Question de Mme Sonia de La Provôté (Calvados - UC) publiée le 18/05/2023
Mme Sonia de La Provôté attire l'attention de Mme la ministre déléguée auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat et du tourisme, sur le seuil de 120 jours au-delà duquel ne peut être proposé à la location un meublé de tourisme déclaré comme résidence principale, soit comme un logement occupé au moins huit mois par an, au sens de l'article 2 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs.
Ces 120 jours correspondent effectivement aux quatre mois où l'occupant d'une résidence principale n'est pas tenu d'y demeurer. Le respect d'un tel seuil constitue un enjeu pour les élus locaux, soucieux de préserver le parc de logements occupés à l'année. L'expérimentation par la direction générale des entreprises d'une interface de programmation d'application (API) centralisant les déclarations des plateformes représente à ce titre un progrès indéniable.
Néanmoins, une confusion regrettable semble s'être installée : tant dans l'expérimentation de la direction générale des entreprises que dans le guide sur la régulation des meublés de la direction de l'habitat, de l'urbanisme et des paysages, les 120 jours sont interprétés comme 120 nuitées.
Or, quand bien même l'unité de vente des séjours commercialisés par le biais des plateformes est la nuit, il n'en reste pas moins que le nombre de nuits vendues à l'année ne correspond pas nécessairement au nombre de jours où le logement est loué.
Puisque, dans les faits, les meublés de tourisme loués une nuit accueillent leur clientèle dans l'après-midi jusqu'à la fin de matinée du lendemain, il semble difficile de ne pas considérer qu'un tel séjour empêche l'habitation à titre de résidence principale non pas pendant un jour, mais pendant deux.
Aussi, elle souhaiterait donc savoir si le Gouvernement entend demander à l'administration de rectifier en conséquence ses productions.
Publiée dans le JO Sénat du 18/05/2023 - page 3193
Réponse du Ministère auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat et du tourisme publiée le 30/11/2023
Les meublés de tourisme sont un type d'hébergement défini dans le code du tourisme à l'article L. 324-1 comme « des villas, appartements ou studios meublés, à l'usage exclusif du locataire, offerts à la location à une clientèle de passage qui n'y élit pas domicile et qui y effectue un séjour caractérisé par une location à la journée, à la semaine ou au mois ». La définition des meublés de tourisme et l'emploi de l'expression « à la journée » font écho aux définitions des autres types d'hébergements réglementés par le même code. Par exemple, selon l'article D. 321-1 de ce code, les résidences de tourisme sont « proposées à une clientèle touristique qui n'y élit pas domicile, pour une occupation à la journée, à la semaine ou au mois ». D'après l'article D. 311-4 du même code, les hôtels de tourisme, quant à eux, sont des établissements commerciaux d'hébergement classés caractérisés « par une location à la journée, à la semaine ou au mois ». Depuis l'entrée en vigueur de la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique (dite loi « ELAN »), l'article L. 324-1-1 du code du tourisme dispose que les résidences principales déclarées comme meublés de tourisme ne peuvent être louées au-delà de 120 jours au cours d'une même année civile. La notion de 120 jours limitatifs rejoint l'emploi du terme « journée » présent dans la définition susmentionnée, la journée étant la plus petite durée de location possible du meublé de tourisme. Par ailleurs, cette limite de 120 jours s'inscrit en cohérence avec la définition légale de la résidence principale. En effet, l'article 2 de la loi du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs dispose que la résidence principale s'entend comme « le logement occupé au moins huit mois par an, sauf obligation professionnelle, raison de santé ou cas de force majeure ». En d'autres termes, puisqu'une résidence principale est occupée huit mois, elle ne peut pas être louée comme meublé plus de quatre mois dans une année. Prévoir une limite plus basse aurait pu entrer en contradiction avec la protection de niveau constitutionnel de la propriété privée. Le jour se caractérisant comme un intervalle de vingt-quatre heures, la location à la journée d'un meublé de tourisme s'entend dès lors comme comprenant la nuitée, objectif premier de la location d'un hébergement, ainsi qu'une partie de la journée précédant ou suivant cette nuitée selon l'heure d'arrivée et de départ des locataires. Cet intervalle de location est réservé aux locataires et non au loueur, qui ne loge pas dans sa résidence pendant le séjour des locataires. L'expérimentation de la direction générale des entreprises (DGE) - API meublés et le guide sur la régulation des meublés de la direction de l'habitat, de l'urbanisme et des paysages reprennent les définitions et les termes employés dans les textes législatifs. Il s'agit d'une continuité dans l'emploi du terme « jour ». Cependant, la nuitée est implicitement comprise dans la location, c'est la raison pour laquelle certaines interprétations tendent à signifier 120 nuits. Par ailleurs, dans les faits, la différence entre le nombre de jours et le nombre de nuitées est marginale. Les résidences principales qui sont mises sur le marché des meublés de tourisme font l'objet d'une location seulement saisonnière, pendant l'absence de leurs occupants (par exemple, pendant les mois d'été), donc pendant une période continue (par exemple de 2 mois). Si un bien est loué pendant 60 nuitées consécutives, il est mis à la location pendant 61 jours calendaires. La nuance qui peut exister entre jour et nuitée ne constituerait un problème que si la location était totalement discontinue, ce qui correspond à une situation improbable dans le cas d'une résidence principale. En tout état de cause, dans le respect du seuil de 120 jours, la location de ces résidences ne porte pas atteinte au marché locatif puisqu'elles demeurent les résidences principales des loueurs qui y sont domiciliés. De leur côté, les résidences secondaires font l'objet de régulations successives qui tendent à trouver un équilibre entre souci de préserver le marché locatif du logement et volonté de développer l'activité touristique. L'obligation de changement d'usage constitue un des instruments normatifs pour réguler le marché.
Publiée dans le JO Sénat du 30/11/2023 - page 6675