Ce rapport me paraît d'une grande qualité technique et illustre un effort louable de réflexion critique sur l'état de la fiscalité française.
Mais je note qu'il n'y aucun "fiscaliste de terrain" dans les auteurs de ce rapport : aucun agent des impôts de base, aucun avocat fiscaliste, aucun expert-comptable, aucun notaire.
Même si les auteurs du rapport ont pris soin heureusement d'interroger des professionnels, je ne suis pas sûr qu'ils en aient significativement tenu compte dans leurs conclusions.
Il en résulte un caractère biaisé de nombreuses analyses.
Beaucoup de raisonnements sont "hors sol", technocratiques et déconnectés du monde réel.
Beaucoup de réalités ne sont pas dans les statistiques.
Il est par exemple particulièrement amusant pour un avocat fiscaliste de lire que l'ISF n'a pas d'effet sensible sur le nombre de départs à l'étranger.
Il est assez étonnant de lire la proposition d'augmenter les droits de succession en ligne directe, alors que ces droits sont déjà à un niveau confiscatoire.
Les fiscalistes de salon oublient de prendre en compte un élément essentiel du droit fiscal : les contribuables s'adaptent à l'impôt. Et plus l'impôt est élevé, plus les stratégies de contournement se développent.
Il faut surtout retenir la proposition de supprimer l'abattement en fonction de la durée de détention qui s'applique aux plus-values immobilières des particuliers.
Je pense que tôt ou tard, cette proposition de réforme sera effectivement mise en œuvre et les contribuables doivent s'y préparer. Le régime des plus-values immobilières privées s'est déjà aggravé et ce n'est pas fini. L'Etat aura besoin de plus en plus de sous pour financer les puits sans fond de notre système social.
S'agissant de la location meublée, le rapport propose d'en supprimer les avantages et de l'aligner sur le régime fiscal (selon moi désastreux) de la location nue.
La question qui se posera sera alors pourquoi investir dans l'immobilier en France.
Si le régime LMNP est remis en cause, les investisseurs devront se réorienter vers des schémas à base de SCI assujetties à l'impôt sur les sociétés, pour profiter de la flat tax.
La réforme proposée ne serait pas une bonne nouvelle pour les loueurs en meublé mais je note toutefois une bonne idée : limiter ses effets aux nouvelles locations.
Je cite ci-après les principaux extraits de ce rapport qui évoque la location meublée (voir page 103).
"La fiscalité française des revenus locatifs présente deux particularités en Europe.
Elle est la seule à distinguer location nue et location meublée et la seule, avec le Luxembourg, à permettre, dans le régime de la location meublée, l'imposition de la plus-value sans réintégration des amortissements pratiqués en cours de détention.
Le régime de la location meublée est plus avantageux en ce qu’il permet de déduire des loyers perçus, au régime micro-BIC, un abattement forfaitaire représentatif des charges à hauteur de 50 %, et même 71 % pour les gîtes ruraux et les meublés de tourisme, alors que l’abattement n’est que de 30 % au régime micro foncier qui régit la location nue. De plus, le régime de la location meublée non professionnelle ouvre la possibilité de déduire, au réel, en plus des charges, un amortissement qui n’est ensuite pas réintégré dans le calcul de la plus-value imposable.
Un régime fiscal unifié pour les revenus immobiliers permettrait de supprimer une distorsion fiscale (qui crée un écart de rendement significatif entre l’investissement dans un meublé (taux de rendement interne –TRIde l’ordre de 3 %) et l’investissement dans le nu (TRI de 2 %), sans justification économique apparente, et de simplifier la règle fiscale pour les contribuables.
Le régime de la location meublée non professionnelle (LMNP) crée une possibilité d’optimisation fiscale via le mécanisme d’amortissement, qui permet de neutraliser totalement le revenu imposable tiré de la location du bien (…)
La perte de recettes fiscales liée au régime LMNP serait conséquente.
Une mission conjointe de l’Inspection générale des finances et du Conseil général de l’environnement et du développement durable a estimé que la perte de recette à l’IR et aux prélèvements sociaux liée au régime LMNP, par rapport au régime foncier, pourrait être de l’ordre de 330 à 380 M€ par an, dont les deux tiers résulteraient de la règle de l’amortissement.
L’impact sera, à l’avenir, d’autant plus important qu’un nombre croissant de contribuables optent pour ce régime (+11 % par an en moyenne entre 2009 et 2013, 475 411 foyers fiscaux concernés à cette date), le passage d’un régime de location nue à un régime de location meublée ne posant pas de difficulté.
Le traitement fiscal des revenus immobiliers gagnerait donc à être unifié, que le logement soit loué meublé ou nu, autour du régime foncier.
Bien qu’un nombre croissant de contribuables optent pour le régime LMNP, plus de 90 % des foyers fiscaux déclarant des revenus immobiliers le font aujourd’hui dans le cadre du régime foncier (3 856 366 déclarants au régime foncier en 2013285).
En outre, le traitement en BIC de revenus tirés d’une activité non professionnelle n’est pas cohérent.
Enfin, le régime d’imposition des revenus immobiliers devrait mettre fin aux mécanismes d’optimisation permis par le régime LMNP.
Ainsi dans le nouveau régime foncier :
- les charges exposées au titre de l’ameublement pourraient être déduites des loyers imposables, au réel, ou bien après abattement forfaitaire dans l’hypothèse d’une option pour le micro-foncier ;
- les déficits constatés (notamment à la suite de la réalisation de travaux) seraient imputables sur l’ensemble des revenus du contribuable (et non plus sur les seuls revenus de l’activité de location), dans la limite du plafond actuellement prévu par le régime foncier287 ;
- la cotisation foncière des entreprises sur la location meublée serait supprimée.
Certains régimes ciblés visant des investissements spécifiques (par exemple le « Censier-Bouvard » ciblant les résidences étudiantes ou pour les personnes âgées et handicapées, dont le régime fiscal est aujourd’hui plus restrictif que le régime LMNP) auraient vocation à être maintenus.
La baisse du taux d’abattement de 50 % à 40 % au régime micro et la fin de la possibilité de constater un amortissement au réel pour les contribuables en LMNP pourraient être compensées par la suppression de la contribution foncière des entreprises (CFE) et la fin de la « tunnelisation » des déficits. La réforme fiscale abaisserait d'environ un point la rentabilité des investissements locatifs en meublé par rapport au régime LMNP.
L’impact pour les finances publiques de l’assujettissement des revenus des locations meublées à un régime foncier adapté serait compris entre 42 M€ et 120 M€.
Afin d’offrir aux contribuables la possibilité de s’adapter à cette évolution, la réforme pourrait ne s’appliquer aux biens mis en location antérieurement à la réforme qu’à l’occasion par exemple d’un changement de bail, voire seulement aux mises en location postérieures à la réforme."