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Location meublée et parahôtellerie

Démêlez les noeuds de la fiscalité
jeudi, 03 janvier 2019 12:03

Le crédit d'impôt corse, vote de la loi excluant les meublés de tourisme

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La loi de finances pour 2019 a été définitivement votée et publiée.

Elle prévoit notamment à son article 22 une réforme du crédit d'impôt pour investissement en Corse (CIIC).

Cette réforme consiste à exclure du bénéfice du CIIC les activités de gestion et de location de meublés de tourisme pour les investissements réalisés à compter du 1er janvier 2019.

Cette réforme peut donner lieu à diverses questions. Je vais essayer d'y apporter d'y répondre en tenant compte des informations connues à ce jour et sachant qu'une mise à jour sera nécessaire ultérieurement, en fonction notamment des possibles prises de position des services fiscaux.

L'exclusion des meublés de tourisme s'applique-t-elle pour les investissements en cours ?

Selon le texte de loi, la réponse est oui. Tous ceux qui ont commencé des investissements, sans les achever avant le 31 décembre 2018, n'ont pas droit au crédit d'impôt.

Mais selon moi, la réponse est non.

En effet, il serait contraire au principe constitutionnel de non-rétroactivité des textes fiscaux aux situations acquises (principe de confiance légitime, décision du 19 décembre 2013, n° 2013-682) que d'appliquer ce texte aux personnes pouvant démontrer que, avant le 1er janvier 2019, elles avaient décidé de réaliser une activité de location meublée de tourisme.

"Le législateur ne saurait, sans motif d'intérêt général suffisant, ni porter atteinte aux situations légalement acquises, ni remettre en cause les effets qui peuvent légitimement être attendus de telles situations."

Ce point peut être discuté car le principe que j'invoque n'est pas toujours clairement reconnu à ce stade par le Conseil Constitutionnel, mais deux arguments importants peuvent être invoqués au cas particulier.

Tout d'abord, le régime du CIIC est un régime incitatif, et même très incitatif puisque le financement peut aller jusqu'à 30 % du coût de la construction. Le texte a été fait pour inciter les contribuables à faire des investissements. Dans ces conditions, il est particulièrement anormal de revenir sur la parole de l'Etat et de "prendre à revers" les contribuables qui ont cru pouvoir bénéficier du régime de faveur. L'Etat ne peut à la fois encourager un investissement puis le priver des financements promis.

C'est d'autant plus vrai qu'il s'agit au cas particulier d'investissement immobilier.

Un investissement immobilier est très coûteux donc la suppression de 30 % de son financement est d'une particulière gravité.

De plus, un investissement immobilier ne se décide pas et ne se met pas en oeuvre sans un minimum de temps de préparation et d'opérations préliminaires. Donc le législateur aurait dû mettre en place un régime de mise en oeuvre de la mesure sufisamment long pour respecter les droits fondamentaux des contribuables.

Ensuite, le régime a été mis en place initialement pour une durée limitée et à ce jour plutôt proche, c’est-à-dire jusqu'au 31 décembre 2020. Dans ces conditions, les contribuables pouvaient légitimement espérer que tout investissement réalisé jusqu'à cette date limite resterait éligible au moins jusqu'à cette date.

Enfin, si l'objectif est de lutter contre certains abus (schéma de financement de résidence en Corse, voir ci-après), d'autres moyens manifestement plus adaptés étaient possibles comme par exemple l'allongement de la durée d'affectation exclusive à l'activité et/ou l'interdiction de location à l'investisseur bénéficiant du crédit d'impôt pendant la période d'exploitation exclusive. L'exclusion, totale et sans exception, de la location meublée est une mesure manifestement excessive au regard de l'objectif sans doute légitime du législateur, c'est à dire, de lutter contre certains abus.

 

Comment démontrer en pratique l'existence d'un projet d'investissement commencé avant 2019 ?

En pratique, il faut pouvoir démontrer que, en 2018, des actions concrètes ont été engagées pour commencer une activité de location meublée de tourisme. C'est une question à débattre au cas par cas.

Le mieux est d'apporter une preuve non contestable d'une action significative comme le dépôt d'un permis de construire avec la mention de l'activité parahôtelière ou encore l'immatriculation au greffe du tribunal de commerce d'une activité de location meublée parahôtelière.

Mais selon moi tout mode de preuve reste possible. Une simple attestation d'un tiers ne suffira sans doute pas, sauf si elle est confirmée par des actes concrets ou certaines démarches rendant le projet vraisemblable comme par exemple des demandes de devis.

 

Peut-on considérer que même les investissements réalisés seulement 2019 ou 2020 sont éligibles au crédit d'impôt, et même en l'absence de démarches déjà engagées en 2018 ?

Selon moi, oui.

En effet, même pour ceux qui ne se décident que maintenant, il doit être possible selon moi de faire valoir également l'inconstitutionnalité du texte.

Bien sûr c'est plus incertain que pour ceux qui peuvent apporter la preuve que leur projet date d'avant 2019.

En effet, le caractère inconstitutionnel du texte s'appuie sur l'existence d'une date limite de 2020. Cette date limite a pu inciter les contribuables à ne pas se presser pour engager leur projet et à attendre un peu avant d'engager des dépenses. Les contribuables pouvaient légitimement espérer que le texte ne serait pas modifié avant fin 2020.

De plus un autre argument plus général d'anticonstitutionnalité peut être invoqué : le caractère discriminatoire du texte.

Ce texte est fait, d'après les déclarations de leurs auteurs, pour lutter contre les investissements de personnes "qui ne résident pas en Corse". 

Cette motivation est implicitement reprise dans l'exposé des motifs de l'amendement qui a initié le texte puisqu'il est indiqué qu'il faut lutter contre l'utilisation du CIIC pour financer la construction de "résidence secondaire". La notion de résidence secondaire vise, implicitement mais nécessairement, les contribuables non corses.

Il est également indiqué qu'il s'agit de lutter contre "la spéculation immobilière et la dépossession foncière à l'oeuvre sur l'île, au détriment des finances publiques et de la population insulaire pour qui il est difficile de se loger ou d'accéder à la propriété des prix, à cause de la flambée des prix."

L'objectif clairement affiché est de faire échec à l'arrivée de propriétaires ne résidant pas en Corse.

La volonté de protection de la population insulaire est problématique, du moins si elle implique d'empêcher des investissements par des français non corses.

Le caractère discriminatoire de la mesure se retrouve dans le texte de loi par le fait que la mesure ne vise que le meublé touristique. C'est ainsi que les chambres d'hôtes ne sont pas concernées car seul un résident corse peut exercer cette activité.

Selon moi, c'est une discrimination anticonstitutionnelle.

 

L'exclusion s'applique-t-elle aux résidences de tourisme et aux chambres d'hôtes ?

Non car seule la location meublée de tourisme est visée par le texte. Le meublé de tourisme est défini dans le code de tourisme à l'article L 324-1-1 du code du tourisme, à ne pas confondre avec les chambres d'hôtes définies à l'article L 324-3 du code du tourisme. Certes le texte ne renvoie pas à ces définitions mais selon moi, le renvoi est implicite. La chambre d'hôtes implique un accueil chez l'habitant, ce qui paraît incompatible avec le projet de lutte contre les résidences secondaires des continentaux.

 

Que doivent faire les investisseurs en pratique ?

Quand c'est possible, il faut conserver la preuve de la volonté d'engager un projet d'investissement dans le secteur de la location meublée avant 2019.

Selon moi, il faudra demander le bénéfice du CIIC. Mais cette demande ne se fera par hypothèse qu'en 2020 pour ceux qui auront fini leur investissement en 2019.

Si l'administration refuse le bénéfice du crédit d'impôt, il faudra engager un contentieux en faisant valoir l'inconstitutionnalité du texte. De nombreux contribuables feront un tel contentieux et seuls ceux qui en auront engagé un pourront bénéficier d'une éventuelle décision favorable du Conseil Constitutionnel.

Attention au fait que le caractère inconstitutionnel du texte n'est pas définitivement démontré à ce jour. C'est une opinion de ma part. Le Conseil Constitutionnel est une juridiction très politique et qui n'a pas encore établi une jurisprudence très claire, notamment sur la question de la rétroactivité des mesures fiscales. De plus, lorsque le Conseil Constitutionnel abroge un texte, il ne le fait que pour l'avenir. Sa décision ne peut s'appliquer éventuellement que pour les contentieux en cours. L'abrogation constitutionnelle d'une loi fiscale rétroactive n'est pas rétroactive.

Il serait donc hasardeux de tenir pour certain que le texte soit écarté pour inconstitutionnalité, même pour ceux qui prouveraient des démarches réalisées avant 2019. Je ne rembourserai pas les crédits d'impôt qui seraient finalement refusés.

Dans les prochains mois, l'administration va devoir se prononcer sur les modalités de mise en œuvre du texte. Il faut espérer qu'elle acceptera que le crédit d'impôt s'applique au moins à tous ceux qui peuvent prouver l'existence d'un projet d'investissement avant le vote définitif de la loi. Une telle position favorable réduirait fortement le nombre de contentieux basés sur l'inconstitutionnalité du texte.

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