A vrai dire cette décision selon moi ne faisait guère de doute. Il aurait paru curieux que la CJUE s'oppose à ce type de réglementation au nom du principe de concurrence.
Mais il est vrai que la décision n'est pas un blanc-seing : la juridiction nationale doit prendre en considération les modalités pratiques permettant de satisfaire à l’obligation de compensation dans la localité concernée.
"94 En particulier, il lui appartient de tenir compte du fait que cette obligation est susceptible d’être satisfaite non seulement par la transformation en habitation d’autres locaux détenus par la personne concernée et ayant un autre usage, mais également par d’autres mécanismes de compensation, comme, notamment, l’achat par celle-ci de droits auprès d’autres propriétaires, contribuant au maintien du parc de logement de longue durée. Ces mécanismes doivent toutefois répondre à des conditions de marché raisonnables, transparentes et accessibles."
Selon moi, il est très peu probable que les juges français prennent le risque de contester le caractère adapté de la réglementation, même si au fond le système mis en place à base de compensation peut toujours être discutable.
Que faire à la place ?
Un système de licence temporaire sans droit au renouvellement, ce qui permettrait de choisir les meilleurs projets et d'en limiter le nombre. Mais le risque est alors une forme d'arbitraire et de copinage. Il faudrait un magistrat indépendant pour accorder ce type de licence très lucrative.
Je joins les extraits les plus intéressants du communiqué de presse de la CJUE qui est un plus rapide et facile à lire que la décision elle-même, toujours très longue et bavarde en droit européen :
"S’agissant des conditions prévues par l’article 9, paragraphe 1, de la directive 2006/123, notamment de celles selon lesquelles le régime d’autorisation doit être justifié par une raison impérieuse d’intérêt général et l’objectif poursuivi par ce régime ne peut pas être réalisé par une mesure moins contraignante (critère de proportionnalité), la Cour a relevé, d’une part, que la réglementation en cause vise à établir un dispositif de lutte contre la pénurie de logements destinés à la location de longue durée, avec pour objectif de répondre à la dégradation des conditions d’accès au logement et à l’exacerbation des tensions sur les marchés immobiliers, ce qui constitue une raison impérieuse d’intérêt général. D’autre part, la Cour a constaté que la réglementation nationale concernée est proportionnée à l’objectif poursuivi.
En effet, elle est matériellement circonscrite à une activité spécifique de location, elle exclut de son champ d’application les logements qui constituent la résidence principale du loueur et le régime d’autorisation qu’elle établit est de portée géographique restreinte.
En outre, l’objectif poursuivi ne peut pas être réalisé par une mesure moins contraignante, notamment parce qu’un contrôle a posteriori, par exemple, par le biais d’un système déclaratif assorti de sanctions, ne permettrait pas de freiner immédiatement et efficacement la poursuite du mouvement de transformation rapide qui crée une pénurie de logements destinés à la location de longue durée.
Quant aux exigences applicables, en vertu de l’article 10, paragraphe 2, de la directive 2006/123, aux critères d’autorisation prévus par la réglementation concernée, la Cour a relevé, en ce qui concerne, premièrement, celle tenant au caractère justifié de ces critères par une raison impérieuse d’intérêt général, que ceux-ci doivent, en principe, être considérés comme justifiés par une telle raison, dans la mesure où ils encadrent les modalités de détermination au niveau local des conditions d’octroi des autorisations prévues par un régime adopté au niveau national qui s’avère lui-même justifié par la même raison.
S’agissant, deuxièmement, de l’exigence de proportionnalité desdits critères, la Cour a relevé que la réglementation nationale concernée prévoit la faculté d’assortir l’octroi de l’autorisation sollicitée d’une obligation de compensation sous la forme d’une transformation concomitante en habitation de locaux ayant un autre usage, dont le quantum est défini par le conseil municipal des communes concernées au regard de l’objectif de mixité sociale et en fonction, notamment, des caractéristiques des marchés de locaux d’habitation et de la nécessité de ne pas aggraver la pénurie de logements.
Si une telle faculté constitue, en principe, un instrument adéquat de poursuite de ces objectifs dès lors qu’elle laisse aux autorités locales le choix de prévoir effectivement une obligation de compensation ainsi que de déterminer, le cas échéant, le quantum de celle-ci, il appartient toutefois à la juridiction nationale de vérifier, tout d’abord, si cette faculté répond effectivement à une pénurie de logements destinés à la location de longue durée, constatée sur le territoire de ces communes.
Ensuite, la juridiction nationale doit s’assurer que cette même faculté s’avère adaptée à la situation du marché locatif local mais également compatible avec l’exercice de l’activité de location en cause. À cette dernière fin, elle doit prendre en considération la sur-rentabilité généralement constatée de cette activité par rapport à la location de locaux destinés à l’habitation résidentielle ainsi que les modalités pratiques permettant de satisfaire à l’obligation de compensation dans la localité concernée, en s’assurant que cette obligation est susceptible d’être satisfaite par une pluralité de mécanismes de compensation."