Le régime des entreprises individuelles
La loi
L'article 975 du CGI définit l'exonération des activités professionnelles principales et prévoit le cas de l'activité de location meublée individuelle :
"I. – Sont exonérés (…) lorsque ces biens ou droits immobiliers sont affectés à l'activité principale industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale (…)
V. - Pour l'application du présent article, les activités commerciales s'entendent de celles définies à l'article 966.
Par exception au premier alinéa du présent V, est considérée comme une activité commerciale pour l'application des I à IV :
1° L'exercice d'une activité de location de locaux d'habitation loués meublés ou destinés à être loués meublés [par une personne ou une société], (…) sous réserve, s'agissant des personnes (…), qu'elles réalisent plus de 23 000 € de recettes annuelles et retirent de cette activité plus de 50 % des revenus à raison desquels le foyer fiscal auquel elles appartiennent est soumis à l'impôt sur le revenu dans les catégories des traitements et salaires, bénéfices industriels et commerciaux, bénéfices agricoles, bénéfices non commerciaux, revenus des gérants et associés mentionnés à l'article 62."
Selon le texte légal, le loueur en meublé doit trois conditions pour être exonéré d'IFI :
- exercer son activité professionnelle principale en tant que loueur en meublé,
- réaliser, au niveau du foyer fiscal, plus de 23 K€ de recettes,
- réaliser, au niveau du foyer fiscal, un revenu net supérieur aux autres revenus professionnels.
Sur cette troisième condition, le texte indique plus exactement que les revenus de location meublée doivent représenter plus 50 % des revenus professionnels. Mais cela revient bien à considérer que les revenus de location meublée dépassent les autres revenus professionnels.
La condition contestable de l'activité professionnelle principale
La condition relative à l'exercice professionnel principal est selon moi une erreur de rédaction du législateur car c'est une nouvelle condition qui n'existait pas en matière d'ISF.
Or les textes initiaux et le rapport parlementaire de présentation de la réforme indiquait clairement que le régime de la location meublée n'était pas modifié par l'IFI, par rapport à l'ISF.
La remarque pertinente de Jean-Yves Mercier
Dans le dossier pratique IFI des Editions Francis Lefebvre, édition 2019 à paraître, l'auteur de référence, Jean-Yves Mercier, fait notamment observer la contradiction entre l'intention du législateur et le texte finalement voté :
"La réglementation de l’IFI deviendrait ainsi plus rigoureuse que ne l’était celle de l’ISF et plus rigoureuse aussi que celle que tendait à instituer le projet présenté par le gouvernement en septembre 2017 : ce projet tendait à accorder le bénéfice de l’exonération sans formuler cette exigence. En réalité, c’est un sous-amendement du gouvernement, présenté à la mi-décembre 2017 devant l’Assemblée nationale lors de la seconde lecture du projet de loi, qui a conduit à l’adoption du texte tel qu’il se présente aujourd’hui. Or voici ce que précisait l’exposé sommaire de ce sous-amendement : « Il clarifie d’abord la définition des activités commerciales des sociétés dont les parts ne sont pas soumises à l’impôt sur la fortune immobilière (IFI) lorsque le contribuable en détient moins de 10 % du capital et des droits de vote ou lorsqu’elles constituent son bien professionnel. Sur ce dernier point, le sous-amendement confirme plus explicitement le maintien, comme pour l’impôt de solidarité sur la fortune, de l’exonération des biens professionnels pour les activités de location de locaux d’habitation meublés ou de locaux commerciaux équipés ». En présence d’un texte dont l’interprétation littérale conduirait à s’écarter de l’intention affichée par ses auteurs, il n’est pas interdit de soutenir que doit prévaloir l’interprétation qui respecte cette intention. Il faut observer en outre qu’en subordonnant l’exonération des logements loués à la condition que les revenus tirés de cette location représentent plus de 50 % des revenus professionnels du foyer fiscal, le 1° du V de l’article 975 du CGI peut être compris comme établissant de façon autonome, pour cette activité particulière, le critère de l’activité principale."
La position de la doctrine administrative
Cette condition de l'exercice professionnel principal est une condition du régime de droit commun des entreprises individuelles. Elle implique que l'exploitant individuel passe l'essentiel de son temps professionnel à l'exercice de l'activité. En pratique, cette condition est très gênante pour les loueurs en meublé qui sont de simples investisseurs souvent passifs et/ou qui ont de toute façon une autre activité professionnelle principale, par exemple en tant que salarié.
La doctrine administrative publiée au BOFIP pourrait toutefois s'interpréter comme ayant supprimé l'obligation de respecter la condition de l'exercice d'une activité professionnelle principale.
En effet, cette doctrine (BOI-PAT-IFI-30-10-10-10 n° 50 et 60) indique :
"50
Aux termes du 1° du V de l'article 975 du CGI, l'activité de location de locaux d'habitation loués meublés ou destinés à être loués meublés est, sous certaines conditions, considérée comme une activité commerciale susceptible d’ouvrir droit au régime d’exonération.
60
Lorsque cette activité est exercée par membre du foyer, il résulte de ces dispositions que les locaux d’habitation loués meublés ou destinés à être loués meublés peuvent être considérés comme des actifs professionnels pour l’assiette de l’impôt sur la fortune immobilière (IFI) aux conditions cumulatives suivantes :
- les membres du foyer fiscal réalisent plus de 23 000 € de recettes annuelles dans le cadre de cette activité ;
- les recettes annuelles s'entendent du montant réel des sommes perçues en vertu des contrats de location à titre de loyers, charges, taxes et remboursements de frais.
- les membres du foyer retirent de cette activité plus de 50 % des revenus à raison desquels le foyer fiscal est soumis à l’impôt sur le revenu dans les catégories des traitements et salaires, bénéfices industriels et commerciaux, bénéfices agricoles, bénéfices non commerciaux, revenus des gérants et associés mentionnés à l’article 62 du CGI.
Il ressort notamment de ces dispositions que seuls les locaux effectivement loués, c’est-à-dire qui génèrent des revenus pour le foyer fiscal, sont susceptibles d’être éligibles au régime d'exonération des actifs professionnels.
Pour la détermination du seuil de 50 %, Il convient de retenir le bénéfice commercial net annuel dégagé par l'activité de location meublée.
Ce bénéfice correspond au bénéfice net déterminé dans les conditions prévues au 2 de l'article 38 du CGI. Il s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés.
Il doit être comparé avec le revenu net, c’est-à-dire après déduction des charges et abattements, du foyer fiscal dans les catégories d’imposition précitées, y compris le bénéfice tiré de la location."
A aucun moment la doctrine ne cite la condition de l'exercice de l'activité professionnelle principale. Il est donc possible de considérer qu'elle n'a pas à être respectée pour obtenir l'exonération IFI.
Mais un autre extrait de la doctrine (BOI-PAT-IFI-30-10-10-30 n° 20) sème la confusion
"A. La profession principale est celle qui constitue l'essentiel des activités économiques du redevable
20
Pour l'application de ce critère, il y a lieu de tenir compte de l'ensemble des activités professionnelles exercées par le redevable, y compris les professions salariées.
Au sein de cet ensemble, la profession qui, constituant l'essentiel des activités économiques du redevable, apparaît comme exercée à titre principal ne peut être déterminée que par un examen attentif de chaque cas particulier. À titre de faisceau d'indices, on s'attachera à des éléments comme le temps passé dans chaque activité, l'importance des responsabilités exercées et des difficultés rencontrées, la taille des diverses exploitations, etc.
Par ailleurs, lorsqu'un loueur en meublé professionnel exerce une activité salariée ou une autre profession à plein temps, l'activité de location ne peut pas en général être considérée comme la profession principale, même si elle procure des revenus supérieurs aux autres revenus de l'intéressé."
Faut-il interpréter ce texte comme indiquant implicitement que la condition d'activité principale est une condition imposée à l'activité de location meublée ?
Non, selon moi c'est même l'inverse.
En fait, ce texte porte sur la notion d'activité professionnelle principale en générale. En effet, cette condition doit être respectée pour l'exonération générale des activités professionnelle principale, à l'exception selon moi de l'activité de location meublée exercée à titre individuel.
Le texte évoque les critères qui permettent de considérer qu'une activité est principale et c'est dans ce cadre que la doctrine prévoit que le critère des revenus n'est pas décisif. Une personne peut très bien avoir une activité de location meublée qui lui procure des revenus professionnels les plus importants de son foyer sans pour autant que cette activité de location meublée soit nécessairement considérée comme principale. C'est assez logique car l'activité de location meublée est souvent passive.
Autrement dit, ce que dit cette doctrine, c'est que si vous exercez une activité de plombier à temps plein, il s'agit bien de votre activité professionnelle principale, alors même que vous exercez une activité de location meublée, qui vous procure l'essentiel de vos revenus professionnels, mais qui ne vous occupe pas beaucoup.
Le texte ne porte pas sur l'activité de location meublée mais sur les autres activités professionnelles et sur les indices à retenir pour définir une activité professionnelle comme étant principale.
Selon moi, il est tout à fait possible de cumuler une exonération IFI d'une activité individuelle de location meublée et une exonération IFI d'une autre activité professionnelle principale puisque, pour l'activité de location meublée, la condition d'activité principale n'existe pas.
Mais pour que ce cumul d'exonération soit possible encore faut-il que l'activité de location meublée ne soit pas principale au sens des différents indices qui définissent cette notion, notamment le temps passé.
Ce qui va dans le sens de mon interprétation de cette doctrine administrative sur l'IFI, c'est qu'il s'agit en fait d'une reprise, presque mot pour mot, d'une précision qui figurait déjà dans la doctrine administrative en matière d'ISF (D. adm. 7 S-3313 n° 2, 1-10-1999 ; BOI-PAT-ISF-30-30-10-30 n° 20, 12-9-2012).
Or en matière d'ISF, il n'y avait pas, de façon certaine, une quelconque obligation légale d'activité principale pour les entreprises individuelles de location meublée. Dès lors pourquoi la doctrine en matière d'IFI devrait s'interpréter autrement que celle, exactement semblable, qui existait en matière d'ISF?
Un courrier de la DLF
Mais cette interprétation de la doctrine administrative n'est pas la position des services fiscaux.
J'ai en effet interrogé la Direction de la Législation Fiscale sur ce point et j'ai reçu une réponse par un courrier du 8 mars 2019.
Dans ce courrier l'administration indique notamment :
"Maître,
Par courriel du 26 avril 2018, vous avez sollicité la direction de la législation fiscale au sujet du régime d'imposition sur la fortune immobilière (IFI) des biens immobiliers affectés à une activité de loueur en meublé professionnel.
Plus précisément, vous souhaitez savoir si un entrepreneur individuel qui exerce une activité de location meublée peut bénéficier de l'exonération d'IFI prévue à l'article 975 du code général des impôts (CGI) sans qu'il ne soit exigé que cette activité constitue son activité principale.
Votre interrogation appelle la réponse suivante.
Le I de l'article 975 du CGI exonère d'IFI les biens et droits immobiliers affectés à l'activité principale industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale du redevable ou des membres de son foyer fiscal au sens de l'IFI.
Cette condition relative au caractère principal de l'activité s'applique quelle que soit la nature de l'activité exercée par le redevable, y compris donc s'agissant de la location de locaux meublés (sous réserve par ailleurs du respect des dispositions du V de l'article 975 du CGI)."
Ainsi, contrairement à ce qui indiqué au BOFIP, l'administration estime que la condition de l'exercice professionnel principal s'applique aux loueurs en meublé.
Conclusion sur cette question de l'activité professionnelle principale
Selon moi, en me basant sur la volonté du législateur, il n'y a que deux conditions pour être exonérés d'IFI pour une entreprise individuelle de location meublée : faire plus de 23 K€ de loyers et avoir un revenu net de location supérieur aux autres revenus professionnels.
Mais il s'agit d'une simple opinion de ma part et à ce stade je ne peux pas garantir qu'elle sera partagée par le juge en cas de contentieux.
Selon une lecture littérale de la loi, il faut rajouter la condition d'exercice professionnel principal.
Malheureusement cette interprétation littérale de la loi est conforme à la position des services fiscaux.
La prise en compte des pensions de retraite
La question est de savoir comment prendre en compte les pensions de retraite pour déterminer si les revenus nets de location meublée sont supérieurs aux autres revenus professionnels.
Le texte présente la condition autrement en évoquant le principe selon lequel ce revenu net doit représenter plus de 50 % des autres revenus professionnels mais c'est juste une différence de présentation.
Selon la loi
En principe les pensions de retraite sont des revenus professionnels à prendre en compte pour vérifier l'application du seuil en matière d'IFI selon lequel le revenu net de location meublé doit être supérieur aux autres revenus professionnels.
Selon la doctrine administrative
Selon moi, il est possible de considérer que les pensions de retraite ne doivent pas être prises en compte pour la détermination du caractère professionnel de l'activité de location meublée au sens de l'IFI, compte tenu de la doctrine administrative publiée dans le BOFIP, et qui reprend d'ailleurs sur ce point une ancienne doctrine en matière d'ISF.
Ce point pourrait se discuter car la doctrine administrative sur l'IFI et excluant les pensions des revenus professionnels n'évoque pas directement cette question en parlant du régime de la location meublée mais en évoquant la question de la notion d'exercice professionnel dans sa définition retenue pour permettre l'exonération de toute activité professionnelle principale :
"B. Redevables ayant des sources de revenus ne constituant pas des activités professionnelles
30
Pour l'appréciation de la condition tenant au caractère principal de l'activité professionnelle et lorsqu'il y a lieu de faire application du critère du revenu prépondérant, il est fait abstraction des revenus qui ne se rattachent pas à une activité professionnelle (notamment revenus fonciers, revenus de capitaux mobiliers, plus-values des particuliers). Seuls sont donc à prendre en considération, lorsqu'ils proviennent de l'exercice d'une profession, les revenus appartenant aux catégories suivantes : traitements et salaires (autres que pensions, rentes et retraites), bénéfices industriels et commerciaux, bénéfices agricoles, bénéfices non commerciaux, revenus des gérants et associés mentionnés à l'article 62 du CGI."
(BOI-PAT-IFI-30-10-10-30 n° 30)
L'exclusion des pensions de retraite comme type de revenu professionnel se retrouve également dans le régime de l'exonération des sociétés assujetties à l'impôt sur les sociétés. Dans ce régime la rémunération du dirigeant doit aussi représenter plus de la moitié des revenus professionnels (voir BOFIP-PAT-IFI-30-10-30-10 n° 370 et 380).
En conclusion, je pense qu'il est possible d'exclure les pensions de retraite du calcul pour vérifier que les revenus net de location meublée sont supérieurs aux autres revenus.
Attention ce principe est opposé à ce qui est retenu en matière d'impôt sur le revenu pour déterminer la qualité de loueur en meublé professionnel avec la condition selon laquelle le chiffre d'affaires (loyers bruts) doit être supérieur aux autres revenus professionnels.
La nécessité d'être bénéficiaire pour être exonéré d'IFI
La question est : faut-il être nécessairement bénéficiaire pour être exonéré d'IFI dans le cadre d'une entreprise individuelle de location meublé ?
La réponse est positive.
La condition selon laquelle les revenus nets de location meublée doivent être supérieurs aux autres revenus professionnels implique qu'il y ait au moins un revenu net, même en l'absence d'autres revenus professionnels.
Ici, il ne s'agit pas des recettes brutes, mais des revenus nets fiscaux. Donc les recettes moins les charges. Or très souvent l'activité de location meublée est déficitaire. Dans ce cas, il ne peut y avoir d'exonération IFI.
Cette position ne figure pas dans la doctrine publiée au BOFIP sur l'IFI mais elle avait été indiquée dans les réponses ministérielles portant sur l'ISF (Rép. Bobe : AN 1-8-2006 p. 8094 n° 93820 ; Rép. Marini : Sénat 3-8-2006 p. 2049 n° 22527).
Selon moi, elle est très difficilement contestable.
Le régime IFI des associés de sociétés de personnes exerçant l'activité de location meublée
L'activité de location meublée est souvent exercée par l'intermédiaire d'une société de personnes au sens fiscal, c’est-à-dire une société transparente fiscalement comme une EURL et ou une SARL de famille.
Les associés peuvent être exonérés de l'IFI dans le cadre de l'exonération des immeubles détenus par des sociétés où ils exercent leur activité professionnelle principale.
Dans ce régime, il faut appliquer les règles de droit commun de l'exonération des biens professionnels et aucun régime de seuil ne s'applique, contrairement au régime des loueurs en meublé exploitants individuels.
Autrement dit, il importe peu dans une EURL ou une SARL de famille que l'activité génère un chiffre d'affaires supérieur à 23 K€ et un revenu net supérieur aux autres revenus.
Un associé d'une EURL de location meublée peut bénéficier de l'exonération IFI seulement s'il peut prouver que la gestion de la société constitue son activité professionnelle principale.
En pratique, cela n'est possible que si cet associé passe un temps significatif à réaliser des diligences au profit de la gestion de l'activité. C'est assez rare et ce n'est pas le cas si les biens sont loués à un exploitant.
Je rappelle par ailleurs que, en cas d'assujettissement à l'IFI des parts de la société, il faut déduire le passif de la société pour déterminer sa base taxable.
En principe les comptes courants sont ainsi déduits de l'évaluation des parts sociales alors que, contrairement à l'ISF, ils ne sont pas inclus dans les bases taxables.
Quid du cas d'une personne qui est à la fois exploitant individuel de location meublée et associé d'une société de personnes exerçant l'activité de location meublée ?
Et bien, c'est très compliqué et je n'en dirais pas plus car il faut savoir s'arrêter.