engagés avant 2009, devraient pouvoir bénéficier de l'exonération des plus-values de l'article 151 septies du CGI pour leurs vieux immeubles.
Les gros LMP, qui ont acheté leurs biens après 2009, devraient pouvoir seulement bénéficier du report et de l'exonération des plus-values des articles 151 septies B, des articles 41, 151 nonies II du CGI, ainsi que du régime de report de l'article 151 octies du CGI, bien sûr sous réserve de respecter les conditions d'applications de ces dispositifs.