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Location meublée et parahôtellerie

Démêlez les noeuds de la fiscalité
mercredi, 04 octobre 2023 17:19

Risque nouveau de remise en cause du régime TVA des résidences parahôtelières

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Depuis l'arrêt du Conseil d'Etat du 5 juillet 2023, il appartient aux juges de vérifier l'assujettissement à la TVA d'une activité parahôtelière sur la base du seul critère de la concurrence potentielle avec les entreprises hôtelières. Pour faire cette appréciation, la durée minimum du séjour peut être prise en compte. C'est dans ce contexte nouveau et en application de la décision du Conseil d'Etat précitée qu'une Cour administrative d'appel (Nancy 25 septembre 2023) a jugé qu'une activité d'exploitation de résidence étudiante ne devait pas être assujettie à TVA, en l'absence d'un véritable accueil proposé aux étudiants. Selon la Cour, un accueil sous la forme d'une hot-line ne suffit pas. Par ailleurs, incidemment, la Cour fait observer qu'un critère d'assujettissement est le fait de proposer l'hébergement en court séjour, ce qui n’était pas le cas dans cette résidence qui, apparemment, ne louait aux étudiants que pour une durée de 10 mois.

Mon avis

Le problème de fond posé par ce dossier est l'assujettissement à la TVA de la parahôtellerie de longue durée qui peut toujours être remis en cause car elle ne fait pas concurrence aux hôtels.

Donc en principe, toutes les activités de parahôtellerie de longue durée devraient être exonérées de TVA.

Cela dit, à ce jour, la doctrine administrative imposant 3 services sur 4 est toujours en vigueur et cette doctrine s'applique à la parahôtellerie de longue durée.

Dans cet arrêt, la Cour fait valoir que, de toute façon, s'agissant d'une demande de remboursement de TVA, la doctrine n'est pas opposable. Donc elle n'est d'aucune utilité pour obtenir un remboursement de TVA.

La doctrine peut seulement servir pour éviter le rappel.

L'intérêt des exploitants de parahôtellerie longue durée est d'aménager leurs conditions de fonctionnement pour proposer, en plus des séjours de longue durée, des séjours de courte durée. De cette façon, il font concurrence aux hôtels.

Ensuite, par précaution, ces exploitants doivent toujours fournir les 3 services sur 4.

S'agissant de l'accueil, il est vrai qu'il est problématique en long séjour. La doctrine administrative admet de se limiter à une hot-line mais cette doctrine n'est pas publiée au BOFIP et, dans cette affaire, cela n'a pas suffi à convaincre le juge fiscal.

Mais c'est un cas particulier car la hot-line n'en était pas vraiment une puisque c'était juste un répondeur, du moins en dehors des heures de bureau.

La solution est toutefois très sévère car, dans certains hôtels, le service d'accueil devient inexistant passé une certaine heure.

En principe, pour des raisons de réglementation en matière de sécurité incendie, toute résidence hôtelière de plus de 15 lits doit avoir obligatoirement un gardien sur place. Dans ces conditions il paraît possible de prévoir de mettre en place une véritable hot-line 24 h sur 24.

Dans ce dossier, l'administration avait en revanche admis l'existence des services de nettoyage des locaux et de linge de maison alors que ces services ne sont pas faciles à mettre en oeuvre dans une résidences étudiantes, les étudiants n'étant généralement pas intéressés.

Enfin, le refus de remboursement de TVA est grossièrement inéquitable car de nombreux exploitants de résidences parahôtelières sont assujettis à la TVA et ont sécurisé leur situation par des rescrits non publiés. Dans ce contexte, il est anormal de sanctionner une résidence qui a comme seul tort de ne pas avoir demandé un rescrit.

En dehors de toute discussion sur l'opposabilité des rescrits individuels, il y a lieu de respecter un principe d'égale application de la loi. Les services fiscaux doivent selon moi appliquer la loi de la même façon à tous les contribuables.

Ci-joint la décision :

CAA de NANCY - 2ème chambre
N° 21NC01600
Inédit au recueil Lebon
Lecture du lundi 25 septembre 2023

Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
MmeA... B... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne de prononcer le remboursement d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée d'un montant de 25 283 euros dont elle disposait au titre de l'année 2018.
Par un jugement no 2001450 du 15 avril 2021, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés respectivement les 3 juin 2021, 27 janvier 2022 et 24 août 2023, Mme B..., représentée par Me Le Boulc'h, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 15 avril 2021 ;
2°) de prononcer le remboursement du crédit de taxe sur la valeur ajoutée, majoré des intérêts au taux légal ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 6 100 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la condition de réception prévue au b. du 4° de l'article 261 D du code général des impôts est remplie dès lors que les étudiants font l'objet d'un accueil physique lors de leur arrivée dans la résidence et bénéficient d'une permanence d'accueil organisée pendant la semaine, conforme à leurs besoins ;
- proposer deux des quatre prestations prévues à l'article 261 D, 4° b. du code général des impôts suffit à pouvoir bénéficier de l'assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée, contrairement à l'interprétation excessivement restrictive proposée par l'administration de ces dispositions déclarées non conformes au droit communautaire.
- la condition tenant à la réception de la clientèle est satisfaite, conformément au rescrit du 17 septembre 2014 de la direction de la législation fiscale, lorsque l'exploitant propose un accueil physique lors de l'arrivée et du départ des locataires et une hotline pendant le reste du séjour tandis que les modalités de l'accueil sont proportionnées à la population accueillie au sein de l'établissement ;
- cette condition est remplie dès lors que, ainsi qu'il ressort d'une réponse de la direction de la législation fiscale du 3 juillet 2006, une réception continue n'est pas nécessaire pas plus que l'existence d'une permanence d'accueil téléphonique.
Par un mémoire en défense, enregistré le 29 décembre 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Brodier,
- les conclusions de Mme Stenger, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B... a acquis, le 23 octobre 2018, deux studios et un emplacement de parking dans la " résidence Sigma " sise 190 avenue Pierre Brossolette à Troyes. Elle les a donnés en location à la société Habitat Gestion, par un bail commercial de location meublée d'une durée de neuf années. Le 23 avril 2019, elle a déposé une déclaration de taxe sur la valeur ajoutée relative à la période du 1er janvier au 31 décembre 2018 afin d'obtenir le remboursement d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée de 25 283 euros correspondant à la taxe ayant grevé l'acquisition des appartements ainsi que des biens mobiliers destinés à meubler les studios. Par une proposition de rectification du 29 août 2019, établie dans le cadre de la procédure contradictoire prévue à l'article L. 55 du livre des procédures fiscales, le service a rejeté sa demande au motif que l'activité de Mme B... n'était pas assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée, l'activité de location de locaux meublés réalisée par la société Habitat Gestion bénéficiant de l'exonération de taxe prévue au b du 4° de l'article 261 D du code général des impôts. Il a maintenu sa position en réponse aux observations du contribuable et a, par une décision du 12 octobre 2020, rejeté la réclamation préalable formée par la contribuable. Mme B... relève appel du jugement du 15 avril 2021 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant au remboursement du crédit de taxe sur la valeur ajoutée au titre de l'année 2018.
Sur l'application de la loi fiscale :
2. L'article 135 de la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée, reprenant les dispositions du b) du B de l'article 13 de la directive 77/388/CEE du Conseil du 17 mai 1977, prévoit au point l) de son paragraphe 1 que les Etats membres exonèrent " la location de biens immeubles ". Toutefois, en application de son 2, " 2. Sont exclues de l'exonération prévue au paragraphe 1, point l), les opérations suivantes : / a) les opérations d'hébergement telles qu'elles sont définies dans la législation des Etats membres qui sont effectuées dans le cadre du secteur hôtelier ou de secteurs ayant une fonction similaire (...) ".
3. Aux termes de l'article 261 D du code général des impôts : " Sont exonérées de la taxe sur la valeur ajoutée : (...) ; 4° Les locations occasionnelles, permanentes ou saisonnières de logements meublés ou garnis à usage d'habitation. / Toutefois, l'exonération ne s'applique pas : (...) / b. Aux prestations de mise à disposition d'un local meublé ou garni effectuées à titre onéreux et de manière habituelle, comportant en sus de l'hébergement au moins trois des prestations suivantes, rendues dans des conditions similaires à celles proposées par les établissements d'hébergement à caractère hôtelier exploités de manière professionnelle : le petit déjeuner, le nettoyage régulier des locaux, la fourniture de linge de maison et la réception, même non personnalisée, de la clientèle. / c. Aux locations de locaux nus, meublés ou garnis consenties à l'exploitant d'un établissement d'hébergement qui remplit les conditions fixées aux a ou b, à l'exclusion de celles consenties à l'exploitant d'un établissement mentionné à l'article L. 633-1 du code de la construction et de l'habitation dont l'activité n'ouvre pas droit à déduction ".
4. Ces dispositions ont pour effet d'inclure dans le champ de l'exonération toute mise à disposition d'un local meublé qui n'est pas assortie de l'offre, par l'exploitant, d'au moins trois des quatre services que constituent la fourniture du petit-déjeuner, le nettoyage régulier des locaux, la fourniture du linge de maison et la réception de la clientèle. Elles sont ainsi susceptibles d'entraîner l'exonération de locations de logements meublés au seul motif que deux de ces prestations accessoires ne sont pas offertes à la clientèle dans des conditions similaires à celles proposées par les établissements hôteliers, alors que le cumul de trois de ces quatre prestations n'apparaît pas systématiquement indispensable pour que de telles locations puissent, selon le contexte dans lequel elles sont proposées, être regardées comme se trouvant en concurrence avec le secteur hôtelier.
5. Le b. du 4° de l'article 261 D du code général des impôts est incompatible avec les objectifs de l'article 135 de la directive du 28 novembre 2006 en tant qu'il subordonne la soumission à la taxe sur la valeur ajoutée des activités de mise à disposition d'un local meublé ou garni à la condition que soient proposées au moins trois des quatre prestations accessoires qu'il énumère, dans des conditions similaires à celles proposées par les établissements hôteliers. En revanche, ces dispositions demeurent compatibles avec les objectifs dudit article en tant qu'elles excluent de l'exonération de taxe sur la valeur ajoutée qu'elles prévoient les activités se trouvant dans une situation de concurrence potentielle avec les entreprises hôtelières. Il appartient à l'administration, sous le contrôle du juge de l'impôt, d'apprécier au cas par cas si un établissement proposant une location de logements meublés, eu égard aux conditions dans lesquelles cette prestation est offerte, notamment la durée minimale du séjour et les prestations fournies en sus de l'hébergement, se trouve en situation de concurrence potentielle avec les entreprises hôtelières.
6. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve au contribuable, il appartient au juge de l'impôt, au vu de l'instruction et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si la situation du contribuable entre dans le champ de l'assujettissement à l'impôt ou, le cas échéant, s'il remplit les conditions légales d'une exonération.
7. Il résulte de l'instruction que Mme B... a donné en location deux studios et l'emplacement de parking dont elle est propriétaire dans la " résidence Sigma " à la société Habitat Gestion par un bail commercial assorti de l'engagement, par le preneur, d'assurer la fourniture des prestations para-hôtelières prévues à l'article 261 D, 4° b. du code général des impôts. Il n'est pas contesté que la société Habitat Gestion ne propose pas de service de petit déjeuner aux résidents, tandis que l'administration a admis que les prestations de nettoyage des locaux et de fourniture de linge de maison, en l'espèce linge de toilette et draps, étaient proposées, selon tarification supplémentaire. Contrairement à ce que soutient la requérante et conformément aux règles analysées aux points 6 à 9 ci-dessus, la fourniture de ces deux prestations ne suffit pas à l'assujettir à la taxe sur la valeur ajoutée. Quant à la prestation de réception, à l'exception de l'accueil physique des locataires organisé lors de leur arrivée dans les locaux en vue de la remise des clés et de l'établissement d'un état des lieux, elle consiste seulement dans la mise en place d'un " service accueil " disponible les jours ouvrables et selon des horaires " de bureau ". En dehors de ces plages horaires, les locataires doivent composer deux numéros de téléphone, dont il n'est pas établi au demeurant qu'ils permettraient de joindre quelqu'un à tout moment, l'affichage dans l'entrée de la résidence se bornant à préciser qu'un message peut être laissé " afin que l'on puisse vous recontacter ". Enfin, il résulte de l'instruction que la résidence Sigma a vocation à accueillir des étudiants, qui signent un contrat de location à durée déterminée, le seul produit par Mme B... étant d'une durée de dix mois. Il résulte de ce qui précède que, eu égard notamment aux conditions dans lesquelles sont proposées les prestations fournies en sus de l'hébergement, et sans même qu'il soit besoin de se prononcer sur la durée des locations, la prestation de logements meublés en litige ne peut être regardée comme se trouvant en concurrence potentielle avec les entreprises hôtelières. Ainsi, c'est à bon droit que l'administration fiscale a considéré que la location des studios meublés dont Mme B... est la propriétaire était exonérée de taxe sur la valeur ajoutée et a rejeté la demande de remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé l'acquisition de ces biens ainsi que du mobilier les équipant.
Sur le bénéfice de la garantie prévue aux articles L. 80 A et L. 80 B du livre des procédures fiscales :
8. Aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration. / (...) / Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente. Sont également opposables à l'administration, dans les mêmes conditions, les instructions ou circulaires publiées relatives au recouvrement de l'impôt et aux pénalités fiscales ". Aux termes de l'article L. 80 B du même livre : " La garantie prévue au premier alinéa de l'article L. 80 A est applicable : / 1° Lorsque l'administration a formellement pris position sur l'appréciation d'une situation de fait au regard d'un texte fiscal ; (...) ".
9. Le rejet par l'administration fiscale d'une demande de remboursement d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée ne constitue pas un rehaussement d'impositions permettant à un contribuable de se prévaloir, sur le fondement de ces dispositions, de l'interprétation administrative de la loi fiscale. Par suite, Mme B... ne peut se prévaloir, sur le fondement des dispositions du premier alinéa de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales et du 1° de l'article L. 80 B du même livre, de la réponse de la direction de la législation fiscale du 17 septembre 2014 et de la réponse de la direction de la législation fiscale du 3 juillet 2006, dont il cite des extraits.
10. En tout état de cause, d'une part, ces extraits ne donnent pas de la loi fiscale une interprétation différente de celle dont il vient d'être fait application. D'autre part, en l'absence de toute publication de ces rescrits individuels, Mme B... ne peut pas plus s'en prévaloir sur le terrain du troisième alinéa de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales. Enfin, la requérante ne justifie pas que sa situation serait la même que celle sur laquelle l'administration a porté son appréciation dans les deux rescrits dont il s'agit.
11. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande. Par suite, sa requête doit être rejetée en toutes ses conclusions, y compris celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

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