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Location meublée et parahôtellerie

Démêlez les noeuds de la fiscalité
vendredi, 07 juillet 2023 07:19

Définition de la parahôtellerie : le Conseil d'Etat est flou

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Le Conseil d'Etat vient de rendre sa décision à propos de la définition de la parahôtellerie au sens de la TVA par une décision du 5 juillet 2023

Mais il est un peu flou.

 

Comme prévu, le Conseil d'Etat indique que la définition légale actuelle de la parahôtellerie est trop restrictive en imposant 3 services parahôteliers sur 4. Cette définition aboutit en effet à exonérer de TVA des activités qui se limitent à 2 services sur 4 alors que ces activités font bien pourtant concurrence aux hôtels. C'est le cas généralement des logements loués par AIRBNB.

Mais le Conseil d'Etat ne prévoit pas de nouvelle définition précise de la parahôtellerie, par exemple en indiquant qu'il suffit de 2 services sur 4. Il indique qu'il faut faire une appréciation au cas par cas, en attendant une nouvelle définition légale plus conforme au droit européen.

Donc c'est déjà un peu flou.

Il y a bien la prise en compte nouvelle du critère de la durée du séjour mais, pour le Conseil d'Etat, ce critère se conçoit comme étant la durée minimale du séjour, sans préciser quelle est la durée de la durée minimale.

Mais on peut supposer que la durée minimale visée est celle d'une seule nuit.

Ce point avait été annoncé par les conclusions du rapporteur public. Mais c'est quand même une surprise de voir qu'il est repris par le Conseil d'Etat, et selon moi c'est très discutable.

Il ne s'agit donc pas de dire qu'il suffit qu'un séjour soit de courte durée pour qu'il fasse concurrence aux hôtels, mais plutôt de dire que si l'établissement offre exclusivement des séjours de longue durée il ne peut pas faire concurrence aux hôtels.

Ainsi le fait de proposer systématiquement une location à la semaine, et d'exclure toute location pour une seule nuit, serait un critère démontrant l'absence de concurrence avec les hôtels.

Alors qu'on pouvait penser que la prise en compte du critère de la durée du séjour allait aboutir à un élargissement des cas d'assujettissement, par exemple en considérant que tout séjour de courte durée (d'un nuit à une semaine notamment) fait concurrence aux hôtels, le Conseil d'Etat propose donc de se servir du critère de la durée pour au contraire durcir les conditions d'assujettissement : seuls les établissements proposant le séjour d'une nuit feraient concurrence aux hôtels, ce qui exclurait de l'assujettissement les activités de location touristique à la semaine, qui sont pourtant très nombreuses et qui font pourtant concurrence aux hôtels.

Une telle évolution de la réglementation serait selon moi contraire au droit européen et très mauvaise pour certains professionnels qui souhaitent bénéficier de l'assujettissement à la TVA sur leurs recettes pour récupérer la TVA grevant le coût des constructions ou le coût des gros travaux. Ainsi les exploitants qui rénovent de vieux bâtiments pour les reconstruire et en faire des gîtes seraient exclus du droit de récupérer la TVA sur le coût des travaux.

Cela dit, il est aussi possible de considérer que la durée minimale à prendre en compte serait celle d'une semaine, cette inteprétation règlerait le problème des meublés de tourisme. Il faudra attendre la loi et surtout les commentaires de l'administration pour être fixé sur ce point très important.

En fait, je doute fortement que les pouvoirs publics imposeront la durée minimale du séjour comme une condition impérative de l'assujettissement, car cela aboutirait à exclure de l'assujettissement la parahôtellerie de longue durée. Mais il est possible d'en faire un critère possible d'assujettissement, donc plus comme un indice que comme une condition impérative.

Le plus judicieux, selon moi, ce serait de dire qu'il y a deux cas d'assujettissement :

- lorsque les prestations de services sont importantes (en reprenant les critères actuels des 3 services sur 4 selon la même définition) et cela quelle que soit la durée du séjour,

- ou lorsque l'établissement propose des séjours à la nuit (ou à la semaine), même si les 3 services sur 4 ne sont pas proposés.

Mais il s'agit juste de ma proposition d'un nouveau régime. Il faudra attendre le nouveau texte légal et la nouvelle doctrine administrative la commentant.

Si ma définition était retenue, cela permettrait de rendre identique et (presque) cohérent la définition de la parahôtellerie au sens de la TVA et au sens de l'impôt sur le revenu, en s'alignant sur la définition du droit commercial de la prestation d'hébergement.

Il s'agirait donc de réserver le concept de parahôtelerie aux activités commerciales d'hébergement, par opposition à l'activité civile de location meublée de longue durée.

En l'état, c'est vraiment flou.

A court terme, la réglementation actuelle va encore s'appliquer pendant au moins 6 mois, si ce n'est plus. Donc la loi actuelle et la doctrine administrative actuelle restent selon moi opposables.

En pratique, pour les entreprises d'hébergement, il sera beaucoup plus facile de s'opposer aux rappels visant à remettre en cause l'assujettissement à TVA au prétexte qu'il n'y a pas de ménage deux fois par semaine et seulement un ménage en fin de séjour. Il devrait y avoir moins de rappels sur ce thème.

Mon conseil aux entreprises qui veulent rester assujetties à TVA est toutefois de continuer à respecter la définition actuellle de la parahôtellerie (avec les 3 services sur 4) et, éventuellement, d'indiquer qu'il est possible de réserver pour une seule nuit (avec un prix majoré évidemment) pour consolider leur situation.

Remarque complémentaire : il y a lieu de regretter qu'il ait fallu attendre 20 ans pour que le juge fiscal se rendre compte que la définition légale de la parahôtellerie était contraire au droit européen. La définition aujourd'hui condamnée par le Conseil d'Etat date en effet de 2003. Et depuis 2003, l'administration viole le droit européen, et avec l'appui des tribunaux administratifs, et notamment de la Cour administrative d'appel de Marseille qui a toujours considéré que le régime légal était parfaitement conforme au droit européen. Même avant le développement de AIRBNB, les meublés de tourisme faisaient déjà concurrence aux hôtels, même sans assurer un ménage régulier des locaux. Donc, dès 2003, le juge fiscal aurait dû annuler les nombreux rappels des services fiscaux basés sur l'idée que, si le ménage n'était réalisé qu'en fin de séjour, l'assujettissement à TVA n'était pas possible, en l'absence de petit-déjeuner, les services d'accueil et de linge de maison étant assurés.

Le texte européen n'a jamais imposé l'assujettissement des seules activités identiques à celles des hôtels, il suffit de relever d'un secteur d'hébergement similaire, comme le secteur des campings donné en exemple par le texte de la directive. Il faut donc retenir une définition extensive de la concurrence aux hôtels, et non une définition resctrictive.

Voir aussi l'avis de William STEMMER, un vrai expert en TVA.

Je joins la décision :

"Vu la procédure suivante : M. A... L... a demandé au tribunal administratif de Lille, d'une part, de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels il a été assujetti au titre des années 2015 et 2016 ainsi que des pénalités correspondantes, d'autre part, de lui accorder le remboursement d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée d'un montant de 1688 euros au titre de l'année 2017. Par un jugement nos 1809990, 1900477 du 19 mai 2022, ce tribunal, après avoir prononcé un non-lieu à statuer sur ses conclusions tendant à la décharge des pénalités pour manquement délibéré dont avait été assorti le rappel de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre des années 2015 et 2016, a rejeté le surplus des conclusions de ses demandes. Par un arrêt n° 22DA01547 du 2 mars 2023, enregistré le 6 mars 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la cour administrative d'appel de Douai, avant de statuer sur l'appel formé par M. L... contre ce jugement, a décidé, par application des dispositions de l'article L. 113-1 du code de justice administrative, de transmettre le dossier de cet appel au Conseil d'Etat, en soumettant à son examen les questions suivantes :

Les dispositions du b. du 4° de l'article 261 D du code général des impôts, en ce qu'elles subordonnent l'absence d'application de l'exonération de la taxe sur la valeur ajoutée aux locations occasionnelles, permanentes ou saisonnières de logements meublés ou garnis à usage d'habitation, s'agissant des prestations de mise à disposition d'un local meublé ou garni à usage d'hébergement effectuées à titre onéreux et de manière habituelle, à la réalisation d'au moins trois des prestations définies à ces dispositions, sont-elles compatibles avec les dispositions de l'article 135 de la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006 '

En cas de réponse négative à cette question, la fourniture de seulement une ou deux des prestations définies au b. du 4° de l'article 261 D du code général des impôts suffit-elle pour considérer que l'exonération de la taxe sur la valeur ajoutée ne s'applique pas aux prestations de mise à disposition d'un local meublé ou garni à usage d'hébergement effectuées à titre onéreux et de manière habituelle '

Des observations, enregistrées le 30 mars 2023, ont été présentées par M. L.... Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 ; - le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ; - le code de justice administrative, notamment son article L. 113-1 ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de Mme Alianore Descours, maître des requêtes en service extraordinaire, - les conclusions de M. Romain Victor, rapporteur public ; La parole ayant été donnée, après les conclusions, à Maître Ridoux, avocat de M. L... ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 27 juin 2023, présentée par M. L... ; REND L'AVIS SUIVANT

1. L'article 135 de la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée, reprenant les dispositions du b) du B de l'article 13 de la directive 77/388/CEE du Conseil du 17 mai 1977, prévoit au point l) de son paragraphe 1 que les Etats membres exonèrent " la location de biens immeubles ". Toutefois, en application de son 2, "

2. Sont exclues de l'exonération prévue au paragraphe 1, point l), les opérations suivantes : / a) les opérations d'hébergement telles qu'elles sont définies dans la législation des Etats membres qui sont effectuées dans le cadre du secteur hôtelier ou de secteurs ayant une fonction similaire (...) ". Il résulte de ces dispositions, telles qu'interprétées par la Cour de Justice de l'Union européenne, d'une part, qu'introduisant une exception à l'exonération prévue pour l'affermage et la location de biens immeubles, elles ne doivent pas recevoir une interprétation stricte, d'autre part, que ne peuvent faire l'objet d'une exonération, dans la législation des Etats membres, les locations de logements meublés qui correspondent à des opérations d'hébergement, soit hôtelières, soit assimilables à ces dernières. S'il appartient à chaque Etat membre de fixer, lors de la transposition de ces dispositions, les critères utiles à la distinction entre la location d'un logement meublé susceptible d'être exonérée et la mise à disposition d'un tel logement dans des conditions l'apparentant à un hébergement hôtelier et, de ce fait, obligatoirement soumise à la taxe sur la valeur ajoutée, ces critères doivent être propres à garantir que ne soient exonérés du paiement de cette taxe que des assujettis dont l'activité ne remplit pas la ou les fonctions essentielles des entreprises hôtelières, avec lesquelles ils ne se trouvent donc pas en situation de concurrence potentielle. 2. Aux termes de l'article 261 D du code général des impôts : " Sont exonérées de la taxe sur la valeur ajoutée : (...) / 4° Les locations occasionnelles, permanentes ou saisonnières de logements meublés ou garnis à usage d'habitation. / Toutefois, l'exonération ne s'applique pas : / (...) b. Aux prestations de mise à disposition d'un local meublé ou garni effectuées à titre onéreux et de manière habituelle, comportant en sus de l'hébergement au moins trois des prestations suivantes, rendues dans des conditions similaires à celles proposées par les établissements d'hébergement à caractère hôtelier exploités de manière professionnelle : le petit déjeuner, le nettoyage régulier des locaux, la fourniture de linge de maison et la réception, même non personnalisée, de la clientèle. (...) ".

3. Ces dispositions ont pour effet d'inclure dans le champ de l'exonération toute mise à disposition d'un local meublé qui n'est pas assortie de l'offre, par l'exploitant, d'au moins trois des quatre services que constituent la fourniture du petit-déjeuner, le nettoyage régulier des locaux, la fourniture du linge de maison et la réception de la clientèle. Elles sont ainsi susceptibles d'entraîner l'exonération de locations de logements meublés au seul motif que deux de ces prestations accessoires ne sont pas offertes à la clientèle dans des conditions similaires à celles proposées par les établissements hôteliers, alors que le cumul de trois de ces quatre prestations n'apparaît pas systématiquement indispensable pour que de telles locations puissent, selon le contexte dans lequel elles sont proposées, être regardées comme se trouvant en concurrence avec le secteur hôtelier.

4. Par suite, il y a lieu de répondre aux questions posées que le b. du 4° de l'article 261 D du code général des impôts est incompatible avec les objectifs de l'article 135 de la directive du 28 novembre 2006 en tant qu'il subordonne la soumission à la taxe sur la valeur ajoutée des activités de mise à disposition d'un local meublé ou garni à la condition que soient proposées au moins trois des quatre prestations accessoires qu'il énumère, dans des conditions similaires à celles proposées par les établissements hôteliers.

En revanche, ces dispositions demeurent compatibles avec les objectifs dudit article en tant qu'elles excluent de l'exonération de taxe sur la valeur ajoutée qu'elles prévoient les activités se trouvant dans une situation de concurrence potentielle avec les entreprises hôtelières.

Il appartient à l'administration, sous le contrôle du juge de l'impôt, d'apprécier au cas par cas si un établissement proposant une location de logements meublés, eu égard aux conditions dans lesquelles cette prestation est offerte, notamment la durée minimale du séjour et les prestations fournies en sus de l'hébergement, se trouve en situation de concurrence potentielle avec les entreprises hôtelières.

5. Le présent avis sera notifié à la cour administrative d'appel de Douai, à M. L... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique."

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