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Location meublée et parahôtellerie

Démêlez les noeuds de la fiscalité
mercredi, 21 juin 2023 06:38

La location meublée est-elle finalement éligible au DUTREIL ?

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Une décision de la cour de cassation du 1er juin 2023 vient de jeter un pavé dans la mare du régime DUTREIL.

Ce régime de faveur permet de bénéficier d'un abattement de 75 % pour les transmissions d'entreprise.

Le texte légal définit l'entreprise comme ayant une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale.

La question est de savoir comment définir la notion d'activité commerciale : s'agit-il d'un renvoi au droit privé ou s'agit-il d'un renvoi à la définition des activités commerciales prévue en matière d'impôt sur le revenu dans la catégorie des BIC (bénéfices industriels et commerciaux) ?

Selon moi les deux positions sont défendables mais ma position était jusqu'à présent de retenir le renvoi au droit privé.

Or un renvoi au droit privé aboutit à exclure l'activité de location meublée du régime DUTREIL dans le cas où ce type d'activité est de nature civile (cas selon moi de la location meublée longue durée sans service), alors qu'un renvoi au régime des BIC la rend éligible dans tous les cas puisque la location meublée releve des BIC par l'article 35 du CGI, comme la location équipée.

Dans cette décision du 1er juin 2023, la cour de cassation semble considérer que la notion d'activité commerciale au sens du régime DUTREIL renvoie à la définition de l'activité commerciale au sens de la catégorie des BIC.

En effet, la cour censure une décision de cour d'appel qui avait refusé le régime DUTREIL dans le cas d'une entreprise de location équipée. 

Surtout la cour semble baser sa décision sur l'article 35 du CGI car il est cité plusieurs fois dans sa motivation.

Cela dit, l'activité de location équipée au sens de l'article 35 est déjà en principe une activité de nature commerciale au sens du droit privé. Donc le renvoi est peut-être juste un moyen de définir un type d'activité de location équipée qui serait de nature commerciale car dans cet article, la notion de location équipée est précisée, il s'agit 

"5° Personnes qui donnent en location un établissement commercial ou industriel muni du mobilier ou du matériel nécessaire à son exploitation, que la location comprenne, ou non, tout ou partie des éléments incorporels du fonds de commerce ou d'industrie ;"

Donc le renvoi de la cour est peut-être juste un moyen de définir la location équipée telle que définie par cet article, c'est à dire muni du mobilier suffisant pour permettre une exploitation. Toute location équipée n'est pas nécessairement commerciale au sens du droit privée, seule celle avec tout le mobilier a cette nature. Si cette deuxième interprétation de la décision est la bonne, la cour ne renvoie pas au régime des BIC et donc l'activité de location meublée n'est pas nécessairement éligible.

Selon moi toutefois, l'activité de location meublée touristique est commerciale au sens du droit privé et donc nécessairement éligible au DUTREIL.

La doctrine admnistrative BOI-ENR-DMTG-10-20-40-10 no 15, 21-12-2021) définit la commercialité par renvoi au régime des BIC mais elle exclut la location meublée (et la location équipée) du régime DUTREIL, en se basant sur l'exclusion de toute activité de gestion de son propre patrimoine. Cette exclusion est selon moi illégale car elle n'est pas prévue par la loi et elle au minimum trop générale. J'ai d'ailleurs engagé une action en nullité contre cette doctrine devant le Conseil d'Etat.

A ce stade, il est un peu aventureux d'étendre la solution de cette décision de la cour de cassation au cas de la location meublée.

En tout cas, il est très vraisemblable que nos amis de Bercy vont réagir et modifier la loi (une fois de plus) pour exclure expressément la location équipée et la location meublée du bénéfice du DUTREIL.

Il y a peut-être donc une fenêtre de tir pour les locations meublées. Il faudrait faire un DUTREIL très vite avant l'annonce d'une réforme probable, soit avant octobre 2023. OK mais je ne garantis rien.

Voir aussi l'avis d'un fiscaliste éminent : Marc BORNAUSER

 

Je joins le texte de la décision :

 

"Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 21 février 2022), en 2008, [D] [C] et [Y] [W] [K], son épouse, ont procédé à une donation-partage de la propriété de plusieurs parts sociales des sociétés Comaco, CFI et FVH en faveur de leurs quatre enfants, [T], [E], [H] et [P] [C]. En 2010, [Y] [W] [K] a procédé seule à une donation-partage d'autres parts sociales de ces sociétés en faveur des mêmes bénéficiaires. Les actes notariés mentionnent que les donateurs et donataires demandent à bénéficier du régime de faveur institué à l'article 787 B du code général des impôts, autorisant une exonération de droits de mutation à titre gratuit à concurrence de 75 % de la valeur transmise pour les parts de société ayant une activité commerciale.
2. Le 4 décembre 2013, l'administration fiscale a remis en cause l'activité commerciale des trois sociétés fondant l'exonération partielle dont les parties avaient déclaré bénéficier et a rectifié l'assiette des droits d'enregistrement.
Examen du moyen
Sur le premier moyen et le second moyen, pris en ses première et deuxième branches
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.


Mais, sur le second moyen, pris en sa troisième branche
Enoncé du moyen
4. MM. [T] et [P] [C] font grief à l'arrêt de rejeter la contestation portant sur le fond de la proposition de rectification du 4 décembre 2013, alors que « sont exonérées de droits de mutation à titre gratuit, à concurrence de 75 % de leur valeur, les parts ou les actions d'une société ayant une activité industrielle, commerciale transmises entre vifs ; qu'exerce une activité commerciale la société qui donne en location un établissement commercial ou industriel muni du mobilier ou du matériel nécessaire à son exploitation ; qu'en se bornant à relever que l'activité principale de marchand de biens des sociétés CFI, Comaco et FVH n'était pas démontrée pour en déduire que les consorts [C] ne pouvaient bénéficier de l'exonération partielle en cause, sans rechercher, comme elle y était invitée si la société CFI n'exerçait pas une activité de location équipée, constituant une activité commerciale à part entière au sens de l'article 35, I, 5°, du code général des impôts, la rendant éligible au régime de faveur de l'article 787 B du code, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des deux textes susvisés. »


Réponse de la Cour


Vu les articles 35, I, 5°, et 787 B du code général des impôts
5. Selon le second de ces textes, sont exonérées de droits de mutation à titre gratuit, à concurrence de 75 % de leur valeur, les parts ou les actions d'une société ayant une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale transmises par décès ou entre vifs si des conditions relatives à la conservation de l'activité sont réunies.
6. Il résulte du premier que constitue une activité commerciale l'activité de loueur d'établissement commerciaux ou industriels munis d'équipements nécessaires à leur exploitation, que la location comprenne, ou non, tout ou partie des éléments incorporels du fonds de commerce ou d'industrie.
7. Pour rejeter les demandes de MM. [T] et [P] [C] et de Mmes [E] et [H] [C], l'arrêt retient que la proposition de rectification est justifiée en tant qu'elle a écarté la qualification d'activité de marchand de biens des sociétés Comaco, CFI et FVH. Il ajoute que ceux-ci ne se prévalent ni d'une activité commerciale indépendamment de celle de marchand de biens ni d'une activité mixte susceptible d'autoriser l'exonération partielle litigieuse.
8. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si, à la date des donations-partage, la société CFI n'exerçait pas l'activité commerciale de loueur d'établissement commerciaux ou industriels munis d'équipements nécessaires à leur exploitation, susceptible de rendre la transmission des parts de cette société éligible au régime de faveur de l'article 787 B du même code, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision."

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