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Location meublée et parahôtellerie

Démêlez les noeuds de la fiscalité
mardi, 28 juin 2022 09:44

Refus de l'aide COVID à un LMNP : l'Etat encore condamné

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Le Tribunal administratif de Poitiers vient une nouvelle fois de condamner l'Etat dans une affaire d'aide COVID refusée à un meublé de tourisme au prétexte qu'il avait la qualité de LMNP (décision du 24 juin 2022 n° 2100574).

Selon moi, ceux qui ont remboursé à tort cette aide peuvent agir en justice contre l'Etat pour faute et en demander la restitution. De même ceux qui ont demandé l'aide et qui ont essuyé un refus doivent agir en justice pour la demander en faisant valoir une faute de l'Etat du fait de la publication d'une FAQ illégale. A ce jour, le Conseil d'Etat ne s'est pas encore prononcé.

Je joins le texte de la décision :

"Par une requête enregistrée le 3 mars 2021 et un mémoire en réplique enregistré le 24 juin 2021, Mme Sharon X, représentée par Me Duvaux, demande au tribunal :
1°) d’annuler la décision du 26 janvier 2021 par laquelle le directeur général des finances publiques a rejeté au titre du mois de décembre 2020 sa demande d’aide exceptionnelle au titre
du fonds national de solidarité à destination des entreprises particulièrement touchées par les conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l’épidémie de covid-19 et des mesures prises pour limiter cette propagation, et lui a demandé de rembourser les sommes qu’elle avait perçues au titre de cette aide pour les mois de mars à novembre 2020 ;
2°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 5 000 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la décision n’est pas suffisamment motivée ;
- son activité est une activité économique au sens de l’article 1er de l’ordonnance du 25 mars 2020 qui institue le fonds de solidarité et de l’article 1er du décret du 30 mars 2020 qui précise le champ d’application de cette aide et les conditions pour y être éligible ;
- l’annexe 1 au décret du 30 mars 2020 prévoit expressément la location de tourisme courte durée parmi les activités éligibles à l’aide exceptionnelle, sans exclure les locations meublées non professionnelles ;
- en lui refusant le bénéfice de l’aide exceptionnelle au motif que son activité n’entre pas dans le champ d’éligibilité à cette aide, l’administration a commis une erreur de droit ;
- la décision est privée de base légale, car elle se rapporte au contenu d’une foire aux questions sans valeur juridique ;
- elle est entachée d’une erreur de fait et d’une erreur d’appréciation, dès lors que son activité, qui revêt bien le caractère d’une activité économique, a été gravement affectée par l’épidémie de covid-19, qui a entraîné pour elle l’annulation de réservations pour un montant total de 26 000 euros.

Par des mémoires en défense enregistrés le 7 avril 2021 et le 20 septembre 2021, le directeur départemental des finances publiques de la Charente-Maritime conclut au rejet de la requête.
Il soutient que l’aide exceptionnelle ne peut bénéficier aux loueurs en meublés particuliers n’exerçant pas à titre professionnel et que Mme X ne remplit pas, pour être considérée comme exerçant cette activité à un tel titre, les deux conditions définies à l’article 155 (IV, 2) du code général des impôts.

(…)
Considérant ce qui suit :
1. Mme X exerce une activité de mise en location de cinq meublés de tourisme. Elle a bénéficié, pendant les mois de mars à novembre 2020, pour un montant total de 11 154 euros, de l’aide exceptionnelle accordée au titre du fonds national de solidarité, institué par l’ordonnance
n° 2020-317 du 20 mars 2020, destiné au soutien des activités affectées par la propagation de l’épidémie de covid-19. Le 4 décembre 2020, elle a déposé une demande aux fins de continuer à bénéficier de cette aide pour ce même mois. Par un courrier électronique du 26 janvier 2021, l’administration a refusé de lui accorder cette aide, au motif que son activité n’entrait pas dans une des catégories d’activité éligibles à cette aide, et l’a informée que les sommes qu’elle avait déjà perçues à ce titre pour les mois de mars à novembre 2020 devraient être remboursées et qu’à défaut de remboursement spontané de sa part, le comptable public procéderait au recouvrement forcé.
Sur les conclusions aux fins d’annulation :
2. Aux termes de l’article 1er du décret du 30 mars 2020 relatif au fonds de solidarité à destination des entreprises particulièrement touchées par les conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l'épidémie de covid-19 et des mesures prises pour limiter cette propagation : « I. - Le fonds mentionné par l’ordonnance du 25 mars 2020 susvisée bénéficie aux personnes physiques et personnes morales de droit privé résidentes fiscales françaises exerçant une activité économique, ci-après désignées par le mot : entreprises (...) ».
3. L’article 3-15 du décret du 30 mars 2020 précise : « I. a) Les entreprises mentionnées
à l’article 1er du présent décret bénéficient d’aides financières prenant la forme de subventions destinées à compenser la perte de chiffre d’affaires subie au cours du mois de décembre 2020 (...) / c) Les entreprises mentionnées au présent I qui exercent leur activité principale dans un secteur mentionné à l'annexe 1 perçoivent une subvention dans les conditions suivantes : / 1° Si elles ont subi une perte de chiffre d'affaires supérieure ou égale à 70 % (...) / 2° Si elles ont subi une perte de chiffre d'affaires inférieure à 70 % (...) / II a) Les entreprises mentionnées à l’article 1er du présent décret bénéficient d’aides financières prenant la forme de subventions destinées à compenser la perte de chiffre d’affaires subie au cours du mois de décembre 2020 (...) / b) Les entreprises, mentionnées au présent II, ayant débuté leur activité avant le 31 décembre 2019, qui exercent leur activité principale dans un secteur mentionné à l'annexe 2 et ayant subi une perte de chiffre d’affaires d’au moins 80 % soit durant la période comprise entre le 15 mars 2020 et le 15 mai 2020 par rapport au chiffre d’affaires de référence sur cette période (...) soit une perte de chiffre d’affaires d’au moins 80 % durant la période comprise entre le 1er novembre 2020 et le 30 novembre 2020 par rapport au chiffre d’affaires de référence sur cette période (...) perçoivent une subvention égale à 80 % de la perte de chiffre d’affaires dans la limite de 10 000 euros ».
4. Il résulte de ces dispositions que si le mécanisme d’aide exceptionnelle prévu par le décret du 30 mars 2020 cible prioritairement les entreprises des secteurs de l’hôtellerie, de la restauration, du tourisme, de l’organisation d’évènements, du sport et de la culture qui ont dû interrompre leur activité ou qui l’exercent dans des conditions dégradées en raison des mesures de police administrative mises en place dans le cadre de la crise sanitaire liée à l’épidémie de covid-19, il n’exclut pas pour autant de son champ d’application les exploitants individuels exerçant une activité économique qui remplissent les conditions prévues par le décret. Pour l’application des dispositions de ce décret, doit être regardé comme exerçant une activité économique quiconque accomplit une activité de producteur, de commerçant ou de prestataire de services ou se livre à des opérations comportant l’exploitation d’un bien corporel ou incorporel en vue d’en retirer des recettes ayant un caractère de permanence.
5. Il est constant que l’administration a refusé d’accorder l’aide en litige à Mme X au titre du mois de décembre 2020 et lui a demandé le remboursement des sommes qu’elle avait perçues au titre de cette aide entre le mois de mars et le mois de novembre 2020, au motif que l’activité de location de meublés de tourisme qu’exerce la requérante ne fait pas partie des activités éligibles à cette aide.
6. Mme X expose, sans être contredite, qu’elle exploite à temps complet cinq gîtes et qu’elle a déclaré, en tant que revenus de locations meublées non professionnelles, les sommes de 20 087 euros en 2018 et de 22 460 euros en 2019. D’une part, contrairement à ce que soutient l’administration, cette activité constitue bien une activité d’hébergement touristique et autre hébergement de courte durée, telle que mentionnée à l’annexe 1 du décret du 30 mars 2020, qui est exactement la même catégorie que celle au titre de laquelle la requérante est enregistrée, depuis le 1er février 2018, au registre du commerce et des sociétés. D’autre part, cette activité de prestation de service et d’exploitation d’un bien immobilier, que Mme X exerce à temps complet et au titre de laquelle elle a, sur deux exercices consécutifs, déclaré des revenus dans le cadre du régime applicable aux micro-entreprises, revêt un caractère économique, eu égard à la fois à la nature de cette activité et au caractère permanent des recettes qu’elle génère. Par suite, l’administration n’était pas fondée à refuser l’aide en litige à Mme X au motif que son activité n’est pas éligible au dispositif d’aide.
7. Il résulte de ce qui précède que la décision par laquelle le directeur général des finances publiques a refusé d’accorder l’aide demandée par Mme X au titre du mois de décembre 2020, au seul motif que son activité n’était pas éligible à cette aide, et lui a demandé, pour le même motif, de rembourser les sommes qui lui avaient été versées au titre de cette aide pour les mois de mars à novembre 2020, doit être annulée.
Sur l’injonction :
8. L’exécution du présent jugement implique seulement que la demande d’aide exceptionnelle sollicitée par Mme X pour le mois de décembre 2020 soit réexaminée. Il résulte de l’instruction que le ministre de l’économie, des finances et de la relance n’y a pas procédé. Il y a lieu, par suite, d’enjoindre au ministre de procéder à ce réexamen dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement, sans qu’il y ait lieu d’assortir cette injonction d’une astreinte.
Sur les frais liés au litige :
9. Dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu, en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l’Etat une somme de 1 300 euros au titre des frais exposés par Mme X.

D E C I D E :

Article 1er : La décision du 26 janvier 2021 par laquelle le directeur général des finances publiques a refusé d’accorder à Mme X, pour le mois de décembre 2020, le versement de l’aide prévue par le décret n° 2020-371 du 30 mars 2020, et lui a demandé de rembourser les sommes qui lui ont été versées au titre de cette aide pour les mois de mars à novembre 2020, est annulée.
Article 2 : Il est enjoint au directeur général des finances publiques de procéder au réexamen de la demande d’aide exceptionnelle présentée par Mme X pour le mois de décembre 2020, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent jugement.
Article 3 : L’Etat versera à Mme X la somme de 1 300 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent jugement sera notifié à Mme Sharon X et au ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. Copie en sera adressée au directeur départemental des finances publiques de la Charente-Maritime."

 

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