I – Par une requête enregistrée le 24 septembre 2020 sous le n° 2000485 et un mémoire enregistré le 21 juin 2021, Mme Emilie MARTIN demande au tribunal d’annuler la décision du 24 août 2020 par laquelle le directeur régional des finances publiques de la Martinique a rejeté, pour le mois de juillet 2020, sa demande d’aide financière au titre du fonds de solidarité institué à destination des entreprises particulièrement touchées par les conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l’épidémie de covid-19.
Elle soutient que : - elle est insuffisamment motivée en droit ; - elle est entachée d’une erreur de droit dès lors que l’activité de location non professionnelle de meublés de tourisme est susceptible d’être soutenue par le fonds de solidarité ; - la location d’un logement meublé constitue l’activité principale de son entreprise ; - elle n’est pas titulaire, par ailleurs, d’un contrat de travail à temps complet.
La requête a été communiquée au directeur régional des finances publiques de la Martinique qui n’a pas produit de mémoire en défense.
II – Par une requête enregistrée le 17 mai 2021 sous le n° 2100282 et un mémoire enregistré le 18 juin 2021, Mme Emilie MARTIN demande au tribunal d’annuler la décision du 21 janvier 2021 par laquelle le directeur régional des finances publiques de la Martinique a rejeté, pour le mois de décembre 2020, sa demande d’aide financière au titre du fonds de solidarité institué à destination des entreprises particulièrement touchées par les conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l’épidémie de covid-19. N° 2000485-2100282 2
Elle soutient que : - la décision attaquée n’a pas été précédée d’une procédure contradictoire ; - elle est entachée d’une erreur de droit dès lors que l’activité de location non professionnelle de meublés de tourisme est susceptible d’être soutenue par le fonds de solidarité ; - en ajoutant une condition liée au chiffre d’affaires réalisé, l’administration méconnait le principe d’égalité devant la loi ; - elle n’est pas titulaire d’un contrat de travail à temps complet.
Par des mémoires en défense enregistrés le 15 juin 2021 et le 27 juillet 2021, le directeur régional des finances publiques de la Martinique conclut au rejet de la requête. Il soutient qu’aucun des moyens soulevés par Mme MARTIN n’est fondé et demande, le cas échéant, que le tribunal procède à une substitution de motifs, la décision attaquée pouvant être légalement fondée sur les dispositions du 3° du I a) de l’article 3-18 du décret du 30 mars 2020, dès lors que la requérante est salariée d’une autre société.
En application de l’article R. 611-7-3 du code de justice administrative, les parties ont été informées, par un courrier du 2 décembre 2021, que le tribunal était susceptible de prononcer d’office une injonction pour l’exécution du présent jugement.
Vu les autres pièces du dossier. Vu : - l’ordonnance n° 2020-317 du 25 mars 2020 ; - le décret n° 2020-371 du 30 mars 2020 ; - le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience. Ont été entendus, au cours de l’audience publique : - le rapport de M. de Palmaert, - et les conclusions de M. Lancelot, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Dans le cadre d’une entreprise individuelle, Mme MARTIN exerce une activité de location saisonnière d’un appartement meublé dans la commune des Trois-Ilets. Elle a demandé, au titre des mois de juillet et décembre 2020, à bénéficier du fonds de solidarité à destination des entreprises particulièrement touchées par les conséquences économiques financières et sociales de la propagation de l’épidémie de covid-19. Par des décisions du 24 août 2020 et du 21 janvier 2021, le directeur régional des finances publiques de la Martinique a rejeté ces demandes d’aide financière. Par les présentes requêtes, Mme MARTIN demande l’annulation de ces deux décisions. Sur la jonction :
2. Les requêtes n° 2000485 et n° 2100282 présentent à juger les mêmes questions et ont fait l’objet d’une instruction commune. Il y a lieu dès lors de les joindre pour statuer par un seul jugement. N° 2000485-2100282 3 Sur la légalité de la décision du 24 août 2020 :
3. Aux termes de l’article 3-8 du décret du 30 mars 2020 relatif au fonds de solidarité à destination des entreprises particulièrement touchées par les conséquences économiques financières et sociales de la propagation de l’épidémie de covid-19 et des mesures prises pour limiter cette propagation : « Les aides financières attribuées aux entreprises mentionnées à l'article 1er du présent décret et prévues à l'article 3-9 prennent la forme de subventions destinées à compenser la perte de chiffre d'affaires, subie au cours de chaque période mensuelle comprise entre le 1er juillet 2020 et le 30 septembre 2020, par les entreprises qui remplissent les conditions suivantes :
1° Elles ont fait l'objet d'une interdiction d'accueil du public intervenue au cours de la période mensuelle considérée ;
2° Ou elles ont subi une perte de chiffre d'affaires d'au moins 50 % au cours de la période mensuelle considérée (…) ;
4° Les personnes physiques ou, pour les personnes morales, leur dirigeant majoritaire ne sont pas titulaires, le premier jour de chaque période mensuelle considérée, d'un contrat de travail à temps complet (…);
6° bis Elles exercent leur activité principale dans un secteur mentionné à l'annexe 1 ou elles exercent leur activité principale dans un secteur mentionné à l'annexe 2 du présent décret (…) ». Aux termes de l’annexe 1 du même décret, font partie des activités principales limitativement énumérées pour bénéficier du fonds de solidarité : l’«hébergement touristique et autre hébergement de courte durée ».
4. La demande d’aide financière présentée par Mme MARTIN au titre du mois de novembre 2020 a été rejetée au motif que son activité de loueuse non professionnelle d’un logement meublé touristique ne constitue pas son activité principale et n’est pas éligible au dispositif d’aide.
5. D’une part, il est constant que l’entreprise individuelle de Mme MARTIN propose à la location saisonnière un appartement meublé dans la commune des Trois-Ilets, principalement à destination du marché touristique. Ainsi, Mme MARTIN exerce une activité se rattachant à l’« hébergement touristique et autre hébergement de courte durée », activité mentionnée à l’annexe 1 précitée et donc susceptible d’être soutenue par le fonds de solidarité en application du décret du 30 mars 2020.
Il ressort de plus des pièces du dossier que l’entreprise individuelle de Mme MARTIN n’a pas d’autre activité que la location de ce logement, de sorte que cette location constitue nécessairement son activité principale.
6. D’autre part, si Mme MARTIN est par ailleurs salariée de la société Z, l’intéressée démontre, sans être contestée en défense, que son temps de travail hebdomadaire est de 28 heures, durée inférieure au temps de travail d’un contrat de travail à temps complet.
Ainsi, contrairement à ce que soutient l’administration, Mme MARTIN ne peut être regardée comme titulaire d’un temps de travail à temps complet.
7. Il résulte de ce qui précède qu’en rejetant la demande d’aide financière de Mme MARTIN au motif que la location d’un logement meublé touristique ne constituait pas son activité principale, le directeur régional des finances publiques de la Martinique a méconnu les dispositions du décret du 30 mars 2020.
Par suite, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de la requête, la décision du 24 août 2020 doit être annulée.
Sur la légalité de la décision du 21 janvier 2021 :
8. Aux termes de l’article 3-15 du décret du 30 mars 2020 relatif au fonds de solidarité à destination des entreprises particulièrement touchées par les conséquences économiques financières et sociales de la propagation de l’épidémie de covid-19 et des mesures prises pour N° 2000485-2100282 4 limiter cette propagation : « I.-a) Les entreprises mentionnées à l'article 1er du présent décret bénéficient d'aides financières prenant la forme de subventions destinées à compenser la perte de chiffre d'affaires subie au cours du mois de décembre 2020, lorsqu'elles remplissent les conditions suivantes : 1° Elles ont fait l'objet d'une interdiction d'accueil du public intervenue entre le 1er décembre 2020 et le 31 décembre 2020 ; 2° Ou elles ont subi une perte de chiffre d'affaires d'au moins 50 % durant la période comprise entre le 1er décembre 2020 et le 31 décembre 2020 ; 3° Les personnes physiques ou, pour les personnes morales, leur dirigeant majoritaire ne sont pas titulaires, au 1er décembre 2020, d'un contrat de travail à temps complet (…) ».
9. En premier lieu, comme énoncé au point 5, l’activité de location d’un hébergement touristique exercée par Mme MARTIN dans le cadre d’une entreprise individuelle est susceptible d’être soutenue par le fonds de solidarité, ce que ne conteste d’ailleurs plus l’administration dans ses observations en défense.
10. En second lieu, le directeur régional des finances publiques demande au tribunal de substituer le motif tiré de ce que l’aide sollicitée ne pouvait être versée dès lors que Mme MARTIN est, par ailleurs, salariée de la société Z.
Il ressort toutefois des pièces du dossier, comme dit au point 6, que Mme MARTIN n’est pas titulaire d’un contrat de travail à temps complet avec cette société. Il s’ensuit que la demande de substitution de motifs ne peut être accueillie.
11. Il résulte de ce qui précède que la décision du 21 janvier 2021 est entachée d’illégalité. Par suite, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de la requête, cette décision doit être annulée. Sur l’injonction :
12. Aux termes de l’article L. 911-1 du code de justice administrative : « Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. / La juridiction peut également prescrire d'office cette mesure ».
13. Il résulte du présent jugement d’annulation que Mme MARTIN remplit les conditions pour bénéficier de l’aide financière qu’elle sollicitait au titre des mois de juillet 2020 et décembre 2020. La requérante verse aux débats les pièces de nature à établir que l’aide financière due au titre de ces deux mois s’élèvent respectivement à 910 et 770 euros. Dès lors, il y a lieu d’enjoindre d’office au directeur régional des finances publiques de la Martinique de verser à Mme MARTIN une somme de 1 680 euros.
D E C I D E : Article 1er : Les décisions du 24 août 2020 et du 21 janvier 2021, par lesquelles le directeur régional des finances publiques de la Martinique a rejeté les demandes d’aides financières présentées par Mme MARTIN au titre des mois de juillet et décembre 2020, sont annulées. N° 2000485-2100282 5
Article 2 : Il est enjoint au directeur régional des finances publiques de la Martinique de verser à Mme MARTIN une somme de 1 680 euros, au titre de l’aide financière qui lui est due en exécution du présent jugement d’annulation. (...)"